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panier qui puisse entrer dans la chaudiere, & y ranger les suites de façon qu’elles y soient un peu serrées pour qu’elles ne varient point, & avoir soin que le panier soit aussi bien fermé ; c’est la même chose pour la frisure à l’angle sur rien : quand les suites sont dans le panier, & le panier dans la chaudiere, & que l’eau commence à bouillir (chose qu’il faut observer pour tous), l’on prend un litron de farine que l’on délaye bien dans de l’eau chaude. Lorsqu’elle est bien délayée, on la jette dans la chaudiere : on la laisse bouillir ; après quoi, on fait sécher les cheveux sur l’étuve comme les autres. Et, pour s’assurer qu’ils sont secs, il faut voir si la ficelle y tourne : au lieu de les mettre dans un pâté comme les autres, on a une cucurbite que l’on met dans un chaudron ou dans une marmite. On fait bouillir au bain-marie pendant huit heures. La cucurbite doit être bouchée avec de la laine. Il en faut deux bouchons, afin que lorsque le premier a pris l’humidité des cheveux, on puisse remettre le second, tandis que le premier se seche, & ainsi alternativement jusqu’à la fin des huit heures. Voilà tout ce qui regarde le bouillissage & le séchage des cheveux ; opérations très-nécessaires à faire exactement, si l’on veut que l’ouvrage soit d’un bon usé.

Il faut que les cheveux soient bien froids avant que de les décorder : décorder des cheveux, c’est défaire la ficelle & ôter les moules ; cela se doit exécuter avec attention, & ne pas négliger de bien remettre toujours la frisure dans son centre. Après les avoir décordés, il faut les détacher paquet à paquet de la ficelle qui les tient enfilés, & commencer par les plus longs.

Avant que d’aller plus loin, nous allons dire un mot de la maniere dont on travaille le crin.

Il faut d’abord le mettre en paquet, & le tirer par la tête & par la pointe, comme les cheveux ; faire une eau de savon, le savonner à plusieurs reprises, comme l’on savonne le linge fin ; avoir une eau d’indigo, le passer à cette eau, & le friser comme les cheveux, excepté qu’il faut employer des moules plus gros, & monter la frisure moins haut. Après l’avoir retiré de l’eau d’indigo, on le soufre comme les bas de soie & la blonde.

Il y a des Perruquiers dans certaines provinces où l’on ne paye point les perruques, qui y mettent beaucoup de poil de chevre. Ce poil se blanchit beaucoup & donne une très-belle couleur, mais il ne dure pas ; il se coupe en le peignant. On le travaille de même que le crin.

Pour revenir au dégagement, après avoir défait les paquets de la ficelle, en commençant par les plus longs, il est à propos d’avoir son seran bien attaché devant soi. Alors on prend deux ou trois paquets dont l’on a débourré la tête sur le seran ; on les tient bien ferme, & on les ratisse à plusieurs reprises sans peigner ; on les égalise bien par la pointe, & on les peigne ensuite du côté de la tête en les tenant toujours bien ferme, afin qu’ils ne se dérangent point, ce qui est très-essentiel. Quand les paquets auront été bien peignés & qu’ils passeront aisément dans le seran, on les mêlera avec le doigt, comme nous avons dit ci-devant, on les repeignera par la pointe, & on recommencera par la tête en continuant toujours de les mêler jusqu’à ce que la frisure soit bien ouverte, & que le corps des cheveux n’ait plus de mauvais pli : après quoi on les attachera avec du fil bien ferme, & on les mettra en boucle du bon côté ; on commencera par les plus longs, & l’on continuera jusqu’aux plus courts.

Voilà tout ce qui concerne le dégagement du crin, des cheveux, du poil sec : car, dans certaines provinces, il y a des Perruquiers qui se servent de laine de Barbarie, & la travaillent comme le poil. Cette

laine est d’un très-mauvais usé. Si l’on s’en sert pour les perruques des spectacles, c’est qu’on la teint aisément de diverses couleurs.

Il y a une sorte de cheveux, que l’on appelle cheveux herbés : on les travaille à-peu-près de la maniere suivante. L’on prend des coupes de cheveux noirs, bruns, rouges ou châtains ; on les tresse sur du gros fil ou sur une petite ficelle : on prend des passés très gros du paquet, ou autrement dit d’une coupe, que l’on tresse à simple tour, comme nous l’expliquerons ci-après. Ainsi tressés, on les lessive & on les prépare comme la toile bise que l’on veut blanchir en les mettant sur l’herbe : c’est d’où ils tirent le nom de cheveux herbés. L’on s’en sert pour donner la couleur aux nœuds des perruques nouées, & au derriere des perruques à bourse : ils ne sont bons qu’à être mêlés avec d’autres cheveux ; & si on les employoit seuls, ils seroient d’un très-mauvais usé, car au blanchissage ils perdent leur force & leur substance : c’est des Anglois que nous tenons cette méthode qui nous dispense depuis environ 40 ans de mettre dans les nœuds des perruques nouées & au derriere des perruques à bourse des bons cheveux, qui en augmenteroient le prix de beaucoup, sans qu’elles en durassent davantage.

Lorsque les cheveux sont tous dégagés, il faut les enfiler avec une aiguille & du fil un peu fort tous par étage, afin de les trouver plus aisément quand on veut les tirer ; c’est alors que la carde faite en équerre devient utile. Après qu’on l’a attachée ferme devant soi, on prend un ou deux paquets que l’on vient de dégager, on les remêle par la tête, comme on l’a déja dit, en observant de les tenir toujours bien égaux par la pointe. Après les avoir renoués à une certaine hauteur, on les étend sur un des côtés de la carde qui se présente en long jusqu’au fil. Après quoi on met une carde pareille par-dessus, alors on retire des paquets des petits, de la grosseur d’une plume. S’ils se trouvent bien épointés, on en retire une moindre quantité, parce qu’il faut qu’ils se trouvent quarrés par la tête & par la pointe. Si les paquets sont à-peu-près quarrés, on peut tirer plus des petits. Il ne faut pas attendre que la carde soit entierement vuide, mais sur la fin des premiers en remettre d’autres dans l’autre côté de la carde, les bien mêler ; à mesure que l’on tire un des paquets, le bien égaliser, le peigner dans la carde, le nouer par la tête, le remettre en boucle, & faire la même chose jusqu’à la fin des suites, soit de cheveux, de crin, de poil. Après avoir tiré le tout, il est à propos de le partager en plusieurs suites, & de les enfiler par la tête avec une aiguille & du fil, comme nous avons dit ci-devant pour les cheveux plats.

Il s’agit maintenant du préparage. Il n’est pas trop aisé d’en faire une description exacte, car il dépend de l’idée & du goût de l’ouvrier : voici cependant comment l’on s’y prend communément. Si l’on veut préparer une perruque nouée, un peu ample, c’est-à-dire une perruque pour une personne d’un certain âge, il faut que les cheveux soient un peu crêpés (nous avons oublié de dire que quand on dégage les cheveux crêpés, il faut avoir l’attention de les passer dans le seran jusqu’à ce que le crêpe soit bien ouvert). Nous parlerons d’abord de la perruque nouée, parce que c’est la premiere qui ait été inventée ; quoiqu’elle ne paroisse guere imiter les cheveux, elle les imitoit cependant dans le tems où l’on commença à la porter, parce que l’on ne connoissoit ni la bourse ni la queue. Les soldats même qui avoient les cheveux longs, les officiers, les bourgeois partageoient leurs cheveux en deux par derriere, les ramenoient en-devant & les nouoient comme les nœuds de nos perruques nouées.

Si l’on fait une perruque courte & légere, il n’est