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Nomina verbaque non positu fortuito, sed quâdam vi & ratione naturæ facta esse P. Nigidius in grammaticis commentariis docet, rem sanè in philosophiæ dissertationibus celebrem. Quæri enim solitum apud Philosophos φύσει τὰ ὀνόματα sint ἢ θέσει, naturâ nomina sint an impositione. In eamrem multa argumenta dicit, cur videri possint verba naturalia magis quâm arbitraria. … Nam sicuti cùm adnuimus & abnuimus, motus quidem ille vel capitis vel oculorum à naturà rei quam significat non abhorret ; ita in vocibus quasi gestus quidam oris & spiritûs naturalis est. Eadem ratio est in græcis quoque vocibus quam esse in nostris animadvertimus. A Gell. lib. X. cap. jv.

» Qu’on ne s’étonne donc pas de trouver des termes de figure & de signification semblables dans les langues de peuples fort différens les uns des autres, qui ne paroissent avoir jamais eu de communication ensemble ». Toutes les nations sont inspirées par le même maître, & d’ailleurs tous les idiomes descendent d’une même langue primitive, voyez Langue. C’est assez pour établir des radicaux communs à toutes les langues postérieures, mais ce n’est pas assez pour en conclure une liaison immédiate. Ces radicaux prouvent que les mêmes objets ont été vûs sous les mêmes aspects, & nommés par des hommes semblablement organisés ; mais la même maniere de construire est ce qui prouve l’affinité la plus immédiate, sur-tout quand elle se trouve réunie avec la similitude des mots radicaux. (B. E. R. M.)

ONONG, s. m. (terme de Calend.) On écrit aussi Onung, Onungi & Onuzangi ; nom du dixieme mois de l’année des peuples de la Turcomanie & des Tartares qui habitent près de ce pays. Ce mois répond à notre mois de Septembre, parce que ces peuples commencent leur année en Décembre.

ONONYCHITE, s. m. (Théolog.) terme qui signifie à la lettre ce qui a les piés d’un âne. Ce mot est formé du grec ὄνος, âne, & d’ὄνυξ, sabot, ongle.

Ononychite étoit le nom injurieux que les payens donnerent dans le premier siecle au Dieu des Chrétiens, si l’on en croit Tertullien dans son apologétique, parce que ceux-ci adoroient & reconnoissoient le même Dieu que les Juifs.

Mais sur quel fondement les payens prétendoient-ils que les Juifs adoroient un âne, ou un dieu qui eût des piés d’âne ? c’est ce que nous allons examiner dans cet article.

Les payens, qui n’ont jamais eu qu’une idée fort imparfaite, ou même très-fausse de la religion des Juifs, leur ont imputé sans preuve cette extravagante idolâtrie. Appion le grammairien dit que les Juifs adoroient une tête d’âne, & il avance que lorsqu’Antiochus Epiphanes pilla le temple de Jérusalem, il y trouva une tête d’âne qui étoit d’or, & d’un assez grand prix, & qui étoit adorée par les Juifs. Josephe l’historien, qui rapporte cette calomnie, liv. II. contr. Appion ch. iij. la réfute en montrant que les Juifs n’ont jamais adoré aucun des animaux.

Diodore de Sicile raconte (eclog. ex l. XXXIV. pag. 901 & 902) qu’Antiochus étant entré dans l’intérieur du temple, y trouva une statue de pierre représentant un homme avec une grande barbe, & monté sur un âne, & qu’il jugea que cette figure représentoit Moïse. Mais que conclure du récit d’un historien si mal informé ?

Tacite (histoir. liv. V.) dit que Moïse & son peuple ayant été chassés de l’Egypte, parce qu’ils étoient infectés de lepre, se retirerent dans le desert d’Arabie, où ils étoient près de périr de soif, lorsqu’ils virent une troupe d’ânes sauvages qui entroient dans un bois fort touffu, ce qui fit soupçonner à Moïse qu’ils alloient chercher à s’y désaltérer. Il les y sui-

vit, & trouva en effet de fort belles sources d’eau, qui lui servirent à lui & à sa troupe à étancher leur soif. Tacite ajoute qu’en reconnoissance les Juifs consacrerent une figure de cet animal dans leur sanctuaire, & qu’ils l’adoroient.

D’autres prétendent qu’on les accusa de cette idolâtrie parce qu’ils n’immoloient point d’ânes ; & quelques-uns enfin en ont donné pour raison que l’urne d’or à deux anses, dans laquelle on conservoit la manne dans le tabernacle, avoit la figure de la tête d’un âne ; mais ces deux dernieres raisons sont aussi frivoles que les deux premieres sont mal-fondées. La narration de Tacite, quoique dénuée de preuves, paroît être la source de ce préjugé des étrangers contre les Juifs ; & les payens qui confondoient souvent avec ceux-ci les premiers chrétiens, ne balancerent pas à leur attribuer ce culte extravagant, pour les rendre ou odieux ou ridicules. Voyez Reland, dissert. in numismat. Samarit. & Tacite, loc. cit.

ONOR, (Géog.) ville & forteresse d’Asie, dans la presqu’île en-deçà du Gange, sur la côte de Malabar, à 18 lieues de Goa. Longit. 90. 30′. latit. 14. 45.

ONOSICLEDE, s. m. (Gramm.) monstre fabuleux à cuisse d’âne. Un diacre de Milan appellé Géronce, fut suspendu de ses fonctions par saint Ambroise, pour s’être vanté d’en avoir vû un.

ONOSMA, s. m. (Botan. anc.) plante décrite par Dioscoride avec des feuilles semblables à celles de l’orcanette, mais sans tige, sans fleurs & sans semence. L’erreur de cet ancien botaniste vient de ce qu’il n’a observé cette plante que la premiere année, où en effet elle ne pousse que des feuilles, de même que la cynoglosse, la buglosse, & autres plantes de cette espece ; mais par les autres détails de Dioscoride, il paroît effectivement que c’est une espece d’orcanette, que le docteur Shérard a remarqué dans l’île de Jersey. (D. J.)

ONTOLOGIE, s. f. (Logiq. & Métaphys.) c’est la science de l’être considéré entant qu’être. Elle fournit des principes à toutes les autres parties de la Philosophie, & même à toutes les Sciences.

Les scholastiques souverainement passionnés pour leur jargon, n’avoient garde de laisser en friche le terroir le plus propre à la production des termes nouveaux & obscurs : aussi élevoient-ils jusqu’aux nues leur philosophia prima. Dès que la doctrine de Descartes eut pris le dessus, l’ontologie scholastique tomba dans le mépris, & devint l’objet de la risée publique. Le nouveau philosophe posant pour principe fondamental qu’on ne devoit admettre aucun terme auquel ne répondît une notion claire ou qui ne fût résoluble par sa définition en idées simples & claires, cet arrêt, émané du bon sens, proscrivit tous les termes ontologiques alors usités. Effectivement les définitions destinées à les expliquer, étoient pour l’ordinaires plus obscures que les termes mêmes ; & les regles ou canons des scholastiques étoient si équivoques, qu’on ne pouvoit en tirer aucun usage. On n’envisagea donc plus l’ontologie que comme un dictionnaire philosophique barbare, dans lequel on expliquoit des termes dont nous pouvions fort bien nous passer ; & ce qui acheva de la décrier, c’est que Descartes détruisit sans édifier, & qu’il décida même que les termes ontologiques n’avoient pas besoin de définition, & que ceux qui signifioient quelque chose étoient suffisamment intelligibles par eux mêmes. Sans doute la difficulté de donner des définitions précises des idées simples & primitives, fut ce qui engagea Descartes à couper ainsi le nœud.

L’ontologie, qui n’étoit autrefois qu’une science de mots, prit une toute autre face entre les mains des philosophes modernes, ou, pour mieux dire,