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On distingue plusieurs sortes de péchés, 1°. du côté de l’objet, des péchés de la chair & des péchés de l’esprit : par péchés de la chair on entend ceux qui ont pour objet quelque délectation charnelle, comme la gourmandise, la luxure ; par péchés de l’esprit, ceux qui se passent dans l’intérieur, comme l’orgueil, l’hérésie, &c. 2°. Eu égard aux personnes que le péché offense, on distingue des péchés contre Dieu, contre le prochain, contre soi-même. 3°. On le divise encore en péchés de pensée, de parole, & d’action, en péchés d’ignorance & de foiblesse, & péchés de malice.

Mais les divisions les plus connues, sont celles qui distinguent le péché originel & péché actuel. Le péché originel est celui que nous tirons de notre origine, que nous apportons en naissant, & dont Adam notre premier pere nous a rendu coupables : on dispute beaucoup sur sa nature, & sur la maniere dont il passe des peres aux enfans. Voyez ce que nous en avons dit sur le mot Originel.

Le péché actuel est celui que nous commettons par notre propre volonté : on le divise en péché de commission & péché d’omission ; par péché de commission on entend celui qui est opposé à un précepte négatif, comme à l’homicide, qui est opposé à ce commandement, vous ne tuerez point. Le péché d’omission est celui qui est contraire à un précepte affirmatif, comme de manquer de respect à ses parens est une action opposée à ce précepte, honorez votre pere & votre mere ; ou pour s’expliquer plus clairement, le péché de commission consiste à faire ce que la loi défend, & le péché d’omission à ne pas faire ce qu’elle prescrit.

Enfin, le péché actuel, soit de commission, soit d’omission, se sous-divise en péché mortel & en péché véniel. Le péché mortel est une prévarication qui donne à l’ame la mort spirituelle en la privant de la grace sanctifiante, & en la rendant sujette à la damnation. Le péché véniel est une faute qui affoiblit en nous la grace de la justification sans la détruire, & qui nous soumet à la nécessité de subir quelques peines temporelles pour en obtenir la rémission.

Quelques-uns, parmi les Protestans, ont cru que la différence entre les péchés mortels & véniels tiroit son origine de la qualité des personnes qui les commettoient ; que tous les péchés d’un juste, quelqu’énormes qu’ils puissent être, étoient véniels ; que ceux d’un pécheur, quelques légers qu’ils fussent, étoient mortels. D’autres en ont fait dépendre la différence de la pure volonté de Dieu ; mais il est clair, 1°. que tous les péchés des justes ne leur ôtent pas toujours la grace, & que tous les pécheurs n’offensent pas Dieu dans toutes les occasions avec le même degré d’énormité ; 2°. qu’il y a des péchés, qui par eux-mêmes portent simplement quelqu’atteinte à la vie spirituelle en diminuant le feu de la charité, & d’autres qui par leur propre nature éloignent ce feu sacré & donnent la mort à l’ame.

Il n’est pas facile au reste de décider toujours avec précision quand un péché est mortel ou véniel. L’examen de l’importance du précepte violé, l’inspection du degré de consentement que donne à la mauvaise action celui qui la commet, la considération du tort & du scandale que portent à quelque membre de la société, ou à toute la société, les fautes commises, sont autant de moyens qui contribuent à faire connoître & à spécifier la grandeur & l’énormité des péchés.

Les Stoïciens prétendoient que tous les péchés étoient égaux entre eux ; on peut voir comment Ciceron, dans ses paradoxes, réfute l’absurdité de cette opinion.

Les anciens Gnostiques & les Manichéens imaginoient un mauvais principe auteur du péché. Calvin

n’a pas fait difficulté de l’attribuer à Dieu, de dire que Dieu y excitoit & y poussoit l’homme. Les Catholiques reconnoissent que l’homme est libre, que c’est par sa seule & propre détermination qu’il péche, & qu’alors il est justement répréhensible d’avoir commis ce qu’il pouvoit ne pas faire, ou négligé ce qu’il devoit & ce qu’il pouvoit faire.

Péché, (Critique sacrée.) c’est dans le vieux Testament la transgression de la Loi. Les casuistes hébreux ont des mots propres pour distinguer ces diverses transgressions ; Chataoth, comprend les péchés commis contre les préceptes affirmatifs ; Aschamat, marque les péchés commis contre les préceptes négatifs ; Schegaga, désigne les péchés d’ignorance, d’oubli, d’omission, &c. Cependant dans l’Ecriture le mot péché, se prend tantôt pour une transgression légere de la Loi, I. Joan. j. 8. tantôt pour un péché très-grave, comme l’idolâtrie, Thren. j. 8.

Péché veut dire aussi la peine du péché : si tu fais mal, la peine de ton péché, peccatum, s’en suivra, Gen. iv. 7. Il signifie la concupiscence, Rom. vij. 20. Il se met pour la victime offerte en expiation du péché ; celui qui ne connoissoit point le péché, a été fait victime ; peccatum pour le péché, II. Cor. v. 21. De même dans Osée, iv. 8. ils se nourriront des victimes, comedent peccata, que mon peuple offre pour le péché. Enfin, ce terme se prend pour maladie. Rom. v. 12. (D. J.)

Péché à mort, (Critique sacrée.) on cherche quel est ce péché, dont S. Jean dit qu’il est à la mort, I. ép. v. 16. Il semble que c’est l’idolâtrie : ce qui confirme cette idée, selon les judicieuses remarques d’un critique moderne, c’est 1°. que la Loi divine condamnoit l’idolâtre à la mort, sans aucune miséricorde ; 2°. que l’apôtre, au ℣. 20 remarque que J. C. est venu pour faire connoître le seul vrai Dieu ; 3°. & qu’enfin, au ℣. 21. l’apôtre finit son épître par ce précepte : mes petits enfans, gardez-vous des idoles. Cependant, quand l’apôtre parle d’un péché à mort, il n’entend pas la mort éternelle ; comme si Dieu avoit prononcé contre le chrétien qui tomboit dans l’idolâtrie, qu’il seroit condamné sans miséricorde à la mort éternelle, sans qu’il pût obtenir sa grace par sa repentance. Le ℣. 16. fait voir qu’il ne s’agit que de la mort temporelle. Les Chrétiens priant pour les malades, & demandant à Dieu leur guérison, ils l’obtenoient aussi, comme on le voit par S. Jacques, ch. v. ℣. 14. & suivans. S. Jean a en vûe cette coutume, & dit, qu’il n’ordonne point aux Fideles de prier pour la guérison de ceux qui tomboient dans l’idolâtrie ; parce que c’est-là un péché qui mérite la mort, & auquel sont condamnés ceux qui ont connu le seul vrai Dieu. On ne demandoit point à Dieu la vie de ces gens-là ; mais on ne les privoit pas de l’espérance du salut, s’ils s’adressoient à J. C. avec une sincere repentance. Ainsi donc le péché à mort, dans S. Jean, seroit l’idolâtrie. Le péché contre le S. Esprit, paroît être le blasphème ou l’outrage fait au S. Esprit, en attribuant contre la conscience, les miracles à la vertu des démons ; c’est le dernier excès de l’impiété. Le péché irrémissible de l’auteur de l’épître aux Hébreux, c’est vraissemblablement l’apostasie entiere. (D. J.)

Péché originel, (Critique sacrée.) la tradition a bien varié sur le péché originel. Clément d’Alexandrie n’a point connu ce péché, comme on le voit par la maniere dont il explique les paroles de Job, ch. xiv. 4. selon la version des Septante, & celui du Ps. lj. ℣. 7. Pour le dernier, il prétend que David parle d’Eve, la mere du genre humain, qui n’eut des enfans que depuis qu’elle fût tombée dans la transgression. Voyez Stromat. lib. III. pag. 488. & 489. Mais Origène, disciple de Clément d’Alexandrie, abandonna l’opinion de son maître, & soutint que