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tant est de bien connoître les ruses des animaux, & de ne manquer ni d’attention ni de vigilance. On doit bien se garder de décréditer son appât, en y joignant des piéges dès le premier jour. L’odeur du fer devient suspecte à tous les animaux expérimentés, dans les pays où le fer sert communément à leur destruction ; mais comme il est essentiel que les piéges soient couverts de terre ameublie ou de sable, afin que le sentiment en soit dérobé sans que la force du ressort en soit affoiblie, il est nécessaire de parer d’avance les places où les piéges doivent être placés. Il faut que ces places soient disposées de maniere que l’animal en suivant ses allures naturelles passe dessus pour aller à l’appât qu’on lui présente ; lorsqu’il a franchi cet appareil pendant deux ou trois nuits, on peut être raisonnablement assuré qu’avec des piéges bien tendus on en sera maître. La maniere dont on tend le piége doit être proportionnée à la pesanteur de l’animal qu’on cherche à prendre : pour un loup, il peut être tendu assez ferme : il faut beaucoup de légereté pour un renard ; mais pour tous il doit être enterré de maniere que l’odeur n’en perce pas, & ne puisse point distraire l’animal de l’impression que lui fait l’appât qu’il évente. On frotte les piéges pour les dégoûter, de différentes herbes aromatiques, & l’on se sert aussi de la graisse même de l’appât : tout cela est bon, mais à-peu-près inutile, lorsque d’ailleurs toutes les précautions que nous avons indiquées sont bien prises. Quelques tendeurs de piéges sont dans l’usage d’attacher leurs traquenards avec un piquet ; mais par-là on s’expose à voir l’animal au désespoir se couper le pié pour échaper à la mort. La meilleure pratique est de laisser entraîner le piége, avec lequel il ne va jamais fort loin ; on peut seulement l’embarrasser de quelque branche qui en retardant encore plus sa marche, ne lui fait pas perdre entierement l’espérance de parvenir à se cacher. Voilà les principaux élémens de l’art de tendre des piéges ; mais il n’est point de préceptes en ce genre qui puissent dispenser des connoissances, qu’on n’acquiert que par l’usage & l’attention vigilante. Voyez Instinct, Loup, Renard &c. Article de M. Leroi.

PIEMONT, (Géog. mod.) contrée d’Italie, bornée au nord par le Vallais, au midi par le comté de Nice & l’état de Gènes, au levant par le duché de Milan, & au couchant par le Dauphiné. Ses principales rivieres sont le Pô, le Tanaro, la Doria, la Bormia & la Sture.

Les montagnes qui entourent le Piémont abondent en mines d’argent, de fer & de cuivre. Voyez Allionii oryctographia Pedemontana, Taurini, 1757. in-8o.

Les rivieres fournissent des poissons excellens, & les forêts nourrissent quantité de bêtes sauves. Le terroir est fertile en blé, en vins & en fruits ; aussi est-il fort peuplé. Un autre grand avantage du Piémont, est d’avoir une noblesse nombreuse & distinguée, ce qui rend la cour de Turin extrèmement brillante. La religion du pays est la catholique romaine. On y compte plus de trente abbayes, & de riches commanderies.

Le fils aîné du roi de Sardaigne portoit autrefois le titre de prince de Piémont ; il porte aujourd’hui celui de duc de Savoie. Le Piémont comprend le Piémont propre, le duché d’Aoste, la seigneurie de Verceil, le comté d’Ast, le comté de Nice & le marquisat de Salusses : Turin en est la capitale.

La contrée de Piémont qui a le titre de principauté, est une des plus considérables, des plus fertiles & des plus agréables de toute l’Italie. Le nom de Piémont, que l’on rend en latin par celui de Pedemontium, n’est guere usité que depuis six à sept siecles. Il a été occasionné par la situation du pays, au pié des Alpes maritimes, cottiennes & grecques, au milieu desquelles se trouve le Piémont. Autrefois cette con-

trée faisoit partie des plaines de la Ligurie : dans la suite elle fit partie de la Cisalpine ; & après cela elle devint une portion du royaume de Lombardie. Sa longueur peut être de cent vingt mille pas, & sa largeur d’environ quatre-vingt-dix mille.

On croit que le Piemont fut premierement habité par les Umbriens, les Etrusques, & les Liguriens : les Gaulois qui entrerent en Italie, sous la conduite de Brennus & de Bellovese, s’établirent en partie dans ce pays qui dans la suite fut occupé par divers peuples, & partagé entr’eux. Les Liguriens surnommés Statielli habiterent la partie orientale. Les Vagenni, ou Bagienni leur succéderent dans le pays qui est entre le Pô & le Tanaro. Les Taurini s’établirent entre le Pô & la petite Doire, Doria riparia, & s’étendirent dans la suite jusqu’aux Alpes. Les Salassi, divisés en supérieurs & en inférieurs, habiterent entre les deux Doires. Enfin les Libici, Lebui ou Lebetii, occuperent cette partie de la Gaule Cisalpine, qui forme les territoires de Verceil & de Biele entre la grande Doire, Doria baltea, & la Sesia.

Il y a eu anciennement dans cette contrée un grand nombre de villes dont la situation est connue, & dont la plûpart subsistent encore aujourd’hui. De ce nombre sont :

Taurinorum augusta, Turin. Ceba, Ceva.
Eporedia, Ivrée. Verrucium, Verrue.
Vercellæ Libicorum, Verceil. Bardum, Bardo.
Ocella, Usseglio. Augusta proetoria, Aouste.
Cottia, Coazze. Asta pompeia, Asti.
Salatiæ, Salassa. Alba pompeîa, Albe.
Caristium, Cairo. Segusium, Suse.
Mons-Jovis, Mont-Jouet. Careja potentia, Chieri.
Pollentia, Pollenzo, ville ruinée. Augusta Bagiennorum, Benne.

Les anciennes villes dont on connoît le nom, mais dont on ignore la situation, sont, Forum Julii, Forum Vibrii, Iria, Autilia.

Entre les anciennes villes du Piémont, Turin, Aoste, Verceil, Asti, Ivrée & Albe eurent l’avantage de recevoir de bonne heure l’Evangile, & d’avoir des évêques. Depuis l’an 1515, l’évêque de Turin a été élevé à la dignité archiépiscopale. Il se trouve aussi dans le Piémont plusieurs villes décorées du titre de cités ducales. Charles-Emanuel I. du nom, choisit douze de ces villes pour en faire les capitales d’autant de provinces, afin que la justice pût être administrée avec plus d’ordre dans son Piémont. Ces douze villes furent Turin, Ivrée, Asti, Verceil, Montdovi, Salusses, Savigliano, Chieri, Bielle, Suse, Pignerol, Aouste. Il faut enfin remarquer que la plûpart de ces villes sont fortifiées, & que l’on y tient garnison pour la sûreté du pays. (D. J.)

PIENZA, (Géog. mod) en latin Corsinianum, ville d’Italie, en Toscane, dans le Siennois, sur les confins de l’état de l’Église, entre Monte-Pulciano & San-Quirino, Long. 29. 20. lat. 43. 6.

C’est la patrie d’Enée Sylvius, en latin Æneas Sylvius, qui reçut le jour en 1405. Dès qu’il fut parvenu à la papauté, il prit le nom de Pie II. & pour illustrer le lieu de sa naissance, qui s’appelloit auparavant Corsignii, il l’érigea en ville épiscopale suffragante de Sienne ; il la fit nommer Pienza, de son nom de Pie.

Enée Sylvius étoit de l’illustre famille des Picolomini. Sa mere enceinte de lui, songea qu’elle étoit accouchée d’un enfant mitré ; & comme c’étoit alors la coutume de dégrader les clercs en leur mettant une mitre de papier sur la tête, elle crut que son fils seroit la honte de sa famille ; mais la suite justifia le contraire. Cependant les pere & mere d’Enée Sylvius étoient si pauvres, qu’il fallut que leur fils, au sortir de l’école, commençât à gagner son pain par les