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tere (second membre), omne meum tempus amicorum temporibus transmittendum putavi (troisieme membre) ; Cic. pro lege Maniliâ.

On trouve un exemple de la période à quatre membres dans la belle description que fait le même orateur du supplice des parricides qu’on jettoit dans la mer enfermés dans un sac : ità vivunt, ut ducere animam de cœlo non queant (premier membre) ; ità moriuntur, ut eorum ossa terra non tangat (second membre) ; ità jactantur fluctibus, ut nunquàm abluantur (troisieme membre) ; ità postremò ejiciuntur, ut ne ad saxa quidem mortui conquiescant (quatrieme membre) ; Cic. pro Roscio Amerino.

Les anciens orateurs observoient assez scrupuleusement les regles de l’art pour la mesure, l’étendue & l’harmonie des périodes dans leurs harangues ; mais dans les langues modernes on est beaucoup moins severe ou plus négligent.

Selon les regles de l’art oratoire, les membres d’une période doivent être égaux au-moins à-peu-près, afin que les repos ou suspensions de la voix à la fin de chaque membre puissent être à-peu-près les mêmes : mais on n’a point égard à cette regle, quand ce qu’on écrit n’est pas destiné à être prononcé en public.

Le discours ordinaire & familier admet des périodes plus longues & plus courtes que les périodes oratoires. Dans un discours public, les périodes trop courtes, & pour ainsi dire mutilées, nuisent au grand & au sublime dont elles interrompent la marche majestueuse. Au contraire les périodes trop longues l’appesantissent cette marche, tiennent l’esprit de l’auditeur dans une suspension qui produit souvent de l’obscurité dans les idées. D’ailleurs la voix de l’orateur n’est pas assez forte pour soutenir le ton jusqu’au bout ; on sait à cet égard les plaisanteries qu’on a fait sur les longues périodes de Maimbourg. Phalarée, Hermogene, Térence & les autres rhéteurs, bornent à quatre membres la juste longueur de la période, appellée par les Latins ambitus & circuitus selon ce distique :

Quatuor è membris plenum formare videbis
Rhetora circuitum ; sive ambitus ille vocatur.

C’est aussi le sentiment de Cicéron qui dit dans l’orateur : constat ille ambitus & plena comprehensio ex quatuor ferè partibus, quæ membra dicuntur, ut & aures impleat & nè brevior sit quàm satis est neque longior.

Cet orateur nous fournit un exemple du discours périodique dans l’exorde de l’oraison pour le poëte Archias : si quid in me sit ingenii, judices, quòd senuo quàm sit exiguum, aut si qua exercitatio dicendi, in quâ me non inficior mediocriter esse versatum, aut si hujusce rei ratio atque ab optimarum artium studiis & disciplinâ profecta, à quâ ego confiteor nullum ætatis meæ tempus abhorruisse, earum rerum omnium vel imprimis hic Aul. Licinius fructum à me repetere proprio suo jure debet.

Il y a encore des périodes qu’on nomme rondes, & d’autres qu’on nomme quarrées, à cause de leur construction & de leur chûte différentes. La période quarrée est celle qui est composée de trois ou quatre membres égaux, distingués l’un de l’autre, comme celle que nous avons citée sur le châtiment des parricides, ou celle-ci de M. Fléchier : si M. de Turenne n’avoit su que combattre & vaincre (premier membre), s’il ne s’étoit élevé au-dessus des vertus humaines (second membre), si sa valeur & sa prudence n’avoient été animées d’un esprit de foi & de charité (troisieme membre), je le mettrois au rang des Fabius & des Scipions (quatrieme membre). Tous ces membres, comme on voit, ont entr’eux une juste proportion.

La période ronde est celle dont les membres sont tellement joints & pour ainsi dire enchâssés les uns dans les autres, qu’à-peine voit-on ce qui les unit, de sorte que la période entiere coule avec une égalité parfaite, sans qu’on y remarque de repos considérables ;

selles sont les périodes de Cicéron à deux & à trois membres, rapportées ci-dessus.

D’autres appellent période ronde celle dont les membres sont tellement disposés, qu’on pourroit mettre le commencement à la fin, & vice versâ, sans rien ôter au sens ni à l’harmonie du discours ; & ils en citent pour exemple cette période de Cicéron : si quantùm in agro locisque desertis audacia potest, tantùm in foro atque judicii impudentia valeret, non minùs in causâ cederet Aulus Cæcina Sexti Ebutii impudentiæ, quam tùm in vi saciendâ cessit audaciæ ; car on pourroit la commencer par ces mots : non minùs in causâ cederet, &c. sans que la pensée ni le nombre oratoire en souffrissent.

Enfin, on appelle période croisée, periodus decussata, celle dont les membres sont opposés, telle qu’est celle qu’on vient de lire ; ou celle-ci de M. Fléchier : plus grande dans ce dépouillement de sa grandeur, & plus glorieuse lorsqu’entourée de pauvres, de malades, ou de mourans, elle participoit à l’humilité & à la patience de Jesus-Christ, que lorsqu’entre deux haies de troupes victorieuses, dans un char brillant & pompeux, elle prenoit part à la gloire & aux triomphes de son époux. On en trouve un grand nombre de cette espece dans cet orateur, qui donnoit beaucoup & peut-être trop dans les antithèses.

Au demeurant, il n’y a guère de lois à prescrire sur l’emploi de la période. En général, le commencement d’un discours grave & noble sera périodique ; mais dans le cours de sa harangue, l’orateur se laisse diriger par le caractere de ses pensées, par la nature de ses images, par le sujet de son récit. Tantôt ses phrases sont coupées, courtes, vives & pressées, tantôt elles deviennent plus longues, plus tardives & plus lentes. On acquiert par une longue habitude d’écrire, la facilité de prendre le rithme qui convient à chaque chose & à chaque instant ; presque sans s’en appercevoir & à la longue, ce gout dont la nature donne le germe & que l’exercice déploie, devient très-scrupuleux.

Période, (Belles-Lettres.) se dit aussi du caractere ou du point (.), qui marque & détermine la fin des périodes dans le discours, & qu’on appelle communément plein repos ou point. Voyez Ponctuer.

Le P. Buffier remarque qu’il se rencontre deux difficultés dans l’usage de la période ou du point, savoir de la distinguer du colon ou de deux points, & de déterminer précisément la fin d’une période ou d’une pensée.

On a remarqué que les membres surnuméraires d’une période séparés des autres par des colons & des demi-colons commencent ordinairement par une conjonction. Voyez Colon. Cependant il est certain que ces conjonctions sont encore plus souvent le commencement d’une nouvelle période, que des membres surnuméraires de la période précédente. C’est le sens du discours & le discernement de l’auteur qui doivent le guider dans l’usage qu’il fait de ces deux différentes ponctuations. Une regle générale là-dessus & qu’il faut admettre, si l’on ne veut pas renoncer à toutes les regles, c’est que quand le membre surnuméraire est aussi long que le reste de la période, c’est alors une période nouvelle ; que s’il est beaucoup plus court, c’est un membre de la période précédente.

La seconde difficulté consiste en ce qu’il y a plusieurs phrases courtes & coupées, dans lesquelles le sens paroît être complet, & qui néanmoins ne semblent pas être de nature à devoir se terminer par un point. Ce qui arrive fréquemment dans le discours libre & familier ; par exemple : Vous êtes tous en suspens : faites promptement vos propositions : vous seriez blâmables d’hésiter plus long-tems. D’où l’on voit qu’il y a de simples phrases, dont le sens est aussi complet que celui des périodes, & qui, à la rigueur, doi-