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fice qui subsistoit encore de son tems. Un scholiaste de Lucien, manuscrit, cité par Isaac Vossius, dit que cette tour étoit quarrée, & que ses côtés avoient près d’un stade de long.

Tous les anciens auteurs ont parlé de l’île de Pharos. Voyez César, comment. de bell. civ. c. iij. Strabon, l. XVII. p. 792. Pomponius Mela, l, II. c. vij. Pline, L. V. c. xj. & l. XIII. c. xij. Ce dernier lui donne le titre de colonie de Jules-César.

Homere a bien chagriné ses admirateurs, en faisant dire à Ménélas, dans l’Odyssée, liv. IV. vers 355, que l’île de Pharos est éloignée d’une journée de l’Egypte, ἀιγύπτου. Plusieurs critiques ont accusé le poëte grec d’une énorme bévûe ; mais d’autres leur ont répondu que le mot Ægyptus désignoit ici le Nil, & qu’en effet l’île de Pharos est éloignée d’une journée de la principale embouchure du fleuve Ægyptus, qui est le Nil. Strabon eût peut-être adopté cette explication s’il y eût songé ; mais en homme d’esprit, il a entrepris de justifier son poëte favori de tout reproche d’ignorance.

« C’est, dit-il, Ménélas qui raconte ses voyages ; il use du privilege des voyageurs, il ment. D’ailleurs c’est un poëte qui le fait parler, qui savoit bien que cette distance n’étoit pas aussi considérable que le dit Ménélas, mais il veut intéresser le lecteur par le merveilleux de la fiction ».

Ortelius dit qu’on nomme aujourd’hui l’île de Pharos Farion, & qu’elle est appellée Magrah par les habitans du pays.

2o . Pharos, ou Issa-Pharos, île de la mer Adriatique, sur la côte de l’Illyrie, selon Pline, l. III. c. xxj, qui dit qu’on la nommoit auparavant Paros. Le P. Hardouin retranche cette île dans son édition de Pline ; mais c’est un retranchement bien hardi, d’autant plus que Diodore de Sicile l.XV. Strabon l. VII. p. 315. & Polybe l. V. p. 108. en font mention.

3o . Pharos, île sur la côte d’Italie, vis-à-vis de Brundusium. Pomponius Mela, l. II. c. vij. en parle, & dit qu’on l’appella Pharos, à cause du phare qui y fut élevé pour guider les vaisseaux. (D. J.)

PHARPHAR, (Géog. anc.) un des deux fleuves de Damas ; ou plutôt c’est un bras du Barrady ou du Chrysorrhoas, qui arrose la ville & les environs de Damas. Le fleuve de Damas a sa source dans les montagnes du Liban ; étant arrivé près de la ville, il se partage en trois bras, dont l’un traverse Damas : les deux autres arrosent les jardins qui sont tout autour ; puis se réunissant, ils vont se perdre à quatre ou cinq lieues de la ville, du côté du nord.

PHARSALE, Pharsalus, (Géog. anc.) 1o . ville de Thessalie, que certaines cartes attribuent mal-à-propos à l’Estréotide, puisque Strabon, l. IX. la range parmi les villes de la Phthiotide. Elle étoit à six lieues de Larissa, & à l’extrémité d’une plaine très fertile qui a plus de quatre lieues d’étendue. Imaginez-vous, dit la Guilletiere, si je pus traverser cette plaine sans me rappeller que j’étois sur les lieux où César & Pompée terminerent le plus grand différend qui ait jamais troublé l’univers, & que la bataille qu’ils y donnerent renversa la plus puissante de toutes les républiques, & fonda la plus formidable de toutes les monarchies ? Nommez-moi tant de batailles qu’il vous plaira, celle-ci est sans contredit la plus fameuse ; elle se donna 48 ans avant la naissance de Jesus-Christ. C’est cette journée mémorable où, selon Corneille,

Quand les Dieux étonnés sembloient se partager,
Pharsale décida ce qu’ils n’osoient juger.

Pompée ayant perdu la bataille, se retira vers Larissa, comme la ville la plus voisine, où il n’entra pas néanmoins. Le fleuve Enipus arrosoit Pharsale ; & ce fleuve qui se jettoit dans l’Apidenus,

étoit différent de l’Enipus de Macédoine. Appien, l. II. civit. p. 778, rapporte que l’armée de Pompée étoit campée entre la ville de Pharsale & le fleuve Enipée, ce qui semble contredire ce que Strabon, l. IX. avance, que l’Enipée baignoit la ville de Pharsale ; mais comme il y avoit deux villes de ce nom, la nouvelle & la vieille, il est apparent que l’une étoit bâtie sur le bord du fleuve, & que l’autre en étoit peu éloignée.

La bataille entre César & Pompée se donna auprès de la ville de Pharsale, appellée Palæpharsalus par Tite-Live, l. XLIV. c. ij. & c’étoit celle-là, sans doute, qui se trouvoit à quelque distance du fleuve.

2o . Pharsalus étoit nussi un lieu de l’Epire où Cesar arriva avec sa flotte, & où il débarqua ses soldats. Quelques manuscrits, au lieu de Pharsalus, portent Pharsalia : d’autres disent Palestina ; & c’est de cette derniere façon qu’écrit Lucain, l. V. v. 460, en parlant de la sorte de César,

Lapsa Palestinas uncis confixe : arenas.

3o . Il y avoit encore une ville de Pamphylie qui portoit le nom de Pharsalus. (D. J.)

Pharsale, bataille de, (Hist. rom.) nom de cette fameuse bataille qui termina la guerre civile des Romains, & qui se donna l’an 705 de Rome, entre César & Pompée, auprès de Pharsale, ville de Thessalie, voisine de Larisse. Il faut lire, sur cette bataille, Lucain, Denis d’Halicarnasse, l. XLI. Appian l. II. Plutarque, dans la vie de Cesar, Florus, Eutropius, Velleius Paterculus, Ciceron, César, de bello civili, li. I. & II, &c. C’est assez pour moi de faire deux ou trois remarques.

On sait que l’empire ne coûta, pour ainsi dire, à César qu’une heure de tems, & que la bataille de Pharsale en décida. La perte de Pompée, qui périt depuis en Egypte, entraîna celle de son parti ; mais on ne peut assez s’imaginer quels étoient alors le luxe & la mollesse des Romains. Le pauvre officier languissoit dans les honneurs obscurs d’une légion, pendant que les grands tâchoient de couvrir leur lâcheté & d’éblouir le public par la magnificence de leur train, & par l’éclat de leur dépense. Lucain disoit :

Sævior armis
Luxuria incubuit, victumque ulciscitur orbem.

Les jeunes gens ne connoissoient que des chanteuses & des baladines, dont ils faisoient l’objet de leurs ridicules affections ; ils se frisoient comme elles ; ils affectoient même d’imiter le son de leur voix & leur démarche lassive ; ils ne surpassoient ces femmes perdues que par leur mollesse & leur lâcheté. Aussi Jules-César, qui connoissoit la fausse délicatesse de cette jeunesse efféminée qui suivoit le parti de Pompée, ordonna à ses soldats, dans la bataille de Pharsale, au lieu de lancer de loin leurs javelots, de les porter droit au visage : Miles faciem feri. C’est une anecdote que raconte Florus, l. IV. c. ij. & il arriva que ces jeunes gens, idolâtres de leur beauté, prirent la fuite, de peur de s’exposer à être défigurés par des blessures & des cicatrices.

Le luxe & la mollesse régnoient dans leur camp comme à Rome : on voyoit une foule de valets & d’esclaves avec tout l’attirail de la volupté, suivre l’armée comme une autre armée. Pompée étoit ainsi campé délicieusement entre la ville de Pharsale & le fleuve Enipée, dont il tiroit toutes ses provisions. César après avoir forcé son camp, y trouva les tables dressées comme pour des festins. Les buffets, dit-il, de bello civili, lib. V. plioient sous le poids des vases d’or & d’argent. Les tentes étoient ornées de gason verd ; & quelques-unes, comme celles de Lentulus, pour conserver le frais, étoient ombragées de rameaux & de lierre. En un mot, il vit du côté qu’il