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notaires par ces sortes de personnes, & reçues sur du papier commun, lorsqu’elles devoient être sur papier timbré, pourroient valoir comme billets sous signature privée, pourvû que l’acte fût signé de l’obligé.

Pour ce qui est des actes que les parties n’ont point signés, faute de savoir écrire, ou pour quelque autre empêchement, ils sont absolument nuls à tous égards, lorsque les officiers publics qui devoient les recevoir sur papier timbré, les ont reçus sur papier commun, & ces actes ne peuvent valoir même comme écriture privée, parce que les actes sous seing privé ne sont parfaits que par la signature des parties.

A l’égard des actes synallagmatiques, tels que les contrats de vente, d’échange, de société, les baux, & autres actes semblables, qui obligent respectivement les parties contractantes à remplir, chacun de leur part, certains engagemens, lorsqu’ils sont reçus par des officiers publics sur du papier commun, dans un lieu où ils devoient être écrits sur papier timbré, ils sont aussi absolument nuls à tous égards, & ne peuvent valoir même comme écriture privée, encore que les parties contractantes les eussent signés, parce que pour former un acte obligatoire, synallagmatique, sous seing privé, il faut qu’il soit fait double, triple, ou quadruple, &c. selon le nombre des contractans, afin que chacun puisse en avoir un par-devers soi, ce que l’on appelle en Bretagne un autant ; & qu’il soit fait mention dans chaque expédition que l’acte a été fait double, triple, ou quadruple ; ce qui est tellement de rigueur, que l’omission de cette mention suffit pour annuller la convention.

Cette regle est fondée sur le principe, qu’une convention ne peut pas être valable, à moins que chaque contractant ne puisse contraindre les autres à exécuter leurs engagemens, comme il peut être contraint de remplir les siens.

Pour mettre les contractans en état d’obliger les autres d’exécuter leurs engagemens, il faut que chacun d’eux ait par-devers soi un titre contre les autres ; car un acte synallagmatique sous seing privé qui seroit simple, ne formeroit pas un titre commun, quoiqu’il fût signé de tous les contractans, puisque chacun d’eux ne pourroit pas l’avoir en sa possession, & que celui entre les mains duquel il seroit, pourroit le faire paroître ou le supprimer, selon son intérêt, au préjudice des autres contractans qui ne pourroient pas s’en aider.

Or lorsqu’un acte synallagmatique a été reçu par un officier public, pour valoir comme acte public, & que néanmoins il ne l’a reçu que sur papier commun, soit par impéritie ou autrement, quoiqu’il dût le recevoir sur papier timbré, cet acte ne peut valoir que comme écriture privée, parce qu’il n’a point été fait double, triple, ou quadruple, &c. selon le nombre des contractans, & que par conséquent il n’y est pas fait mention qu’il ait été fait double ou triple, &c. d’où il s’ensuit qu’il ne peut être synallagmatique, & qu’il est absolument nul.

En vain prétendroit-on que la minute de cet acte synallagmatique devient un titre commun dont chaque contractant peut ensuite lever des expéditions, & par-là se procurer un titre pour obliger les autres parties à exécuter l’acte de leur part : dès que l’acte synallagmatique n’a pas été reçu par l’officier public sur papier timbré comme il devoit l’être, & que par l’omission de cette formalité l’acte ne peut valoir comme acte public, l’original de cet acte que l’officier public a retenu par-devers lui, ne peut être considéré comme une vraie minute, qui soit un titre commun dont on puisse lever des expéditions, qui servent de titre à chacun des contractans, parce que l’original n’étant pas un acte public, mais seule-

ment un acte privé simple, il pouvoit être supprimé

par ceux entre les mains desquels il étoit, & par conséquent ne pouvoit pas devenir obligatoire : le dépôt qui en a été fait chez un officier public, ne peut pas réparer ce vice primordial, ni faire que les expéditions qu’en délivroit l’officier public, servissent de titre à chacun des contractans, parce que l’acte étant nul dans le principe, ne peut être réhabilité par la qualité du lieu où il est gardé.

Il faut néanmoins excepter de cette regle certains actes que les notaires peuvent recevoir en brevet ; car si ces actes ont été faits doubles ou triples, selon le nombre des parties contractantes, ainsi que cela s’observe ordinairement, & que chaque double soit signé de la partie qu’il oblige ; ces actes qui ne seroient pas valables comme actes publics, s’ils étoient écrits sur du papier ou parchemin commun, dans un lieu où ils devoient l’être sur papier ou parchemin timbré, vaudroient du-moins comme écriture privée, parce qu’ils auroient en eux toutes les conditions nécessaires pour valoir en cette qualité.

En France, depuis quelque tems, on a établi dans chaque généralité où le papier timbré est en usage, une papeterie pour y fabriquer exprès le papier que l’on destine à être timbré ; & dans le corps de ce papier, au-lieu de la marque ordinaire ou enseigne du fabriquant, il y a au milieu de chaque feuille une marque intérieur du timbre extérieur qui doit y être apposé en tête.

La France n’est pas le seul pays où cette marque intérieure du timbre ait été établie, la même chose se pratique dans plusieurs autres états ; & notamment dans la Lorraine & dans le Barrois cela s’observe depuis plusieurs années.

Tout le papier qui se fait dans ces fabriques particulieres est porté au bureau du timbre, & l’on n’en vend point aux particuliers qu’on n’y ait auparavant apposé le timbre extérieur de la généralité pour laquelle il a été fabriqué.

Suivant l’usage qui s’observe actuellement, la marque intérieure du timbre inserée dans le corps du papier timbré, ne paroît pas être absolument de l’essence de la formalité, & à la rigueur il suffit que le papier sur lequel est écrit l’acte public soit timbré au haut de chaque feuille du timbre extérieur qui s’imprime avec le poinçon ou filigramme ; & en effet les officiers publics écrivent quelquefois leurs actes sur du papier commun, & font ensuite timbrer chaque feuille avant de signer & faire signer l’acte ; on fait aussi timbrer les mémoires, criées, encheres, & autres publications ou jugemens imprimés que l’on doit signifier, & tous ces différens actes ainsi timbrés ne sont pas moins valables que ceux qui sont écrits sur du papier marqué, tant du timbre intérieur que de l’extérieur.

Il seroit néanmoins à propos que les officiers publics ne pussent se servir pour les actes de leur ministere que de papier marqué de l’un & l’autre timbre ; car loin que cette répétition du timbre soit inutile, chacun de ces deux timbres a son utilité particuliere.

Le timbre extérieur imprimé au haut de chaque feuille, contribue à donner à l’acte le caractere d’authenticité & de publicité, & fait connoître à l’inspection seule de l’acte, que c’est un acte public & non une écriture privée.

La marque intérieure du timbre qui est dans le corps du papier & faite en même tems que le papier, sert à assurer que le papier étoit revétu du timbre extérieur lorsque l’acte y a été écrit, & qu’il n’a pas été timbré après coup, parce qu’on ne délivre à personne du papier fabriqué pour être timbré que le timbre n’y ait effectivement été apposé, ensorte que la marque intérieure du timbre constate d’une maniere plus sure la régularité de la forme de l’acte,