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trouve une trop grande multitude de rayons sonores, la languette triangulaire & tremblotante dont nous venons de parler, & qui est située à l’entrée du canal de l’ouie, peut tellement se dresser au moyen du muscle de Valsalva, qu’elle leur fermera à volonté le passage, comme nous faisons machinalement avec la main dans de trop grands bruits.

Il y a une membrane qui termine le conduit externe de l’oreille, nommée la membrane du tambour ou le tympan. Voyez ce mot, car il mérite un article séparé.

Quant aux poils dont le conduit auditif est garni, leur usage nous est inconnu : seroient-ils eux-mêmes sonores comme les feuilles d’arbres qui augmentent l’écho en été, ou même en forment un qui n’avoit point été apperçu en hiver, suivant l’idée de M. Perrault d’après Kircher ?

Des osselets de la caisse du tambour & de leurs muscles. Je passe à la premiere grote de l’oreille qu’on appelle la caisse du tambour, cavité irrégulierement demi-sphérique, dans laquelle on trouve d’autres cavités, savoir l’embouchure de la trompe d’Eustachi, le demi-canal osseux, la fenêtre ovale, la fenêtre ronde, & les osselets qui sont au nombre de quatre, l’enclume, le marteau, l’étrier, & l’os orbiculaire ou lenticulaire, qui est le plus petit de tous les os du corps humain.

En général ces quatre osselets sont si petits qu’ils ont été inconnus aux anciens anatomistes, & que leur découverte en est dûe à l’esprit curieux des derniers siecles. Ils different dans les animaux selon la différence de leur espece : par exemple les quadrupedes en ont quatre comme l’homme, & les oiseaux n’en ont qu’un.

L’enclume dont le corps est articulé avec le marteau, ressemble à une dent molaire, & suivant le témoignage de Massa, il a été connu dès le tems d’Alexandre Achillinus, de sorte qu’on lui attribue la découverte de ces deux osselets ; du-moins est-il certain qu’il ne faut pas l’attribuer avec Schelhammer, à Jacob de Carpi, puisque lui-même leur assigne les mêmes usages que ceux qu’on leur donnoit avant lui, & qu’il convient de plus que d’autres en avoient déjà fait mention.

L’apophyse grêle du marteau a été connue très-confusément par Vésale, mal représentée par Jérôme Fabrice, & démontrée de nouveau bien exactement par Raw, qui est resté vrai possesseur de la découverte. On dit que Foleus a fait mention de cette apophyse grêle du marteau dans une lettre écrite à Bartholin, & imprimée en 1645 ; mais cette lettre est si rare que les plus curieux, Boerhaave même ni Morgagni, ne l’ont jamais vûe, & jusqu’à présent personne n’a ôté à Raw l’honneur de l’invention. Tous nos modernes, Cowper, Cam, Heister, Nicholls, Albinus, Nesbit, Cassebhom en ont donné la figure. Le marteau est difficile à préparer, parce qu’il se rompt aisément, comme l’ont éprouvé Duverney, Valsalva & Morgagni.

Ingrassias s’attribue la découverte de l’étrier ; Vésal y prétend aussi, & Colombus s’en vante pareillement ; mais malgré leurs prétentions respectives, cette découverte paroît dûe à Eustachi. « Je puis me rendre ce témoignage, dit-il en parlant de l’étrier, qu’avant que qui que ce fût m’en eût parlé, avant qu’aucuns de ceux qui en ont écrit l’eussent fait, je le connoissois ; je le fis voir à plusieurs personnes à Rome, & je le fis graver en cuivre, cet osselet a véritablement une figure longue & courbée en arc, qui lui a donné le nom d’étrier ». Morgagni a raison de soutenir contre Manfrédi, que sa base est solide, par-tout continue, & qu’elle n’est point percée ou ouverte comme nos étriers modernes, mais pleine comme celle des anciens. Quant

aux figures de ces deux osselets, c’est à Vésale qu’on doit les premieres.

J’attribuerois volontiers avec Bartholin & Vesting la découverte de l’os orbiculaire à Jacques Sylvius ; car la description qu’en ont donné Arantius & autres prédécesseurs de Sylvius, est d’une obscurité inintelligible.

Venons aux muscles des osselets. On donne trois muscles au marteau, savoir un externe, un antérieur, & un interne. Le muscle externe ou supérieur du marteau attribué à Casserius, a été cependant indiqué & gravé par Fabricius. Je n’ose assurer si c’est un vrai muscle ou non, puisque Valsalva & Vinslow soutiennent l’affirmative contre Duverney & Morgagni.

L’étrier n’a qu’un muscle décrit premierement par Varole, mais d’une maniere très-défectueuse, puisqu’il ne décrit que ce seul muscle dans le dedans de l’oreille. Casserius le trouva en 1601, dans le cheval & le chien, le représenta d’après ces animaux, & le prit pour un ligament : personne depuis Duverney n’a douté que ce ne fût un vrai muscle.

Il est bien difficile de décider quelle est l’action de ces muscles, dans quelles occasions ils agissent, s’ils n’agissent que méchaniquement, ou si c’est la volonté qui les fait agir ? Ce dernier n’est pas vraissemblable, car un bruit nous surprend tout-d’un-coup, & le plus souvent sans que nous y songions. Il en est ici comme des mouvemens des yeux, de la déglutition, de la voix, qui s’operent par une infinité de muscles, qui concourent tous entre eux, & produisent d’ordinaire à notre insu, les fins pour lesquelles ils sont destinés. Peut-être que les muscles des osselets relâchent en partie le tympan dans les sons fort aigus, & en partie le tendent dans les sons foibles ; c’est le sentiment de Willis, de Duverney, de Perrault, de Derham, de Chéselden, de M. de Mairan, & autres.

Il ne faut pas oublier que les osselets de l’oreille ne croissent point, & qu’ils sont aussi considérables dans les enfans que dans les adultes. La membrane qui les couvre est si fine, que l’anatomiste à qui l’on doit le plus de recherches en cette partie, je veux dire Valsalva lui-même, les a cru sans périoste. Mais Ruysch n’a pas seulement démontré le contraire, comme tout le monde le sait, il a été plus loin, il a fait voir à l’Europe, par le moyen de ses injections, les vaisseaux qui se distribuent dans le périoste des osselets, & qui y sont en très-grand nombre, principalement à la plus courte & plus grosse apophyse de l’enclume.

Pour les deux fenêtres, on en doit la connoissance à l’industrie de Fallope.

De la trompe d’Eustachi. Venons au conduit qu’on appelle la trompe d’Eustachi, dire autrement & assez bien, le conduit palatin de l’oreille, mais mal & équivoquement aquéduc, parce qu’on peut très-bien le confondre avec l’aquéduc de Fallope.

On prétend, sans aucune preuve, qu’Alcméon a connu cette trompe ; mais Eustachi a mérité le nom de son inventeur, par l’exacte description qu’il nous en a laissée, sur laquelle Valsalva parmi les modernes, a su néanmoins encore renchérir ; Vésale qui l’avoit vûe avant Eustachius, n’en a point développé l’usage ni la structure.

Ce tuyau porte le nom de trompe, parce qu’il est fort étroit du côté de la caisse, & que sa cavité augmente à mesure qu’il s’en éloigne, ensorte que dans son extrémité qui répond au fond de la bouche, il forme un pavillon. La trompe est, comme on sait, un canal creusé dans l’apophyse pierreuse, qui va de la caisse vers les ouvertures postérieures des fosses nasales & vers la voûte du palais.

La conque interne de l’oreille, vaste & semblable