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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/479

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de l’autre. Cet arbre m’a paru jusqu’à-présent suffisamment robuste pour résister en plein air dans ce climat. Ses feuilles se flétrissent & tombent de bonne heure en automne, même dès la fin de Septembre ; il est vrai que cette feuille est assez belle au printems & en été. Mais cet arbre tire son principal mérite de sa gomme balsamique, qui pourroit être d’usage en Médecine ; ce qu’il y a de certain, c’est que cette gomme est souveraine pour guérir les coupûres.

6°. Le peuplier noir de la Caroline ; c’est sans contredit la plus belle espece de peuplier, qui n’est pourtant connue que depuis peu d’années en France, non plus qu’en Angleterre. Cet arbre est sur-tout remarquable par la grandeur admirable de ses feuilles, qui ont souvent 10 pouces de longueur, sur 8 à 9 de largeur ; elles sont aussi légerement qu’agréablement campanées sur les bords : la verdure en est vive, brillante & stable : elles tiennent à l’arbre par de longs pédicules qui étant applatis sur les côtes, s’inclinent à contre-sens des feuilles ordinaires ; ce qui fait que la feuille de ce peuplier est suspendue de côté. Vers la fin de l’été les principales côtes de sa surface se teignent d’une couleur rougeâtre qui fait avec la verdure un contraste singulier ; mais l’accroissement de ce peuplier est un phénomene digne d’admiration : c’est de tous les arbres qui peuvent venir dans les climats tempérés de l’Europe, celui qui croît le plus promptement ; il s’éleve & grossit d’une vîtesse surprenante. De jeunes plants d’un demi-pié de haut plantés dans une terre meuble & fraîche, ont pris en deux ans 15 piés de hauteur, sur huit à neuf pouces de circonférence, ayant des têtes de huit à dix piés de diametre, garnies de six, sept ou huit branches de cinq, sept & jusqu’à neuf piés de longueur. On peut regarder cet arbre comme un prodige de végétation. Ce peuplier est encore remarquable par ses profondes cannelures, au nombre de quatre ou cinq, qui sont sur le bois de l’année, & dont les arrêtes sont saillantes & très-vives ; ces arrêtes s’adoucissent avec l’âge, & laissent encore des traces sur le bois de deux & de trois ans. On ne connoît encore ni les fleurs mâles, ni la graine, ni la qualité du bois de cet arbre ; quoiqu’originaire des contrées méridionales de la Caroline & de la Virginie, il est néanmoins fort robuste ; il vient à toutes les expositions dans les lieux bas ; il profite assez bien dans une terre franche, meuble & douée, mais il se plaît sur-tout dans l’humidité, pourvu qu’elle ne soit pas permanente : c’est-là sur-tout qu’il prospere & qu’il fait de grands progrès. On le multiplie de branches couchées, qui font peu de racines en un an, mais qui ne laissent pas de reprendre ; de boutures qui réussissent passablement quand on les fait dès le commencement du mois de Novembre, & par la greffe, qui prend assez bien sur le peuplier noir ordinaire. Il m’a paru que le peuplier de Lombardie n’étoit pas à beaucoup près si propre à lui servir de sujet. Le peuplier de la Caroline est extrèmement convenable pour former des avenues, des allées, & surtout des salles en verdure & des quinconces, où cet arbre se défend mieux contre les vents impétueux, qui lui rompent quelquefois des branches.

7°. Le peuplier blanc à larges feuilles, que l’on nomme aussi grisaille d’Hollande, ou ypreau, ou franc picard, & en Angleterre abele, est un grand arbre qui ne pointe pas autant que le peuplier noir ordinaire, mais qui s’étend beaucoup plus, & qui grossit davantage : son accroissement est aussi plus prompt, mais moindre pourtant que celui du peuplier de la Caroline. Son écorce, qui est blanche & fort unie, ne se ride que dans un âge très avancé. Sa feuille en général est figurée en cœur, & découpée par les bords d’échancrures, les unes plus, & les autres moins profondes ; elle est d’un verd fort brun en-dessous, & d’une extrème blancheur par-dessous qui est veloutée. Ses

fleurs mâles & les filets qui portent la graine, paroissent & tombent en même tems que ceux du peuplier noir ordinaire. Les racines du peuplier blanc s’étendent beaucoup à la surface de la terre, ce qui le rend sujet à être quelquefois renversé par les vents. Il a le mérite particulier de réussir dans tous les terreins, même dans les lieux assez secs & élevés ; il ne redoute que la craie, le gravier maigre & le sable pur ; il se plaît dans les terres noires, grasses & argilleuses, mais il profite beaucoup plus dans les lieux bas & aquatiques, où il croît avec une extrême vivacité. Les intempéries des saisons ne peuvent rien contre cet arbre, que l’on peut multiplier très-facilement de boutures, mais plus promptement en se servant des rejettons qui viennent en quantité sur ses racines ; il ne leur faut que trois ans de pepiniere pour les mettre en état d’être plantés à demeure. Il se garantit par lui-même des bestiaux, car ils ne veulent point de son feuillage, à ce que rapporte Ellis, auteur anglois. Le bois de ce peuplier est très-blanc ; aussi est il tendre, léger, & facile à fendre ; mais il est moins sujet à se gerser que beaucoup d’autres especes de bois blancs : c’est ce qui le fait employer par les Tourneurs, les Luthiers & les Layetiers. Les Menuisiers font aussi usage de ce bois, qui est excellent pour la boiserie, & sur-tout pour parqueter. Il sert aussi aux Charrons pour faire des trains de voitures légeres. Enfin le peuplier blanc est très-propre à former de grandes avenues le long des canaux & dans des fonds marécageux, où quantité d’arbres refusent de venir.

8°. Le peuplier blanc à petites feuilles. Cet arbre ne différe du précédent que par la figure de ses feuilles, qui sont plus petites & moins échancrées, ce qui le rend fort inférieure pour l’agrément.

9°. Le peuplier blanc à petites feuilles panachées. Il faut que cette variété soit d’un agrément bien médiocre, car les auteurs anglois n’en font aucun détail, quoiqu’en Angleterre on soit sort curieux de rassembler les arbres panachés.

10°. Le tremble. C’est un grand arbre, & l’espece la plus ignoble des peupliers : il a presque toujours un air chenu & dépérissant qui le dégrade ; il vient communément dans les bois dont le sol est froid, humide, argilleux ; il fait une tige assez droite qui ne grossit pas à-proportion de sa longueur. Sa tête est assez ronde. Ses racines tracent à fleur de terre, & poussent une grande quantité de rejettons. Son écorce, de couleur cendrée, paroît terne, matte, & seche comme si elle étoit morte. Sa feuille est presque ronde, fort unie, légerement campanée sur les bords, & d’un verd clair cendré assez joli ; elles sont soutenues par de longs pédicules si minces, que les feuilles sont agitées au moindre mouvement de l’air. Ses fleurs mâles ou chatons paroissent des premiers, & plus d’un mois avant ceux des autres peupliers ; ils sont d’une couleur rousse obscure ; les filets qui portent la graine tombent à la fin de Mai. Nul agrément à attendre de cet arbre, & encore moins d’utilité, si ce n’est celle qu’on peut retirer de son bois, qui n’est guere propre pour le chauffage : c’est le moindre de tous les bois des différens peupliers pour l’usage des Arts ; cependant les Menuisiers, les Tourneurs & les Sabotiers, l’emploient, & les Ebénistes s’en servent pour les bâtis propres à recevoir les bois de placage.

11°. Le tremble à petites feuilles. C’est une variété de l’espece qui précede, dont elle differe par sa feuille, & de plus par son volume. Le tremble ne devient ni si grand ni si gros que l’espece à large feuille ; mais ce diminutif est compensé par la facilité qu’il a de venir avec quelques succès dans des terreins secs & élevés, & d’assez mauvaise qualité. (M. d’Aubenton le subdélégué.)

Peuplier, (Mat. méd.) peuplier noir, le peuplier noir fournit à la Pharmacie ses yeux ou bourgeons