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creusets, & on le met en lingots ou en lames. Ce n’est qu’alors qu’on peut connoître son poids & son véritable titre ; ce titre varie, & tout l’or qui se trouve n’est point également pur, ce qui vient du plus ou du moins d’argent ou de cuivre auquel il est uni. Voyez voyage de la mer du Sud, par M. Frézier. Voyez nos Pl. de Métal. & leur explic.

A l’égard des mines d’Hongrie, les principales sont à Schemnitz & à Kremnitz ; on y détache l’or du filon, & l’exploitation se fait de même que celle de toutes les autres mines, c’est-à-dire, on y descend par des puits, on y forme des galeries, &c. Voyez l’article Mine. La roche ou miniere dans laquelle l’or est enveloppé, est ou blanche, ou noire, ou rougeâtre : on l’écrase sous des pilons, on en fait le lavage ; & comme cette mine contient des matieres étrangeres, on la mêle avec de la chaux vive & avec des scories, & on la fait fondre dans un fourneau. On passe la masse qui a résulté de cette fonte encore par un feu de charbon pour la purifier.

Quant à l’or qui se trouve dans les rivieres, on l’obtient en lavant le sable de leur lit ; on choisit pour cela les endroits où la riviere fait des coudes, où ces eaux vont frapper avec violence, & où il s’est amassé du gros sable ou gravier. Ceux qui s’occupent de ce travail se nomment orpailleurs ; ils commencent par passer ce sable à la claie, afin de séparer les pierres les plus grossieres : on met ensuite le sable qui a passé, dans des grands baquets remplis d’eau ; on jette ce sable avec l’eau sur des morceaux de drap grossier ou sur des peaux de mouton tendues sur une claie inclinée : par-là l’or, qui est ordinairement en particules très fines, s’attache avec le sable le plus fin aux poils du drap ou de la peau de mouton, que l’on lave de nouveau pour en séparer l’or & le sable. Pour achever ensuite la séparation de l’or d’avec le sable auquel il est joint, on en fait le lavage à la sebille, c’est-à-dire dans une écuelle de bois dont le fond est garni de rainures ; on l’agite en tournoyant ; le sable qui est plus leger, s’en va par dessus les bords de la sebille, tandis que l’or reste au fond. L’or que l’on obtient de cette maniere est quelquefois très-pur, quelquefois il est mêlé avec de l’argent ou du cuivre.

Après avoir examiné la maniere dont l’or se trouve dans sa mine, & la maniere dont on l’en tire, nous allons examiner ses propriétés physiques & ses différens effets dans les opérations de la Chimie.

Nous avons dit dans la définition de l’or, que sa couleur étoit jaune, mais elle est quelquefois très pâle, ce qui annonce qu’il est mêlé de beaucoup d’argent. Il y a même des auteurs qui ont prétendu qu’il y avoit de l’or blanc, & il y a apparence qu’on a voulu désigner par-là de l’argent chargé d’une très petite portion d’or. Au reste on a aussi donné le nom d’or blanc à la substance que les Espagnols ont appellée platina del pinto. Voyez Platine.

Quelques chimistes ont prétendu blanchir l’or au moyen d’un esprit de nitre qu’ils appellent philosophique ou bézoardique, dans lequel il y a de l’antimoine ; mais M. Rouelle observe avec raison que ce dissolvant n’est autre chose qu’une eau régale qui a conservé une portion de l’antimoine qu’elle avoit dissout, & qui a contribué à blanchir cet or. Ce qui le prouve, c’est qu’en refondant cet or il reprend sa couleur jaune.

L’or est le corps le plus pesant qui soit dans la nature ; un pié cube d’or pese 21220 onces poids de Paris. De toutes les substances minérales, c’est la platine qui en approche le plus pour le poids. Voyez Platine.

Quant à la ductilité de l’or, elle est plus grande que celle d’aucun autre métal ; pour s’en convaincre, on n’a qu’à considérer le travail des Tireurs &

des Batteurs d’or, qui réduisent ce métal en fils & en feuilles d’une finesse incroyable.

L’action du feu le plus violent ne produit aucune altération sur l’or. Kunckel a tenu ce métal en fusion pendant deux mois au fourneau de verrerie, sans avoir remarqué au bout de ce tems aucune diminution dans son poids. M. Homberg prétend que l’or exposé au miroir ardent s’est vitrifié, a perdu une portion de son poids, & a repris ensuite sa forme primitive, lorsqu’on eut remis cette chaux en fusion avec une matiere grasse.

L’or a beaucoup de disposition à s’unir avec le mercure ; c’est sur cette propriété qu’est fondé le travail par lequel on sépare ce métal des terres, des pierres, du sable avec lesquels il se trouve mêlé, comme on a fait voir dans le cours de cet article. C’est aussi sur ce principe qu’est fondé l’art de la dorure ou d’appliquer l’or sur les autres métaux. Voyez Dorure.

Le vrai dissolvant de l’or est l’eau régale, c’est-à-dire l’acide nitreux combiné avec l’acide du sel marin ou avec le sel ammoniac. On croit communément qu’aucun de ces acides n’agit séparément sur l’or ; cependant M. Brandt, célebre chimiste suédois, a fait voir dans le tome X. des mémoires de Stockholm, que l’eau-forte ne laisse pas d’agir sur l’or, & d’en dissoudre une partie. Voyez Régale, eau. L’or dissout dans l’eau régale, lui donne une couleur jaune ; s’il en tombe sur les mains, elle y fait des taches de couleur pourpre.

Si on précipite l’or qui a été dissout dans de l’eau régale faite avec le sel ammoniac par le moyen d’un alkali fixe, le précipité que l’on obtient s’appelle or fulminant, parce que si on l’expose à la chaleur, cet or précipité fait une explosion très-violente, & plus forte même que celle de la poudre à canon.

L’or qui a été dissout dans l’eau régale peut aussi être précipité par le moyen du cuivre ou du vitriol cuivreux, ainsi que par le mercure & le sublimé corrosif.

Quand on précipite l’or qui a été dissout par l’eau régale au moyen de l’étain, l’or se précipite d’une couleur pourpre ; c’est ce que l’on appelle le précipité de Cassius. Ce précipité est propre à entrer dans les émaux, & il est excellent pour peindre sur la porcelaine. Voyez Pourpre minérale.

L’or peut encore se dissoudre dans d’autres dissolvans que l’eau régale, mais il faut pour cela que son aggrégation ait été rompue, & alors ce métal, comme M. Marggrave l’a prouvé, peut se dissoudre même dans les acides tirés des végétaux.

La combinaison de l’alkali fixe & du soufre, que l’on nomme foie de soufre, dissout l’or au point de le rendre miscible avec l’eau commune. Sthal pense que c’est par ce moyen que Moïse détruisit le veau d’or des Israëlites.

L’or a la propriété de s’unir avec d’autres métaux, tels que l’argent & le cuivre. On fait souvent ces alliages pour lui donner plus de dureté, vû qu’il est mou lorsqu’il est pur ; quand il est allié avec de l’argent, on l’en sépare par le moyen de l’acide nitreux, qui agit sur l’argent & le dissout sans toucher à l’or, mais il faut pour cela qu’il y ait dans la masse totale trois parties d’argent contre une partie d’or. Voyez Départ & Quartation. Lorsque l’or est allié avec d’autres métaux, on l’en dégage ou on le purifie à l’aide de l’antimoine ; pour cet effet on met dans un creuset une partie d’or contre quatre parties d’antimoine crud ; on fait entrer le tout en fusion, & on le tient long-tems dans cet état. On vuidera ensuite la matiere fondue dans un cône de fer chauffé & enduit de graisse ; lorsque le tout sera refroidi, on séparera le régule ou culot des scories ; on mettra ce régule dans un creuset pour