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bombycien, qui se trouvent dans les bibliotheques curieuses.

Cette découverte fut fort avantageuse dans un tems où il paroît qu’il y avoit grande disette de parchemin ; & c’est en même tems ce qui nous a fait perdre plusieurs anciens auteurs : voici comment. Depuis le douzieme siecle, les Grecs plongés dans l’ignorance, s’aviserent de racler les écritures des anciens manuscrits en parchemin, & d’en ôter autant qu’ils pouvoient toutes les traces, pour y écrire des livres d’église : c’est ainsi qu’au grand préjudice de la république des Lettres, les Polybes, les Dions, les Diodore de Sicile, & d’autres auteurs que nous n’avons plus, furent métamorphosés en triodions, en pentécostaires, en homélies, & en d’autres livres d’église. Après une exacte recherche, faite par le pere Montfaucon, il assure que parmi les livres écrits sur du parchemin depuis le douzieme siecle, il en avoit plus trouvé dont on avoit raclé l’ancienne écriture que d’autres ; mais que comme tous les copistes n’étoient pas également habiles à effacer ainsi ces premiers auteurs, il s’en trouvoit quelques-uns où l’on pouvoit lire au-moins une partie de ce qu’on avoit voulu raturer.

Ce fut donc l’invention de ce papier de coton qui fit tomber en orient le papier d’Egypte. S’il en faut croire Eustathe qui écrivoit vers la fin du douzieme siecle, l’usage de ces feuilles du papier d’Egypte, qu’il appelle ξυλοχαρτία, avoit cessé peu de tems avant qu’il écrivît, ὧν ἡ τεχνὴ ἄρτι ἀπηλειπται. Il ne faut pas croire cependant que le papier de coton ait d’abord détruit l’usage de celui d’Egypte. Ces sortes de choses nouvellement inventées, ne s’établissent ordinairement que peu-à-peu.

Le savant grec, qui fit du tems de Henri II. un catalogue des manuscrits grecs de la bibliotheque du roi, appelle toujours le papier bombycien ou de coton, charta damascena, le papier de Damas ; seroit-ce parce qu’il y avoit en cette ville quelque célebre manufacture de papier de coton ? quoi qu’il en soit, voyez Montfaucon, palæograph. græc. lib. J. c. ij. lib. IV. c. vj. &c. Maffei, histor. diplomat. lil. II. ou biblioth. italiq. tom. II. (D. J.)

Papier d’écorce, (Arts.) Ce papier des anciens improprement ainsi nommé, étoit fait du liber, ou de la pellicule blanche la plus intérieure qui est renfermée entre l’écorce & le bois de différens arbres, comme l’érable, le plane, le bêtre & l’orme ; mais sur-tout le tilleul, φιλυρα, dont on se servoit le plus communément à ce dessein. Les anciens écrivoient des livres sur cette pellicule après l’avoir enlevée, battue & sechée : on prétend qu’il existe encore quelques-uns de ces livres. Il faut consulter Pline, hist. natur. lib. XIII. c. xj. Harduinus, not. ad eund. Suid. lex. in vox φιλυρα ; Isid. orig. l. VI. c. xiij. Alex. ab Alexand. l. II. c. xxx. Salmuth, ad Pancirol. l. II. t. XIII. p. 252. seq.

Les PP. Mabillon & Montfaucon parlent souvent des manuscrits & diplomes écrits sur écorce, & font une distinction bien positive entre le papyrus dont les Egyptiens se servoient, & le liber ou écorce qui étoit en usage dans d’autres pays : ces deux especes différoient en ce que le papier d’écorce étoit plus épais & plus fragile que le papyrus, & en même tems plus sujet à se fendre & à se casser, au moyen de quoi l’écriture s’écailloit quelquefois ; c’est ce qui est arrivé à un manuscrit sur écorce qui est à l’abbaye saint Germain, où le fond du papier est resté, mais la surface extérieure sur laquelle les lettres ont été tracées, est enlevée en beaucoup d’endroits. Voyez Montfaucon, palæogr. græc. l. I. c. ij. p. 15. Mabillon, de re diplom. l. I. c. viij. Reimm. idea. syst. antiq. litter. p. 311.

Mais le savant Maffei combat tout le système des

manuscrits & des chartes écrites sur l’écorce, comme une erreur populaire ; & soutient que les anciens n’ont jamais écrit de diplomes sur l’écorce ; que la distinction que l’on fait des papiers faits de papyrus & d’écorce est sans aucun fondement ; qu’on ne se servoit d’écorce de tilleul que pour faire des tablettes, pour les dypticha ou porte-feuilles & tablettes de poches, sur lesquelles on écrivoit des deux côtés comme cela se fait parmi nous ; avantage qu’on n’avoit pas avec le papier égyptien à cause de sa finesse. Chambers. (D. J.)

Papier de la Chine, (Arts.) De tous les peuples de la terre, celui chez qui le papier paroît être le plus ancien, ce sont les Chinois ; ils en ont de tems immémorial & de très-beau ; ils en ont d’une grandeur à laquelle toute l’industrie des ouvriers européens n’a pû encore atteindre. Leur beau papier a aussi cet avantage, qu’il est plus doux & plus uni que celui d’Europe. Le pinceau dont les Chinois se servent pour écrire, ne pourroit couler facilement sur un fond un peu raboteux, & y fixer certains traits délicats. Ils ont de tant d’especes de papier, que nous en connoissons en Europe plus de quarante, toutes curieuses par des circonstances particulieres. Enfin, ils en ont de toutes sortes de matieres ; les uns sont faits de pellicules internes ou d’écorce d’arbre, principalement de ceux qui ont beaucoup de seve, comme le mûrier & l’orme, mais particulierement le bambou & l’arbre de coton. A la vérité chaque province a son papier particulier ; celui de Se-Chwen est fait de chanvre ; celui de Fo-Kien est fait de jeune bambou ; celui dont on se sert dans les provinces septentrionales est fait de l’écorce du mûrier ; celui de la province de Che-Kiang, de paille de blé ou de riz ; celui de la province de Kiang-Nam, d’une peau qu’on trouve dans les coques de vers à soie ; enfin, dans la province de Hu-Quang, l’arbre chu ou ko-chu fournit la principale matiere dont on fait le papier.

La manlere de fabriquer le papier des diverses écorces d’arbres, est la même que celle du bambou, qui est une espece de canne ou roseau, creux & divisé par des nœuds, mais beaucoup plus large, plus uni, plus dur, & plus fort que toutes les autres sortes de roseaux.

Pour faire le papier de bambou, on prend ordinairement la seconde pellicule de l’écorce qui est tendre & blanche, on la bat dans de l’eau claire jusqu’à ce qu’elle soit réduite en pâte, que l’on met dans des moules ou formes très-larges, de sorte que cela fait des feuilles longues de dix ou douze piés. On le perfectionne en le trempant feuille par feuille dans de l’eau d’alun, qui leur tient lieu de la colle dont nous nous servons, & qui non-seulement empêche le papier de boire l’encre ; mais de plus lui donne ce lustre qui le fait paroître, au premier coup d’œil, argenté, ou du moins verni.

Le papier qu’on fait de la sorte est blanc, doux & serré, sans qu’il y ait la moindre inégalité qui puisse arrêter le mouvement du pinceau, ni occasionner le rebroussement d’aucun des poils qui le composent. Cependant quand il est fait d’écorce d’arbres, il se casse plus facilement que le papier d’Europe ; joignez à cela qu’il est plus sujet à prendre l’humidité ; que la poussiere s’y attache, & que les vers s’y mettent en peu de tems. Pour obvier à ce dernier inconvénient, on est obligé de battre souvent les livres, & de les exposer au soleil. Outre cela, sa grande finesse le rendant sujet à s’user, les Chinois se trouvent souvent dans la nécessité de renouveller leurs livres en les faisant réimprimer souvent. Voyez le Comte, nouv. mém. sur la Chine ; Kust. bibl. nov. lib. an. 1697, lettr. édif. & cur. tom. XIX.

Il est bon de remarquer que le papier de bambou n’est ni le meilleur, ni le plus usité à la Chine. Par