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en forme de lame très-mince, qui s’épanouit après sa sortie, & va frapper contre la levre supérieure où il se partage, ainsi que nous l’avons dit ci-dessus ; mais ce mouvement de l’air peut être regardé comme une suite infiniment rapide d’explosion, suivant ce que nous avons dit à l’article Tremblans doux & Tremblans forts, auxquels nous renvoyons à cet égard, & ce que nous dirons plus bas à l’article de la formation du son dans les jeux d’anche.

La partie d’air qui entre dans le tuyau, n’y entre donc, pour ainsi dire, que par secousses ou explosions ; ainsi elle frappe l’air contenu dans le tuyau de la même maniere, & le condense par degré. Cet air résiste par son inertie jusqu’au point où faisant effort pour se rétablir, sa masse du côté de E, où nous avons supposé le tuyau ouvert, ne fait plus assez de résistance pour le laisser condenser davantage ; alors il se fait une explosion subite de cet air par l’ouverture du tuyau : cette explosion est suivie d’une autre d’autant plus rapidement que le tuyau est plus court, puisque la masse d’air que contient le tuyau, & qui résiste par son inertie, est moins considérable. C’est la raison pour laquelle les plus grands des tuyaux rendent des sons plus graves que les petits, puisqu’il est connu que la différence des uns & des autres ne vient que de la fréquence de leurs vibrations plus ou moins grande dans un même tems.

Quant aux tuyaux bouchés, on observe qu’ils descendent à l’octave, ou presque à l’octave du son qu’ils rendent étant ouverts ; nous supposerons pour un instant qu’ils descendent exactement à l’octave ; nous expliquerons ensuite la raison pour laquelle ils n’y descendent pas exactement. On conçoit bien que le tuyau ne peut parler que par la bouche, puisque son extrémité supérieure est fermée, c’est ce qui a fait donner le nom de bouche à la partie qui en porte le nom.

Ceux qui ont voulu expliquer ce phénomene, se sont contentés de dire, que l’air qui circule dans le tuyau ayant deux fois plus de chemin à faire, devoit par conséquent faire descendre le son à l’octave par analogie à une corde, qui étant double d’une autre, & également tendue, descend en effet à l’octave. Voyez Monocorde. Mais comme ils n’avoient pas expliqué pourquoi une corde double & également tendue descend à l’octave ; ce qui n’étoit qu’une comparaison, qui, en Physique ne conclut point, & qu’on ne voit pas clairement, qu’à cause que l’air qui anime le tuyau fait deux fois plus de chemin, le son doive descendre à l’octave ; il s’ensuit que leur explication est défectueuse, d’autant plus qu’il est connu que les différences des tons, quant au grave & à l’aigu, ne viennent que de la fréquence des vibrations des parties élastiques de l’air. Nous allons tâcher d’expliquer ce phénomene, en suivant les principes que nous avons établis, en expliquant la formation du son dans les tuyaux ouverts.

L’air condensé par les soufflets se divise de même au sortir de la lumiere ; une partie entre dans le tuyau, & c’est cette partie seulement que nous allons considérer ; elle condense l’air contenu dans sa capacité en le poussant vers E, où il se trouve un obstacle invincible, qui est le tampon qui ferme le tuyau. Cet air lorsqu’il est condensé, autant qu’il le peut être, eu égard à son inertie, & à l’obstacle qui empêche ses explosions par la partie supérieure du tuyau, réagit contre celui qui le condense, & le repousse vers la bouche du tuyau : mais comme dans les corps élastiques l’action qui les comprime est égale à la réaction qui les rétablit, ainsi qu’il est expliqué aux articles Elasticité & Ressort ; il suit que les explosions de l’air contenu dans le tuyau

par la bouche, doivent être deux fois moins fréquentes ; ainsi le tuyau baissera de ton & descendra à l’octave.

Cependant on observe que les tuyaux fermés ne descendent point exactement à l’octave du ton qu’il rendent étant ouverts ; que l’intervalle des deux sons qu’ils rendent étant ouverts & bouchés, est toujours moindre que l’octave ; c’est la seconde partie du phénomene qui reste à expliquer.

Cet effet vient de deux causes, dont la premiere est certaine. La premiere, c’est que le chemin que l’air parcourt dans le tuyau depuis qu’il est sorti de la lumiere, jusqu’à ce qu’il sorte par la bouche du tuyau, n’est pas exactement double de celui qui sort de la lumiere, & va frapper contre le tampon qui le ferme, puisque cet air sort en rasant la languette qui forme la levre supérieure du tuyau ; ainsi son chemin est double, moins la hauteur de la bouche, & par conséquent le son ne doit point descendre exactement à l’octave.

On ne doit point insister sur ce que nous feignons de croire, que l’air parcourt deux fois la longueur du tuyau, après avoir établi le contraire ; mais puisque la force élastique peut être considérée comme étant acquise, après que le corps élastique a parcouru un certain espace avec une vitesse déterminée, cette supposition nous étoit permise.

L’autre cause de cet effet que nous avons dit être moins certaine, est la vitesse du vent qui est beaucoup moindre dans les tuyaux bouchés, que dans les tuyaux ouverts ; mais il semble que cette cause doit produire en effet tout le contraire, puisque l’air contenu dans le tuyau étant condensé plus lentement, il semble que ses explosions doivent être moins fréquentes, ce qui feroit baisser le ton plus bas que l’octave. Mais peut-être l’effet observé n’est produit que par le plus de la force de la premiere cause ci-devant expliquée sur la seconde ; c’est ce qu’on peut se proposer d’éclaircir par des expériences.

Nous expliquerons la formation du son dans les jeux d’anches, après en avoir expliqué la facture.

On a entendu comment on fabrique les tuyaux de bois, reste à expliquer comment on fabrique ceux d’étain ou de plomb.

Les tables d’étain ou de plomb étendues sur l’établi, sont coupées de la grandeur & forme nécessaires. Les pieces destinées à faire les corps des tuyaux, sont de forme parallelogramme AB43, fig. 31. On divise l’extrémité inférieure 34, qui doit former le bas du tuyau en quatre parties égales aux points 1x2, & les deux parties du milieu 1x, x2, chacune en deux également aux points bc. Au point x on éleve la perpendiculaire xy, sur laquelle on prend xa qui doit contenir un quart, plus un huitieme de la largeur 34 qui est le périmetre du tuyau, ou la distance 62 : du point a, comme centre & rayon, la huitieme partie de la ligne 34 on décrit l’arc myn, qui forme la partie supérieure de la levre supérieure. On tire ensuite les deux perpendiculaires mb, nc. Voyez l’article Bouche, & Bouche en pointe. On arrondit ensuite le tuyau sur un moule qui est un cylindre de bois, si les tuyaux sont cylindriques, & un cône de même matiere, si les tuyaux ont cette figure, on arrondit le tuyau en frappant sur la table d’étain ou de plomb avec une batte ; ensorte que les deux arrêtes A3, B4 se rejoignent. Le tuyau étant ainsi arrondi, on retire le moule, & on blanchit le tuyau dedans & dehors. Voyez Blanc. On le gratte avec la pointe à gratter ; & on le soude. Voyez Soudure.

Lorsque les tuyaux sont grands comme ceux de la montre de 16 piés, dont le plus grand tuyau