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miers y croissent en abondance. Les bufles sauvages y sont communs ; les forêts sont remplies de cerfs, de sangliers, & de chevres sauvages semblables à celles de Sumatra. Les Espagnols y ont apporté de la nouvelle Espagne, du Japon & de la Chine des chevaux & des vaches qui ont beaucoup multiplié.

On tire de ce pays des perles, de l’ambre gris, du coton, de la cire & de la civette. Les montagnes abondent en mines d’or, dont les rivieres charient des paillettes avec leur sable ; mais les Indiens s’attachent peu à les ramasser, dans la crainte qu’ils ont qu’on ne les y force par l’esclavage.

Les principales d’entre les Philippines sont Manille ou Luçon, Mindanao, Ibabao, Leyte, Paragua, Mindoro, Panay, Cébu, Bool & l’île des noirs. Les cartes géographiques mettent toutes les Philippines entre le 132 & le 145 degré de longitude, & leur latitude depuis 5 degrés jusqu’à 20. (Le chevalier de Jaucourt.)

Philippines, les nouvelles, ou les îles de Palaos, (Géog. mod.) îles de la mer des Indes, situées entre les Moluques, les anciennes Philippines & les Mariannes. Le hasard les fit découvrir au commencement de ce siecle par la violence des vents, qui porterent à la pointe de l’île du Samal, une des plus orientales des Philippines, quelques-uns des insulaires qui s’étoient embarqués pour se rendre dans une de leurs propres îles. On en peut voir le récit dans les lettres édifiantes.

Elles nous apprennent qu’on compte plus de quatre-vingt nouvelles îles philippines, qui forment un des beaux archipel de l’Orient & qui sont fort peuplées. Les habitans vont à moitié nuds à cause de la grande chaleur. Ils ne paroissent avoir aucune idée de la divinité, & n’adorent aucune idole. Ils ne connoissent aucun métal, se nourrissent de poissons & de fruits. Ils laissent croître leurs cheveux qui leur flottent sur les épaules. La couleur de leur visage est à-peu-près la même que celle des Indiens des anciennes Philippines ; mais leur langage est entierement différent de tous ceux qu’on parle dans les îles espagnoles, & même dans les îles Mariannes. C’est dommage que nous n’ayons aucune connoissance de ces nouvelles îles & des peuples qui les habitent ; car les Espagnols ont fait jusqu’ici des tentatives inutiles pour y aborder ; les ouragans & les brises qui regnent dans ces mers, ont fait périr tous les vaisseaux qu’ils avoient équipés pour s’y rendre. Long. 145. 160. latit. 2. jusqu’au 11. (D. J.)

PHILIPPIQUES, s. f. plur. (Littérat.) nom qu’on donne aux oraisons ou harangues de Démosthene contre Philippe, roi de Macédoine. Voyez Oraison.

On regarde les philippiques comme les pieces les plus importantes de ce célebre orateur. Longin cite un grand nombre d’exemples du style sublime qu’il tire de ces oraisons, & il en développe parfaitement les beautés. En effet, la véhémence & le pathétique qui faisoient le caractere de Démosthene, ne se produisent nulle part ailleurs avec plus de force que dans ces interrogations pressantes, & dans ces vives apostrophes avec lesquelles il tonnoit contre l’indolence & la mollesse des Athéniens. Quelque délicatesse qu’il y ait dans le discours du même orateur contre Leptines, les philippiques l’emportent encore, soit par la grandeur du sujet, soit par l’occasion qu’elles fournissent à Démosthene de déployer son principal talent, celui d’émouvoir & d’étonner.

Denys d’Halycarnasse met l’oraison sur l’Halonese au nombre des philippiques, & la compte pour la huitieme ; mais quelque respectable que soit l’autorité de ce critique, cette oraison sur l’Halonese n’a ni la force, ni la majesté qui, selon Cicéron, caracterise les philippiques de Démosthene ; aussi les savans la

regardent-ils généralement comme un ouvrage supposé.

Libanius, Photius, & d’autres l’attribuent à Hegésipe, fondés principalement sur la langueur du style & sur la bassesse d’expression qui regnent dans cette piece, & qui sont diamétralement opposées à l’énergie & à la noblesse de l’élocution de Demosthene.

M. de Tourreil a donné une excellente traduction des philippiques de Demosthene ; c’est une chose extraordinaire que de voir tant d’esprit dans une traduction, & de trouver dans une langue moderne une aussi grande partie de la force & de l’énergie de Démosthene, & cela dans une langue aussi foible que la langue françoise.

Tel est le jugement que M. Chambers a porte de la traduction de M. de Tourreil, mais nos meilleurs écrivains en pensent bien différemment.

« On a laisse, dit M. Rollin, dans la derniere traduction de M. de Tourreil, quoique beaucoup plus travaillée & plus correcte que les précédentes, beaucoup d’expressions basses, triviales, & d’un autre côté le style en est quelquefois enfle & empoullé (& il donne des exemple, de l’un & de l’autre) ; défauts, ajoute-t-il, directement opposés au caractere de Démosthene dont l’elocution réunit en même tems beaucoup de simplicité & beaucoup de noblesse. M. de Maucroix en a traduit quelques discours, sa traduction moins correcte en quelques endroits me paroît plus conforme au génie de l’orateur grec ». Traité des études, tome II. page 335.

Cependant cette traduction de M. de Maucroix, selon M. l’abbé Massieu dans sa préface des œuvres de M. de Tourreil, n’est rien moins que parfaite, puisqu’on n’y trouve pas autant de fidélité & de force qu’on y rencontre d’élégance & d’agrément : or qu’est ce qu’une traduction qui manque de fidélité, & qu’est-ce qu’une traduction de Démosthene, surtout quand elle manque de force ?

Le même abbé Massieu, dans des remarques (dont l’original se garde manuscrit à la bibliotheque du roi) sur la seconde édition de M. de Tourreil, parle ainsi de ce dernier traducteur. « Le privilege d’entendre M.de Tourreil n’est pas donné à tout le monde. En beaucoup d’endroits, on doute qu’il s’entende lui-même. Il quitte le sens pour les mots, & le solide pour le brillant. Il aime les épithetes qui emplissent la bouche, les phrases synonymes qui disent trois ou quatre fois la même chose, les expressions singulieres, les figures outrées, & généralement tous ces excès qui sont les écueils des écrivains médiocres. Il ignore sur-tout la naïveté du langage, &c. » Préface de M. l’abbé d’Olivet sur sa traduction des philippiques de Démosthene. Seroit-ce toutes ces qualités qui auroient séduit M. Chambers, & décidé son admiration pour la traduction de M. de Tourreil ?

Il suffira d’ajouter que dans les remarques dont on a parlé, M. l’abbé Massieu compte treize fautes dans la traduction que M. de Tourreil a donné de la premiere philippique, & que le P. Jouvencien compte vingt-neuf dans celle de la premiere. On peut voir ces observations dans un ouvrage de M. l’abbé d’Olivet, intitulé philippiques de Demosthene & catilinaires de Cicéron, imprimé à Paris en 1744, où l’on trouve aussi une traduction latine de la premiere philippique par le P. Jouvenci.

On a aussi donné le nom de philippiques à quatorze oraisons de Cicéron contre Marc-Antoine. C’est Cicéron lui-même qui leur donna ce titre dans une épître à Brutus où il en parle, & la postérité l’a trouve si juste qu’il s’est perpétué jusqu’à nous.

La seconde de ces harangues a toujours été la plus estimée. Juvenal ne craint pas de l’appeller un ouvrage divin.