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dans certains cantons du Sénégal & du royaume de Galam tout le terrein est rempli d’or, & qu’il n’y a simplement qu’à gratter la terre pour trouver ce métal. Les endroits les plus riches de cette contrée sont les mines de Bamboue & de Tambaoura, près de la riviere de Gambie, ainsi que celles de Nattacon, de Nambia & de Smahila, qui sont à environ 30 lieues du fort de S. Joseph de Galam.

Personne n’ignore la prodigieuse quantité d’or que les Espagnols ont tiré depuis plus de deux siecles du Nouveau-Monde ; c’est sur-tout l’envie de se mettre en possession de l’or des Américains, qui leur a inspiré tant d’ardeur pour faire la conquête de cette riche contrée, & depuis ils n’ont cessé d’y puiser des richesses incroyables. C’est le Pérou, le Potosi & le Chily qui en fournissent la plus grande quantité. L’or s’y trouve, soit par filons, soit par masses détachées & en particules de différentes formes mêlées dans les couches de la terre, & souvent à sa surface. Les Espagnols nomment Lavaderos les terres qui contiennent de l’or, & dont on tire ce métal par le lavage ; souvent ces terres ne paroissent point au premier coup-d’œil en contenir ; pour s’en assûrer, on fait des excavations dans ces terres, & l’on y fait entrer les eaux de quelque ruisseau ; pendant qu’il coule, on remue la terre, afin que le courant d’eau la délaye & l’entraîne plus facilement ; lorsqu’on est arrivé à la couche de terre qui contient de l’or, on détourne les eaux, & l’on se met à creuser à bras d’hommes, on transporte la terre chargée d’or dans un lieu destiné à en faire le lavage, on se sert pour cela d’un bassin qui a la forme d’un soufflet de forge ; on fait couler l’eau d’un ruisseau rapidement par ce bassin, afin qu’il délaye la terre & en détache l’or qui y est mêlé ; on remue sans cesse avec un crochet de fer ; on sépare les pierres les plus grossieres, & l’or par sa pesanteur tombe au fond du bassin parmi un sable noir & fin, qui est vraissemblablement ferrugineux. M. Frézier, auteur d’un voyage de la mer du Sud, d’où ces faits sont tirés, présume avec raison qu’en procédant avec si peu de précautions il doit se perdre beaucoup de particules métalliques qui sont emportées par l’eau ; il remarque que l’on préviendroit cette perte, si on faisoit ce lavage sur des plans inclinés garnis de peaux de moutons, ou d’une étoffe de laine velue & grossiere, qui serviroit à accrocher les petites particules d’or. Voyez l’article Lavage. De cette maniere on découvre quelquefois dans ces terres des masses d’or, que les Espagnols nomment pépitas, qui souvent pesent plusieurs marcs ; on prétend qu’il s’est trouvé dans le voisinage de Lima deux de ces masses ou pépites, dont l’une pesoit 64 marcs & l’autre 45, voyez Pépitas ; mais communément il est en poudre, en paillettes, & en petits grains arrondis & lenticulaires. Pour séparer l’or du sable ferrugineux, avec lequel il est encore mêlé : après ce premier lavage, on le met dans une sébille ou grand plat de bois, au milieu duquel est un enfoncement de trois ou quatre lignes, on remue ce plat avec la main en le tournant dans une cuve pleine d’eau, on lui donne des secousses au moyen d’un tour de poignet ; de cette maniere ce qui étoit resté de terre & de sable, étant plus léger s’en va par-dessus les bords du plat ; tandis que l’or, comme beaucoup plus pesant, reste dans le fond où on le voit paroître sous sa couleur naturelle & en particules de différentes figures, qui n’ont pas besoin d’un travail ultérieur. Cette maniere de tirer l’or de la terre est moins couteuse & moins laborieuse que lorsqu’on travaille un filon, & que l’on détache l’or de la pierre dure qui lui sert de miniere ou d’enveloppe. La terre qui est chargée d’or est ordinairement rougeâtre, & forme une couche mince à la

surface ; à 5 ou 6 piés de profondeur, elle est mêlée d’un sable grossier, & c’est là que commence le lit ou la couche qui contient de l’or ; au-dessous de cette couche est un banc pierreux bleuâtre, comme d’une roche pourrie, ce banc est parsemé d’une grande quantité de petites particules luisantes que l’on prendroit pour des paillettes d’or, mais qui ne sont réellement que des particules pyriteuses. En allant au-dessous de ce banc de pierre, on ne trouve plus d’or. Voyez le voyage de la mer du Sud de M. Frézier. L’on voit par ce récit que ces mines d’or ont été formées par les torrens & par les inondations qui ont arraché l’or des filons, où il étoit contenu, pour le répandre dans les couches de la terre. Voyez l’article Mine. L’on doit attribuer la même origine à l’or qui se trouve répandu dans le sable des rivieres, dont nous avons parlé plus haut. Cependant Beccher a cru que cet or du sable des rivieres y avoit été formé ; sentiment qui ne paroît point du tout vraissemblable. L’or qui se trouve dans les couches de la terre, ainsi qu’à sa surface, comme au Sénégal & dans le royaume de Galam en Afrique, paroît y avoir été apporté par les rivieres considérables qui arrosent ces contrées.

A l’égard de l’or qui se trouve dans des filons suivis, & enveloppé dans le quartz, il en coûte beaucoup plus de peines & de dépenses pour l’obtenir : d’abord il faut pour cela creuser & fouiller dans les montagnes, ensuite il faut détacher avec beaucoup de travail la miniere de l’or, qui est quelquefois extrèmement dure ; après quoi on est obligé de l’écraser & de la réduire en poudre. On se sert pour cela au Chily & dans les autres parties de l’Amérique espagnole, de moulins que l’on nomme trapiches. M. Frézier dit qu’ils ressemblent à ceux dont on se sert en France pour écraser les pommes lorsqu’on en veut faire du cidre ; ils sont composés d’une auge ou d’une grande pierre ronde de cinq ou six piés de diametre, creusée d’un canal circulaire profond de dix-huit pouces. Cette pierre est percée dans le milieu pour y placer l’axe prolongé d’une roue horisontale posée au-dessous, & bordée de demi-godets, contre lesquels l’eau vient frapper pour la faire tourner : par ce moyen on fait rouler dans le canal circulaire une meule posée de champ, qui répond à l’axe de la grande roue ; cette meule s’appelle en espagnol volteadora ou la tournante ; son diametre ordinaire est de trois piés quatre pouces, & son épaisseur est de dix à quinze pouces. Elle est traversée dans son centre par un axe assemblé dans le grand arbre, qui la faisant tourner verticalement, écrase la pierre qu’on a tirée de la mine ou du minerai, qui est ou blanc, ou rougeâtre, ou noirâtre, & qui ne montre que peu ou point d’or à l’œil. Lorsque ces pierres sont un peu écrasées, on verse par-dessus une certaine quantité de mercure qui s’unit à l’or qui étoit répandu dans la roche. Pendant ce tems on fait tomber dans l’auge circulaire un filet d’eau, conduit avec rapidité par un petit canal pour délayer la terre qu’il entraîne dehors par un trou fait exprès. L’or uni au mercure tombe au fond de l’auge par sa pesanteur, & y demeure retenu. On moud par jour un demi-caxon, c’est-à-dire 25 quintaux de minerai ; & quand on a cessé de moudre, on ramasse cette pâte d’or & de mercure, ou cet amalgame que l’on trouve au fond de l’endroit le plus creux de l’auge ; on la met dans une toile pour en exprimer le mercure autant qu’on peut ; on l’expose ensuite au feu pour dégager ce qui reste de mercure uni avec l’or, & l’on appelle l’or qu’on a obtenu de cette façon or en pigne, voyez. Pour achever de dégager entierement cet or du mercure dont il est imprégné, on le distille dans de grandes rétortes ; & quand le mercure en a été entierement séparé, on le fait fondre dans des