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des autres actes qui ne sont pas émanés du ministere des notaires.

4°. Les notaires au châtelet de Paris peuvent écrire un acte, sujet au nouveau timbre, à côté ou à la suite d’un acte précédent, quoique reçu sur du papier timbré seulement de la formule générale des fermes ou d’un timbre précédent, ou même sur du papier commun, lorsque le nouvel acte a une liaison & une connexité naturelle avec celui auquel on le joint, comme lorsqu’il s’agit de faire mention sur l’original d’un acte, soit en minute ou en brevet, ou sur la grosse, d’un payement, d’une décharge, d’une réduction, augmentation ou autre déclaration, qu’il est important d’écrire sur l’acte auquel elle est relative, ainsi que cela a été remarqué ci-devant par rapport à tous les notaires en général.

Par une suite des principes généraux que l’on a établis à ce sujet, un notaire au châtelet de Paris ne pourroit pas à la suite ou à côté d’un acte ancien, reçu sur du papier qui ne seroit pas revêtu du timbre actuellement usité, écrire un nouvel acte qui n’auroit aucune connexité avec celui auquel on le joindroit ; autrement le nouvel acte pourroit être argué de nullité pour n’avoir pas été écrit sur du papier timbré de la formule particuliere, établie pour les actes des notaires de Paris, qui avoit cours au tems où le nouvel acte a été passé.

L’observation de la formalité du timbre dans les lieux & les cas où elle est requise, est d’autant plus essentielle, que les réglemens qui la prescrivent ne sont pas des lois simplement comminatoires ; ils prononcent formellement la peine de nullité contre tous actes publics, qui devant être écrits sur papier ou parchemin timbré, seroient écrits sur papier ou parchemin commun ; ensorte que l’on ne pourroit pas rendre valable un acte public écrit sur du papier ou parchemin commun, en le faisant timbrer après qu’il a reçu sa perfection par la signature des parties & des officiers publics, & cela même en payant aux fermiers du roi les droits & les amendes ; parce que le fermier ne peut remettre que son intérêt, & ne peut pas relever de la peine de nullité ceux qui l’ont encourue ; car dès que la nullité est encourue, le droit de l’opposer est acquis à tous ceux qui peuvent avoir intérêt d’empêcher l’exécution de l’acte ; & comme c’est une maxime certaine, que l’on ne peut préjudicier au droit acquis à un tiers, il ne dépend pas du fermier de remettre la peine de nullité une fois encourue par l’omission de la formalité du timbre.

Mais pour mieux entendre quel est l’effet de la peine de nullité prononcée par les réglemens qui ont établi la formalité du timbre, il faut d’abord distinguer les actes contentieux des actes volontaires.

Les actes contentieux, comme les arrêts, sentences, ordonnances, & autres jugemens, les enquêtes, informations, procès-verbaux de visite, rapports d’experts, les exploits & autres procédures & instructions qui se font par le ministere des officiers de justice, doivent sous peine de nullité absolue, être écrits sur papier ou parchemin timbré, dans les lieux où la formalité du timbre est établie, ainsi qu’il fut jugé par arrêt rendu à la séance de la chambre des vacations en la conciergerie du palais le 26 Octobre 1753, sur veille de saint Simon, saint Jude : voici l’espece de cet arrêt.

La demoiselle Robert, prisonniere pour dettes en la conciergerie, ayant demandé à cette séance sa liberté, en fut déboutée ; elle avoit assisté à la plaidoirie de sa cause aussi-bien que son créancier ; après la prononciation de l’arrêt, elle lui donna un soufflet derriere le barreau : le substitut qui portoit la parole à cette séance pour M. le procureur général, ayant entendu le coup qui venoit d’être donné & le murmure que cela excita, rendit plainte de l’irrévérence commise

envers l’audience, & conclut à ce qu’il en fût informé, ce qui fut ainsi ordonné par la chambre ; & comme ces sortes de procès s’instruisent sommairement, on entendit sur-le-champ les témoins qui avoient vû donner le soufflet.

Lorsqu’on en étoit au recolement, le substitut s’apperçut que le greffier qui tenoit la plume, avoit par inadvertance écrit toute la procédure sur du papier commun ; il conclut à ce que toute cette procédure fût declarée nulle ; & en effet il intervint arrêt conforme à ses conclusions, qui déclara toute ladite procédure nulle, & ordonna qu’elle seroit recommencée, ce qui fut fait sur papier timbré, & cette seconde instruction ayant été achevée en bonne forme, la demoiselle Robert fut condamnée à faire réparation à l’audience, &c.

A l’égard des actes publics volontaires, tels que ceux émanés des notaires, tabellions, &c. il faut distinguer ceux qui ne sont obligatoires que d’une part, d’avec ceux qui sont synallagmatiques, c’est-à-dire qui sont respectivement obligatoires à l’égard de toutes les parties contractantes.

Les actes qui ne sont obligatoires que d’une part, comme une obligation, une quittance, & les actes qui ne forment point de convention, tels que les déclarations, les certificats, & autres actes de cette nature, ne sont pas absolument nuls à tous égards, lorsqu’il leur manque la formalité du timbre : toute la peine de nullité par rapport à ces sortes d’actes, est qu’ils ne sont pas valables comme actes publics, & qu’ils n’ont aucun des effets attachés à la publicité des actes, tels que l’authenticité, l’hypotheque, l’exécution parée ; mais ils sont quelquefois valables comme écriture privée.

En effet, lorsque l’on y a observé la forme prescrite pour les actes sous signature privée, ils sont valables en cette derniere qualité, quoiqu’ils eussent été faits pour valoir comme actes publics.

Mais si ayant été faits pour valoir comme actes publics, ils ne peuvent valoir en cette qualité faute de timbre, ou à cause de quelque défaut essentiel dans l’observation de cette formalité ; & que d’un autre côté ces actes ne soient pas dans une forme telle qu’ils puissent valoir comme écriture privée, c’est alors un des cas où ils sont absolument nuls aux termes des réglemens.

Par exemple, si un notaire reçoit un testament sur papier commun, dans un lieu où il devoit l’écrire sur du papier timbré, ce testament sera absolument nul, & ne vaudra même pas comme testament olographe, parce que, pour être valable en cette qualité, il faudroit qu’il fût entierement écrit & signé de la main du testateur, au lieu qu’ayant été reçu par un notaire, ce sera le notaire ou un de ses clercs qui l’aura écrit.

De même, si un notaire reçoit une obligation sur papier commun, tandis qu’elle devoit être sur papier timbré, elle ne sera pas valable, même comme promesse sous signature privée, parce qu’aux termes de la déclaration du roi du 22 Septembre 1733, registrée en parlement le 14 suivant & le 20 Janvier 1734, tous billets sous signature privée, au porteur, à ordre ou autrement, causés pour valeur en argent, sont nuls, si le corps du billet n’est écrit de la main de celui qui l’a signé, ou du-moins si la somme portée au billet n’est reconnue par une approbation écrite en toutes lettres aussi de sa main.

Cette déclaration excepte seulement les billets sous signature privée, faits par des banquiers, négocians, marchands, manufacturiers, artisans, fermiers, laboureurs, vignerons, manouvriers, & autres de pareille qualité, à l’égard desquels elle n’exige pas que le corps de leurs billets soit entierement écrit de leur main ; ensorte que les obligations passées devant