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calciner l’antimoine, qui se dissipera en fumée ; on aidera la dissipation de l’antimoine en soufflant sur le mélange fondu ; lorsqu’il n’en partira plus de fumée, ce sera un signe que l’antimoine est totalement dissipé. Par ce moyen on aura de l’or parfaitement pur, parce que le soufre qui étoit dans l’antimoine crud s’unit avec les autres métaux & les réduit en scories, & l’or se combine avec le régule de l’antimoine, qui ayant beaucoup de disposition à se calciner & à se dissiper en fumée, se dégage ensuite de l’or par la calcination. Il faut observer que dans cette opération l’or souffre toujours quelque déchet, parce que l’antimoine en se dissipant en entraîne une petite portion. C’est-là la maniere la plus sûre de purifier l’or.

Ce métal se purifie encore par la coupelle ; cette opération est fondée sur ce que le plomb qui vitrifie les métaux imparfaits n’agit point sur l’or, & le débarrasse des substances étrangeres avec lesquelles il étoit mêlé. Voyez Coupelle. Enfin, l’or se purifie encore par la cémentation ; dans cette opération on réduit l’or en lames, on le stratifie dans un creuset avec un mélange composé de sel ammoniac, de sel marin, & de briques pilées ; on tient le tout pendant long-tems à un degré de chaleur qui le fasse rougir : par ce moyen on le dégage des métaux imparfaits. Voyez Cémentation.

L’or qui a été dissout dans l’eau régale, peut être précipité par le moyen d’une huile essentielle ; on n’aura pour cela qu’à la verser sur la dissolution, & l’y laisser en digestion : par là l’huile essentielle prendra la couleur d’or, & on pourra l’étendre & la faire digérer avec de l’esprit-de-vin ; c’est-là ce qu’on appelle de l’or potable. On peut se servir pour le faire de l’huile essentielle de romarin ; mais l’éther ou la liqueur éthérée de Frobénius, a sur-tout la propriété de se charger de l’or qui a été dissout dans l’eau régale. M. Rouelle regarde ce procédé comme un excellent moyen de purifier l’or, parce que tous les métaux qui peuvent être unis avec lui restent dissous dans l’eau régale, & l’éther se charge de l’or très-pur.

La dissolution de l’or dans l’eau régale, faite avec le sel ammoniac, fournit un moyen de volatiliser ce métal. Pour y parvenir, suivant M. Rouelle, on distille cette dissolution dans une cornue, jusqu’à ce que la liqueur qui reste soit devenue d’une consistance épaisse comme une pulpe ; on remet ce qui a passé dans le récipient sur ce qui est resté dans la cornue ; on réitere six ou sept fois ces distillations & ces cohobations ; alors en poussant le feu, l’or monte sous la forme de crystaux d’une couleur orangée ou un peu rouge, qui s’attachent aux parois des vaisseaux, ensuite il passe sous la forme d’une liqueur rouge. C’est cette liqueur que quelques alchimistes ont nommé le lion rouge ; ils en faisoient leur or potable en le dissolvant dans de l’esprit-de-vin ou dans une huile essentielle, & ils lui attribuoient un grand nombre de vertus merveilleuses.

M. Wallerius ayant fait dissoudre de l’or dans de l’eau régale, versa sur cette dissolution de l’éther qui ne tarda point à se charger des particules d’or qui avoient été dissoutes ; il boucha la bouteille avec soin, & trouva au bout de quelques mois qu’il s’étoit formé dans la bouteille des crystaux semblables à ceux du nitre, qui étoient d’un beau jaune d’or. Voyez les mémoires de l’académie de Stockholm, t. XI. année 1749.

La calcination de l’or a toujours été regardée comme un problème très-difficile de la Chimie, & plusieurs personnes doutent très-fort de sa possibilité, vu que l’action du feu ne peut point détruire ce métal ; on a été même jusqu’à dire qu’il étoit plus facile de faire de l’or que de le décomposer. Cepen-

dant Isaac le hollandois & le célebre Kunckel ont

prétendu qu’on pouvoit réduire l’or en une chaux absolue & irréductible, en le tenant pendant trois ou quatre mois exposé au feu de réverbere, sans cependant le faire entrer en fusion ; mais il falloit pour cela avoir rompu son aggrégation. Isaac le hollandois regarde cette chaux comme le vrai sel des métaux, & prétend que l’or y est changé en une substance saline, propre à transmuer les autres métaux ; il assure y être parvenu en dissolvant cette chaux dans l’acide du vinaigre distillé. Kunckel a travaillé d’après les idées d’Isaac le hollandois, & ses expériences semblent appuyer le sentiment de cet alchimiste. En effet, après être parvenu à produire ce sel, il prétend l’avoir fait crystalliser, & ses crystaux étoient, selon lui, en fils semblables à ceux de l’amiante ; il assure de plus que ce sel est propre à transmuer le plomb en argent.

Langelot & d’autres alchimistes ont prétendu qu’en triturant l’or en grenaille dans un mortier fait exprès, avec quelques substances dont il tait la composition, cet or préparé mis en distillation dans une cornue, passe sous la forme d’une liqueur rouge qu’il n’est pas possible de réduire en or.

On a aussi tenté de décomposer l’or en le mettant en cémentation avec le lapis pyrmieson, qui est un composé d’arsenic, d’antimoine & de soufre fondus ensemble. Borrichius prétend être parvenu à mettre l’or sous la forme d’une poudre grise qui ne put plus se réduire par la fusion. Son procédé consistoit à triturer pendant long-tems l’amalgame de l’or avec le mercure dans de l’eau. Les Osiander, autres alchimistes, ont pareillement prétendu avoir mis l’or dans l’état d’une chaux irréductible, en triturant & en digérant alternativement pendant long-tems un amalgame composé de six parties de mercure contre une partie d’or.

Quoi qu’il en soit de toutes ces prétentions alchimiques, il paroît que la calcination & la décomposition de l’or demeurera toujours une opération sinon impossible, du-moins extraordinairement difficile : on peut en dire autant de la chrysopée ou de l’art de faire de l’or, dont l’avidité des hommes s’est occupée depuis tant de siecles. Voyez Hermétique, Philosophie, Pierre philosophale, Transmutation, &c.

Un grand nombre d’auteurs ont attribué à l’or les plus grandes vertus médicinales ; par malheur elles nous sont entierement inconnues. Suivant M. Rouelle les dissolutions d’or étendues dans l’esprit-de-vin sont apéritives ; la dissolution de ce métal dans l’eau régale est corrosive & émétique ; l’or fulminant pris à la dose de douze grains, est un purgatif. Voilà, suivant cet habile chimiste, tout ce que nous connoissons sur les vertus de l’or. Il y a lieu de croire que le remede connu en France sous le nom des gouttes du général de la Motte, est une huile essentielle qui s’est chargée d’or dissout dans de l’eau régale.

On évalue la pureté de l’or, d’après des degrés fictifs que l’on nomme karats. Lorsque l’or est parfaitement pur, on dit qu’il est à 24 karats ; s’il se trouve contenir un vingt-quatrieme d’alliage, on dit qu’il est à 23 karats, & ainsi de suite. L’or dans sa pureté parfaite est mou, & ne peut point être employé dans de certains ouvrages ; c’est pourquoi on lui joint un alliage de cuivre ou d’argent pour lui donner plus de dureté & de consistance. Suivant les ordonnances, en France il n’est permis aux ouvriers en bijouterie que d’employer de l’or à 20 karats dans les petits morceaux ; pour les grands morceaux ou pour la vaisselle, l’or doit être de 22 karats. Les Orfévres se servent de la pierre de touche pour s’assurer du degré de pureté ou du titre de l’or, c’est-à-