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Les chevaliers portent le cordon bleu de droite à gauche, & les pairs ecclésiastiques en forme de collier pendant sur l’estomac.

Ordre de la Table ronde, (Histoire de la Chevalerie.) ordre de chevalerie célebre dans les ouvrages des écrivains de romans, qui en attribuent l’institution au roi Arthur. Quoiqu’on ait bâti divers récits fabuleux sur ce fondement, il ne s’ensuit point que l’institution de cet ordre doive entierement passer pour chimérique ; il n’est pas contre la vraissemblance, qu’Arthur ait institué un ordre de chevalerie dans la Grande-Bretagne, puisque dans le même siecle, Théodoric, roi des Ostrogots, en avoit institué un en Italie. Arthur a été sans doute un grand capitaine ; c’est dommage que ses actions ayent servi de base à une infinité de fables qu’on a publiées sur son sujet, au lieu que sa vie méritoit d’être écrite par des historiens sensés. (D. J.)

Ordre teutonique, (Hist. mod.) est un ordre militaire & religieux de chevaliers. Il fut institué vers la fin du xij. siecle, & nommé teutonique, à cause que la plûpart de ses chevaliers sont allemands ou teutons. Voyez Chevalier & Ordre.

Voici l’origine de cet ordre. Pendant que les Chrétiens, sous Guy de Lusignan, faisoient le siege d’Acre, ville de la Syrie, sur les frontieres de la Terre-sainte, auquel siege se trouvoient Philippe-Auguste roi de France, Richard roi d’Angleterre, & quelques seigneurs allemands de Bremen & de Lubec, on fut touché de compassion pour les malades & blessés qui manquoient du nécessaire, & on établit un espece d’hôpital sous une tente faite d’un voile de navire, où l’on exerça la charité envers les pauvres soldats.

C’est ce qui fit naître l’idée d’instituer un troisieme ordre militaire, à l’imitation des templiers & des hospitaliers. Voyez Templier & Hospitalier.

Ce dessein fut approuvé par le patriarche de Jérusalem, par les évêques & archevêques des places voisines, par le roi de Jérusalem, par les maîtres du temple & de l’hôpital, & par les seigneurs & prélats allemands qui se trouvoient pour lors dans la Terre-sainte.

Ce fut du consentement commun de tous ces personnages, que Frédéric duc de Souabe, envoya des ambassadeurs à son frere Henri roi des Romains, pour qu’il sollicitât le pape de confirmer cet ordre nouveau. Celestin III. qui gouvernoit l’Eglise, accorda ce qu’on lui demandoit, par une bulle du 23 Février 1191 ou 1192 ; & le nouvel ordre fut appellé l’ordre des chevaliers teutoniques de l’hospice de sainte-Marie de Jérusalem.

Le pape leur accorda les mêmes privileges qu’aux templiers & aux hospitaliers de S. Jean, excepté qu’il les soumit aux patriarches & autres prélats, & qu’il les chargea de payer la dixme de ce qu’ils possédoient.

Le premier maître de l’ordre, Henri de Walpot, élu pendant le siege d’Acre, acheta, depuis la prise de cette ville, un jardin où il bâtit une église & un hôpital, qui fut la premiere maison de l’ordre teutonique, suivant la relation de Pierre de Duisbourg, prêtre du même ordre. Jacques de Vitry s’éloigne un peu de ce fait historique, en disant que l’ordre teutonique fut établi à Jérusalem, avant le siege de la ville d’Acre.

Hartknoch, dans ses notes sur Duisbourg, concilie ces deux opinions, en prétendant que l’ordre teutonique fut institué d’abord à Jérusalem par un particulier, allemand de nation ; que cet ordre fut confirmé par le pape, par l’empereur & par les princes pendant le siege d’Acre ; & qu’après la prise de cette

ville, cet ordre militaire devint considérable & se fit connoître par tout le monde.

S’il est vrai que cet ordre fut institué d’abord par un particulier, auquel se joignirent ceux de Bremen & de Lubec, qui étoient alors dans la ville de Jérusalem, on ne peut savoir au juste l’année de son origine.

L’ordre ne fit pas de grands progrès sous les trois premiers grands-maîtres, mais il devint extrèmement puissant sous le quatrieme, nommé Hermand de Saltz, au point que Conrade, duc de Mazovie & de Cujavie, lui envoya des ambassadeurs pour lui demander son amitié & du secours, & pour lui offrir & à son ordre, les provinces de Culm & de Livonie, avec tous les pays qu’ils pourroient recouvrer sur les Prussiens idolâtres qui désoloient ses états par des incursions continuelles, & auxquels il opposa ces nouveaux chevaliers, parce que ceux de l’ordre de christ ou de Dobrin, qu’il avoit institués dans la même vue, étoient trop foibles pour exécuter ses desseins.

De Saltz accepta la donation, & Gregoire IX. la confirma. Innocent publia une croisade pour aider les chevaliers teutons à réduire les Prussiens. Avec ce secours l’ordre subjugua, dans l’espace d’un an, les provinces de Warmie, de Natangie & de Barthie, dont les habitans renoncerent au culte des idoles ; & dans le cours de 50 ans, ils conquirent toute la Prusse, la Livonie, la Samogitie, la Poméranie, &c.

En 1204 le duc Albert institua l’ordre des chevaliers porte-glaives, qui fut uni ensuite à l’ordre teutonique, & cette union fut approuvée par le pape Gregoire IX. Voyez Porte-glaives.

Waldemar III. roi de Danemarck, vendit à l’ordre la province d’Estein, les villes de Nerva & de Wessamberg, avec quelques autres provinces.

Quelque tems après, une nouvelle union mit de grandes divisions dans l’ordre : cette union se fit avec les évêques & les chanoines de Prusse & de Livonie, lesquels en conséquence prirent l’habit de l’ordre, & partagerent la souveraineté avec les chevaliers dans leurs diocèses.

L’ordre se voyant maître de toute la Prusse, il fit bâtir les villes d’Elbing, Marienbourg, Thorn, Dantzic, Konisberg, & quelques autres. L’empereur Frédéric II. permit à l’ordre de joindre à ses armes l’aigle impérial, & en 1250 S. Louis lui permit d’écarteler de la fleur-de-lis.

Après que la ville d’Acre eût été reprise par les Infideles, le grand-maître de l’ordre teutonique en transfera son siege à Marienbourg. A mesure que l’ordre croissoit en puissance, les chevaliers vouloient croître en titres & dignités ; de sorte qu’à la fin, au lieu de se contenter, comme auparavant, du nom de freres, ils voulurent qu’on les traitât de seigneurs ; & quoique le grand-maître Conrade Zolnera de Rotestein se fût opposé à cette innovation, son successeur Conrade Wallerod, non-content de favoriser l’orgueil des chevaliers, se fit rendre à lui-même des honneurs qui ne sont dûs qu’aux princes du premier ordre.

Les rois de Pologne profiterent des divisions qui s’étoient mises dans l’ordre : les Prussiens se revolterent ; & après des guerres continuelles entre les chevaliers & les Polonois, les premiers céderent au roi Casimir la Prusse supérieure, & conserverent l’inférieure, à condition de lui en faire hommage.

Enfin, dans le tems de la réformation, Albert, marquis de Brandebourg, grand-maître de l’ordre, se rendit luthérien, renonça à la dignité de grand-maître, détruisit les commanderies, & chassa les chevaliers de la Prusse.

La plûpart des chevaliers suivirent son exemple,