magasins de cette capitale du monde étoient remplis des marchandises de la capitale de l’Egypte.
Enfin Alexandrie eut le même sort que Tyr & Carthage ; elle fut surprise par les Sarrazins, qui, malgré les efforts de l’empereur Heraclius, infestoient les côtes du nord de l’Afrique. Les marchands qui habitoient cette ville l’ont quittée peu-à-peu, & le commerce d’Alexandrie a commencé à languir, quoique cette ville soit encore aujourd’hui la principale où les chrétiens font le commerce dans le levant.
La chûte de l’empire Romain entraîna après elle non-seulement la perte des Sciences & des arts, mais encore celle de la Navigation. Les Barbares qui ravagerent Rome se contenterent de jouir des dépouilles de ceux qui les avoient précédés.
Mais les plus braves & les plus sensés d’entre ces barbares ne furent pas plûtôt établis dans les provinces qu’ils avoient conquises (les uns dans les Gaules, comme les Francs, les autres en Espagne, comme les Goths, les autres en Italie, comme les Lombards), qu’ils comprirent bientôt tous les avantages de la Navigation ; ils surent y employer habilement les peuples qu’ils avoient vaincus ; & ce fut avec tant de succès, qu’en peu de tems ils furent en état de leur donner eux-mêmes des leçons, & de leur faire connoître les nouveaux avantages qui pourroient leur en revenir.
C’est, par exemple, aux Lombards qu’on attribue l’établissement des banques, des teneurs de livres, des changes, &c. Voyez Banque, Change, &c.
On ignore quel peuple de l’Europe a commencé le premier à faire le Commerce & la Navigation, après l’établissement de ces nouveaux maîtres. Quelques-uns croient que ce sont les Francs, quoique les Italiens paroissent avoir des titres plus authentiques, & soient ordinairement regardés comme les restaurateurs de cet art, aussi-bien que de tous les beaux arts qui avoient été bannis de leur pays après la division de l’Empire romain.
C’est donc aux Italiens & particulierement aux Vénitiens & aux Génois, que l’on doit le rétablissement de la Navigation, & c’est en partie à la situation avantageuse de leur pays pour le commerce, que ces peuples doivent cette gloire.
Dans le fond de la mer Adriatique étoient un grand nombre d’îles, séparées les unes des autres par des canaux fort étroits, mais fort à couvert d’insulte, & presqu’inaccessibles ; elles n’étoient habitées que par quelques pêcheurs qui se soutenoient par le trafic du poisson & du sel, qui se trouve dans quelques-unes de ces îles. C’est là que les Vénitiens, qui habitoient les côtes d’Italie sur la mer Adriatique, se retirerent, quand Attila, roi des Goths, & après lui Alaric, roi des Huns, vinrent ravager l’Italie.
Ces nouveaux insulaires ne croyant pas qu’ils dussent établir dans cet endroit leur résidence pour toujours, ne songerent point à composer un corps politique ; mais chacune des 72 îles qui composoient ce petit archipel, fut long-tems soumise à différens maîtres, & fit une république à part. Quand leur commerce fut devenu assez considérable pour donner de la jalousie à leurs voisins, ils commencerent à penser qu’il leur étoit avantageux de s’unir en un même corps ; cette union, qui commença vers le vj. siecle & qui ne fut achevée que dans le huitieme, fut l’origine de la grandeur de Venise.
Depuis cette union, leurs marchands commencerent à envoyer des flottes dans toutes les parties de la Méditerranée & sur les côtes d’Egypte, particulierement au Caire, bâti par les Satrazins sur le bord oriental du Nil : là ils trafiquoient leurs marchandises pour des épices & d’autres productions des Indes.
Ces peuples continuerent ainsi à faire fleurir leur commerce & leur navigation, & à s’aggrandir dans le continent par des conquêtes, jusqu’à la fameuse ligue de Cambray en 1508, dans laquelle plusieurs princes jaloux conspirerent leur ruine. Le meilleur moyen d’y parvenir étoit de ruiner leur commerce dans les Indes orientales ; les Portugais s’emparerent d’une partie, & les François du reste.
Gènes, qui s’étoit appliquée à faire fleurir la Navigation dans le même tems à-peu-près que Venise, fut long-tems pour elle une dangereuse rivale, lui disputa l’empire de la mer, & partagea avec elle le commerce. La jalousie commença peu-à-peu à s’en mêler, & enfin les deux républiques en vinrent à une rupture ouverte. Leur guerre dura trois siecles, sans que la supériorité de l’une des na ions sur l’autre fût décidée. Enfin sur la fin du jv. siecle, la funeste bataille de Chioza mit fin à cette longue guerre : les Génois qui jusqu’alors avoient presque toujours eu l’avantage, le perdirent entierement dans cette journée ; & les Vénitiens au contraire, dont les affaires étoient presque totalement désespérées, les virent relevées au-delà de leurs espérances dans cette bataille, qui leur assura l’empire de la mer & la supériorité dans le commerce.
Dans le même tems qu’on retrouvoit au midi de l’Europe l’art de naviguer, il se formoit dans le nord une société de marchands, qui non-seulement porterent le Commerce à toute la perfection dont Il étoit susceptible jusqu’à la découverte des Indes orientales & occidentales, mais formerent aussi un nouveau code de lois pour y établir de certaines regles ; code dont on fait usage encore aujourd’hui sous le nom d’us & coutumes de la mer.
Cette société est la fameuse ligue des villes anséatiques, qu’on croit communément avoir commencé à se former vers l’an 1164. Voyez Anséatiques.
Si on examine pourquoi le commerce a passé des Vénitiens, des Génois & des villes anséatiques aux Portugais & aux Espagnols, & de ceux-ci aux Anglois & aux Hollandois, on peut établir pour maxime générale que les rapports ou, s’il est permis de parler ainsi, l’union de la Navigation avec le Commerce est si intime, que la ruine de l’un entraîne nécessairement celle de l’autre, & qu’ainsi ces deux choses doivent fleurir ou décheoir ensemble. Voyez Commerce, Compagnie, &c.
Delà sont venues tant de lois & de statuts, pour établir des regles dans le commerce d’Angleterre, & principalement ce fameux acte de Navigation, qu’un auteur célebre appelle le palladium ou le dieu tutelaire du commerce de l’Angleterre ; acte qui contient les regles que les Anglois doivent observer entr’eux & avec les nations étrangeres chez qui ils trafiquent. Chambers. (G)
Navigation se dit en particulier de l’art de naviguer ou de déterminer tous les mouvemens d’un vaisseau par le moyen des cartes marines.
Il y a trois especes de Navigation ; la navigation plane, celle de Mercator, & la circulaire.
Dans la navigation plane on se sert des rhumbs tracés sur une carte plate. Voyez Carte & Rhumb.
Ces cartes planes ont été mises en usage dans ces derniers tems pour la premiere fois, par le prince Henri, fils de Jean, roi de Portugal, qui vivoit à la fin du xv. siecle, & auquel l’Europe est redevable des découvertes des Portugais, & de celles qui les ont suivies. Nous disons que dans ces derniers tems ce prince est le premier qui ait fait usage de ces cartes ; car il paroît par ce que dit Ptolomée dans sa géographie, qu’autrefois Marin de Tyr en avoir fait de pareilles, & Ptolomée en indique le défaut.
Dans la navigation de Mercator, on se sert de rhumbs tracés sur les cartes de Mercator, qu’on ap-