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la riviere. Ce réservoir est un ouvrage utile, qui a été conduit par l’architecte Beausire, & achevé en 1740.

La rue de S. Louis est une des plus belles de Paris, par sa largeur & par sa longueur. On voit dans cette rue l’hôtel Boucherat, dont le jardin est d’une grande étendue. Toutes les maisons des environs sont du xvij. siecle. Ce quartier se termine à la rue S. Antoine, l’une des plus longues & des plus larges de Paris, & dans laquelle les rois faisoient autrefois leurs courses de bagues, leurs joutes & leurs tournois.

La place de Greve, par où l’on peut dire que commence la rue S. Antoine, étoit anciennement un grand terrein inutile, sur lequel la riviere jettoit quantité de gravier, d’où lui vient sans doute le nom qu’elle porte ; mais depuis que le pavé de Paris a été rehaussé, & que l’on a fait des quais pour renfermer la riviere dans son lit, ses inondations ont été moins incommodes. La place de Greve étoit la seule où l’on donnoit autrefois des spectacles publics de réjouissance ; c’est aujourd’hui dans cette place qu’on exécute la plûpart des criminels condamnés à mort. Sa face principale est occupée par l’édifice qu’on nomme hôtel de ville, grand bâtiment gothique, dont voici l’histoire peu connue.

Ce fut en 1387 que le prevôt des marchands & les échevins allerent pour la premiere fois y tenir leurs assemblées. Cette maison appellée originairement la maison des piliers, parce que des piliers soutenoient la partie qui donnoit sur la place, avoit appartenu à Gui & à Humbert, derniers dauphins du Viennois ; & c’est de-là qu’elle avoit pris son autre nom d’hôtel du dauphin.

Charles V. régent du royaume pendant la prison du roi Jean, jouissoit, en qualité de dauphin, de tous ses droits de Humbert. Il donna cet hôtel à Jean d’Auxerre, receveur des gabelles de la prevôté & vicomté de Paris ; & c’est de ce Jean d’Auxerre qu’Etienne Marcel, prevôt des marchands, & les échevins l’acquirent au mois de Juillet 1357, moyennant deux mille quatre cens florins d’or au mouton, valant deux mille huit cens quatre-vingt livres parisis, forte monnoie : ainsi le florin d’or valoit vingt-quatre sols ; & comme il y en avoit cinquante-deux au marc, & que le marc d’or fin vaut à présent sept cens quarante livres neuf sols un denier un onzieme, la premiere acquisition de l’hôtel-de-ville a coûté trente-deux mille cinq cens soixante-trois livres six sols huit deniers cinq treiziemes de notre monnoie. Cette somme étoit alors considérable ; aussi s’empressa-t-on dans le même mois de Juillet, à faire confirmer l’acquisition par le dauphin régent, afin, disent les lettres de confirmation de ce prince, que lesdits prevôt des marchands & échevins, au nom d’icelle, ne puissent être fraudés de si grande somme de florins.

Au reste, il s’en falloit bien que cet édifice contînt tout l’emplacement que l’hôtel-de-ville occupe aujourd’hui. Il est dit dans le contrat de vente qu’il étoit à deux pignons par-devant, & qu’il tenoit d’une part à la maison d’honorable homme & sage sire Dimenche de Chasteillon ; & d’autre part, à la maison de Gilles Marcel, aboutant par-derriere à la ruelle du martrai S. Jean en greve, & par-devant à la place de greve, en la censive du roi. Cette ruelle du martrai étoit la continuation de la rue des vieilles garnisons, qui a long-tems séparé l’hôtel-de-ville de l’église de S. Jean en greve.

L’hôtel-de-ville, qui avoit été l’habitation des dauphins, fut aussi celle de quelques prevôts des marchands. Jean Juvenal des Ursins y demeuroit, lorsque des scélérats, qui avoient voulu l’assassiner, vinrent dans la place de greve nuds en chemise & la

corde au cou, lui demander pardon.

On ne songea qu’en 1532 à agrandir ce bâtiment sous le regne de François I. Les maisons voisines furent achetées dans cette vue ; & le 15 de Juillet de l’année suivante, on jetta les fondemens du nouvel édifice ; ce fut le corps-de-ville en cérémonie qui posa la premierc pierre. Le premier & le second étage ne furent élevés que vers l’an 1549 ; mais l’ordonnance en ayant paru gothique, on en réforma le dessein, qui fut présenté à Henri II. au château de S. Germain en Laye, & que 50 ans après on suivit, sous le regne d’Henri IV. toute la face du côté de la greve, & le pavillon de l’arcade n’ont été finis qu’en 1606, sous la prevôté de François Miron, qui étoit en même tems lieutenant civil. La tour de l’horloge & la grande salle neuve le furent en 1608, & le pavillon du côté du S. Esprit, en 1612. Sur la porte de l’hôtel-de-ville on a placé la statue équestre d’Henri IV. à demi-bosse en couleur de bronze sur un fond de marbre noir ; cet ouvrage est fort médiocre.

De la greve, après avoir passé sous une arcade, on vient à l’église de S. Jean, & ensuite à celle de S. Gervais, qui est une des anciennes paroisses de Paris. Le portail de S. Gervais passe pour être un des beaux morceaux d’Architecture ; il est composé des trois ordres grecs l’un sur l’autre, le dorique, l’ionique & le corinthien, dont les proportions sont si régulieres, qu’il n’y a rien au-dessus dans les ouvrages modernes les plus somptueux. Les colonnes doriques sont engagées d’un tiers dans le vif du bâtiment, & unies jusqu’à la troisieme partie de leur hauteur ; le reste est cannelé de cannelures à côtes. Celles des autres ordres sont détachées & hors d’œuvre, & ne sont chargées que des ornemens qui leur sont propres. Ces trois ordres ensemble font une fabrique de 26 toises de hauteur, qui offre à la vue un grand objet ; ce portail fut achevé en 1617, Louis XIII. y mit la premiere pierre.

En poursuivant son chemin dans la rue S. Antoine, on voit l’église qu’on appelloit les grands Jésuites, avant l’extinction de cet ordre en France, dédiée à S. Louis, & fort décorée ; elle a été finie en 1641 ; toute l’architecture est de l’ordre corinthien, & son dôme est le premier qu’on a fait à Paris.

Vis-à-vis de cette église est la rue de la couture ou de la culture sainte Catherine, appellée ainsi d’une église de ce nom, qui fut bâtie du tems de S. Louis, aux dépens de quelques officiers de sa maison, qui faisoient entre eux une espece de confrerie. On voit dans cette église entre autres tombeaux, celui de René de Birague, cardinal, aux funérailles duquel assista Henri III. en habit de pénitent, avec tous les seigneurs de sa cour, vêtus de blanc comme lui.

La place royale doit son commencement à plusieurs particuliers qui la firent construire en 1604. Les maisons qui la forment, sont d’une même symétrie, & elles ne furent achevées qu’en 1660. Cette place occupe le même lieu qui avoit servi de jardin au palais des tournelles, situé du côté du rempart, où François I. & quelques rois ses prédécesseurs, avoient tenu leur cour. Catherine de Médicis le vendit à plusieurs particuliers qui éleverent les maisons que l’on y voit à présent ; & la rue des tournelles, située près du rempart, en a retenu le nom. La place royale est parfaitement quarrée & coupée de trente-six pavillons élevés d’une même ordonnance. L’espace du milieu offre un grand préau enfermé dans une palissade de fer ; c’est là qu’on a placé la statue équestre de Louis XIII. La figure du cheval est un bel ouvrage fait pour Henri II. par Daniel Ricciarelli né à Volterre en Toscane, & dis-