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ber l’usage du papier d’Egypte ; mais c’est une grande question de savoir dans quel tems on a cessé de faire le papier égyptien : car à présent la papyrotechnia ægyptiaca, la manufacture du papier égyptien est mise au nombre des arts qui sont perdus. Eustathius le savant commentateur d’Homere, assure que même de son tems ; savoir, en 1170, il n’étoit plus en usage. Le P. Mabillon soutient à la vérité que l’usage en a duré jusqu’au xj. siecle après J. C. & cite un certain Fredegaire, moine, poëte du x. siecle, qui en parle comme d’une chose qui subsistoit le siecle d’auparavant, c’est-à-dire, dans le ix. siecle ; mais le même P. Mabillon s’efforce de prouver que l’usage en a duré plus long-tems par plusieurs bulles des papes, écrites sur le papyrus dans le xj. siecle. Voyez Mabillon de re diplomat. lib. I. ch. viij.

Cependant le comte Maffei soutient dans son istor. diplomat. l. II. bibl. ital. t. II. p. 251. avec plus de probabilité, que le papyrus n’étoit déja plus en usage avant le v. siecle : il ne regarde point comme authentique les mémoires écrits sur ce papier, & datés postérieurement à ce tems. Les bulles des papes citées par le P. Mabillon paroissent à ce savant avoir été écrites sur le papier de coton ; mais les observations que nous faisons ne se rapportent qu’à l’usage général & public du papier d’Egypte ; car il ne seroit pas étonnant que quelques particuliers eussent continué de l’employer quelques centaines d’années après qu’on avoit cessé de s’en servir communément.

Le même savant italien est dans la persuasion que l’évangile de S. Marc, qu’on conserve à Venise, est écrit sur du papier de coton ; & qu’au contraire, le Josephe de la bibliotheque de S. Ambroise de Milan lui paroît au premier coup d’œil écrit sur du papier égyptien.

Voilà les principales observations des savans en ce genre. Il n’est guere possible aujourd’hui d’ajouter quelque chose de nouveau sur le papier d’Egypte, à ce qu’en ont dit parmi les anciens Pline, liv. XIII. Théophraste, l. IV. ch. ix. & parmi les modernes Guilaudinus, Scaliger, Saumaise, Kirchmayer, Nigrisoli, le P. Hardouin dans son édit. de Pline, le P. Mabillon dans son ouvrage de re diplomaticâ ; dom Montfaucon dans sa palæograph. & dans le recueil de littérature ; l’illustre Maffei dans son istor diplom. & dernierement M. le comte de Caylus, dans les mém. de l’acad. des Inscript. t. XXVI.

Guillardini (Melch.) Papyrus, h. e. commentarius in tria C. Plinii majoris de papyro capita, scilicet, lib. XIII. ch. xj. xij. xiij. Ce traité vit d’abord le jour à Venise en 1572, in-4°. & ensuite à Amberg, en 1613, in-4°. par les soins de Salmuth. C’est le plus savant commentaire qui ait été publié sur cette partie de l’ouvrage de Pline, & on n’en a point encore de meilleur sur aucun autre livre du grand naturaliste de Rome. Guillardin en a restitué très-heureusement plusieurs passages, & par ses propres lumieres, & par l’autorité des anciens auteurs grecs & romains. Il s’est sans doute trompé quelquefois ; mais il a réussi très-souvent dans ses restitutions. Il parle de ce qu’il a vu ; il a fait ses observations dans le pays même, où il a examiné la plante dont il s’agit ; c’est grand dommage qu’après son examen, il n’en ait pas donné de figure, & même qu’il ne l’ait pas décrite ; il eût levé par-là tous les doutes des botanistes modernes.

Scaligeri (Joseph-Just.) animadversiones in Melch. Guillardini comment. de papyro. Les animadversions de Scaliger ont paru pour la premiere fois dans les lectiones bibliothecariæ memorabiles Rudolphi Capelli, à Hambourg en 1682. Elles distillent le fiel, la violence & la dureté ; mais elles n’ont pu faire tomber un ouvrage très-estimable par les recherches & l’érudition qui s’y trouvent. Enfin, le savant & ingénieux Maffei a vangé Guillardinus de la plûpart des

critiques de Scaliger, de Vossius, & du P. Hardouin.

Saumaise est très-bon à lire au sujet du papier égyptien, dans son commentaire sur la vie de Firmus par Vopiscus, un des historiens qu’on met au nombre des historiæ augustæ scriptores.

Kirchmayeri (M. Seb.) dissertatio philologica de papiro veterum, Wittebergæ 1666. in-4°. c’est un simple extrait de Guillardin, où l’auteur auroit dû mettre plus de méthode & de goût.

La dissertation de Nigrisoli de chartâ veterum ejusque usu, est insérée, comme je l’ai dit ailleurs, dans la galerie de Minerva.

Mais le mémoire curieux de M. le comte de Caylus sur le papyrus d’Egypte a répandu des lumieres sur une chose que le tems rendoit déja fort obscure, & à l’intelligence de laquelle on ne peut mieux arriver, que par la connoissance de la pratique de l’art. (Le chevalier de Jaucourt.)

Papier de coton, (Arts.) On croit que c’est l’invention du papier de coton, qu’on appelle charta bombycina, qui a fait tomber le papyrus d’Egypte en Grece. Ce papier est incomparablement meilleur, plus propre à écrire, & se conserve bien plus long-tems. On ne sauroit dire précisément quand on s’est avisé d’en faire de cette matiere. Le pere Montfaucon prouve, par des autorités assez claires, que le papier de coton étoit en usage en 1100.

Ce papier s’appelle en grec χαρτης βομϐύκινος, ou βαμϐάκινος, ce qui signifie papier de coton. Quoique βόμϐυξ se prenne dans les auteurs pour de la soie, il se prend aussi, sur-tout dans les bas tems, pour le coton, aussi-bien que βάμϐαξ. De-là vient que les Italiens appellent encore aujourd’hui le coton, bambaccio.

Ce fut au neuvieme siecle ou environ que l’on commença dans l’empire d’orient à en faire du papier : en voici les preuves. Il y a plusieurs manuscrits grecs, tant en parchemin ou vélin, qu’en papier de coton, qui portent la date de l’année où ils ont été écrits ; mais la plûpart sont sans date. Sur les manuscrits datés on juge plus sûrement, par la comparaison des écritures, de l’âge de ceux qui ne le sont pas. Le plus ancien manuscrit de papier de coton, que le pere Montfaucon ait vû avec la date, est celui du roi, numéroté 2889, qui fut écrit en 1050 ; un autre de la bibliotheque de l’empereur, qui porte aussi sa date, est de l’année 1095. Mais comme les manuscrits sans date sont incomparablement plus nombreux que ceux qui sont datés, ce pere s’est encore exercé sur ceux-là ; & par la comparaison des écritures, il croit en avoir découvert quelques-uns du dixieme siecle, entr’autres un de la bibliotheque du roi, coté 2436. Si l’on faisoit la même recherche dans toutes les bibliotheques, tant de l’orient que de l’occident, on en trouveroit apparemment d’autres, environ du même tems.

Il juge donc que ce papier bombycien ou de coton, peut avoir été inventé sur la fin du neuvieme siecle ou au commencement du dixieme. A la fin du onzieme & au commencement du douzieme, l’usage en étoit répandu dans tout l’empire d’orient, & même dans la Sicile. Roger, roi de Sicile, dit dans un diplome écrit en 1145, rapporté par Rocchus Pirrhus, qu’il avoit renouvellé sur du parchemin une charte qui avoit été écrite sur du papier de coton, in chartâ cuttuneâ, l’an 1102, & une autre qui étoit datée de l’an 1112. Environ le même tems, l’impératrice Irene, femme d’Alexis Comnene, dit dans sa regle faite pour des religieuses, qu’elle avoit fondées à Constantinople, qu’elle leur laisse trois exemplaires de la regle, deux en parchemin, & un en papier de coton. Depuis ce tems-là, ce papier fut encore plus en usage dans tout l’empire de Constantinople. On compte aujourd’hui par centaines les manuscrits grecs de papier