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ciple de Michel Ange. La figure du roi, faite par Biard, est bien éloignée de répondre à la beauté du cheval. On a dit à ce sujet, que le cheval sur lequel est monté Henri IV. au milieu du pont-neuf, conviendroit à Louis XIII. & que celui de Louis XIII. conviendroit à Henri IV.

La Bastille étoit autrefois une porte de la ville ; cette forteresse bâtie en 1360, sous le regne de Charles VI. est composée de huit grosses tours rondes, jointes l’une à l’autre par des massifs de même hauteur & de même épaisseur, dont le dessus est en terrasse. Entre ces tours on trouve une cour qui sert de promenade aux personnes qui sont les moins resserrées dans cette prison. La porte S. Antoine, qui est à côté de la Bastille, & qui conduit au fauxbourg nommé S. Antoine, fut bâtie sous Henri II. pour servir d’arc de triomphe à ce monarque ; on l’a rouverte & élargie depuis peu d’années. Entre cette porte & le bastion on a fait une rampe, pour rendre l’accès du rempart plus facile aux carosses qui vont au cours.

Dans le fauxbourg S. Antoine est l’abbaye de ce nom : on commença de lever cette maison l’an 1193, & elle fut achevée sous le regne de S. Louis, qui assista à la dédicace de l’église, avec la reine Blanche de Castille sa mere. On voit dans la même rue la manufacture où l’on polit & où l’on étame les glaces de miroir ; on les fond à Cherbourg & à S. Gobin.

Un peu au-delà, est le couvent des Picpus, qui fut commencé en 1594. Vincent Massart ou Mussart, parisien, en a été le fondateur, & réforma le tiers-ordre de S. François, que l’on nomme ordinairement les Pénitens, & qui n’étoient auparavant que pour les séculiers. Massart en fit une regle particuliere, & s’établit dans le village de Picpus, dont ces religieux ont reçu le nom que le peuple leur a donné, malgré tous leurs soins à garder celui de pénitens.

En prenant le chemin de la ville, on passe devant une maison nommée Reuilli. Dom Mabillon rapporte dans sa Diplomatique, que les rois de la premiere race avoient un palais en cet endroit-là, & que ce fut dans ce palais que Dagobert répudia Gomatrude sa premiere femme, à cause de sa stérilité, & qu’il prit en sa place Nantilde, une des suivantes de cette reine ; il n’est resté aucuns vestiges de ce palais.

La premiere chose remarquable que l’on trouve en rentrant dans la ville, est l’arsenal : il fut bâti par Charles V. en même tems que la bastille. C’est dans ce lieu que l’on fondoit autrefois l’artillerie pour la défense du royaume, & l’on y garde encore les poudres & les canons. Au milieu de ce château étoit une tour, qu’on appelloit la tour de Billi. Le tonnerre étant tombé dessus le 19 de Juillet 1538, mit le feu à plus de 200 caques de poudre qu’on y conservoit. Outre que cette tour fut ruinée jusqu’aux fondemens, la violence du feu fut telle que les pierres furent emportées jusqu’à l’église de S. Antoine des champs, & jusqu’à des endroits de la ville fort éloignés. Les fonderies furent bâties en 1549, par ordre d’Henri II. Conservons ici cette belle inscription qu’on lit à la porte d’entrée d’un bâtiment qui bientôt ne subsistera plus :

Ætna hîc Henrico vulcania tela ministrat,
Tela gyganteos debellatura furores.

Les Célestins ont leur couvent tout proche de l’arsenal. Quelques auteurs disent que ce lieu avoit été occupé auparavant par les carmes de la place Maubert, qui l’abandonnerent afin d’être plus près de l’université, où ils alloient étudier pour obtenir des degrés. Le nommé Jacques Marcel ayant acheté cette place en 1318, y établit les célestins nouvel-

lement venus d’Italie, dans une haute réputation

de sainteté de vie. Le roi Charles V. leur donna de très-grands biens, fit construire l’église, & y mit la premiere pierre : cette église est d’une structure tout-à-fait grossiere.

La paroisse de S. Paul, qui est celle de tout le quartier, étoit la paroisse royale du tems que les rois occupoient l’hôtel de S. Paul, ou le palais des Tournelles. Le bâtiment de l’église, qui est d’une maçonnerie épaisse & gothique, fut élevé sous le regne de Charles VII.

Assez près de-là est le couvent des filles de l’Avé-Maria, dans une rue nommée des Barrées. Ces religieuses sont de l’ordre de sainte Claire, & vivent dans une très-grande austérité, ne mangeant jamais de viande, & ne portant point de linge. Outre qu’elles vont nus piés, sans sandales & sans aucune chaussure, elles ont l’étroite observance d’un silence perpétuel pour lequel le beau sexe n’est point né.

On va de ce couvent là au bord de la riviere, traverser le Pont-Marie, appellé ainsi de Christophe Marie, qui en jetta les fondations en 1613. Le pont est de pierres de taille, & composé de 5 arches, soutenues sur 4 piles & sur 2 culées. Il est couvert de maisons occupées par différens ouvriers ; & il ne fut achevé qu’en 1635 ; mais soit par la faute de l’architecte qui avoit mal construit la pile du côté de l’île Notre-Dame, soit par l’ébranlement que lui donna un trop fort débordement de la riviere, une partie de ce pont fut emportée la nuit, au mois de Mars 1658, & quantité de personnes y périrent ; on a rétabli les deux arches, mais on n’y a pas élevé de maisons.

L’île Notre-Dame où ce pont conduit, a pris son nom de l’église cathédrale, dédiée à la sainte Vierge, à laquelle cette île appartient en propre. Toutes les maisons qu’on y voit ont été bâties dans le dernier siecle ; ce n’étoit auparavant qu’une prairie assez basse, qui servoit de promenade au menu peuple ; toute l’île est revétue dans son enceinte d’un quai solide de pierre de taille ; les rues qui partagent l’île sont droites & aboutissent à la riviere.

On sort de cette île par le pont de la Tournelle, l’un des trois qu’on a construit pour y arriver ; il est de pierre de taille avec un trotoir de chaque côté pour les gens de pié ; on lui a donné le nom de Tournelle, à cause d’une tour carrée, qui se trouve sur le bord de l’autre côté de l’île Notre-Dame, & dans laquelle on enferme ceux qui sont condamnés aux galeres, en attendant que la chaîne parte pour Marseille, où ils sont distribués pour le service des galeres de S. M.

La porte de saint Bernard qui se trouve à peu de distance du pont de la Tournelle, a pris son nom du college des Bernardins qui est dans le voisinage ; cette porte toute moderne n’a que huit toises de large.

La rue de Seine, l’une de ce fauxbourg, conduit à celle de saint Victor, où l’on trouve l’abbaye de ce nom. Cette maison est fort ancienne ; Louis-le-Gros, roi de France, y fit élever de grands bâtimens, & lui donna des biens très-considérables : il fit construire une église en 1113 dans le même endroit où il reste encore une chapelle ancienne derriere le chœur. Guillaume de Champeaux, archidiacre de l’église de Paris, & depuis évêque de Châlons, fut le premier qui institua la congrégation de saint Victor, sous la regle de saint Augustin. Les jardins de cette maison sont fort spacieux, & ce qu’elle a de meilleur, c’est une bibliotheque, l’une des plus nombreuses de Paris. L’église de saint Victor fut relevée en 1517, sous François I. & elle n’est pas encore achevée ; au-delà de saint Victor est l’hôpital de la Pitié & celui de la Miséricorde : après ces deux hôpi-