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en état de perpétuer dans le royaume l’art qu’il y avoit fait connoître.

Pendant le même tems, Luigi Anichini, & surtout Alexandre Cesari, sur-nommé le Grec, gravoit à Rome avec éclat toutes sortes de sujets sur des pierres fines : le chef-d’œuvre de ce dernier est un camée représentant la tête de Phocion l’athénien. Jacques de Trezzo embellissoit alors l’Escurial par ses ouvrages en ce genre.

Quand l’empereur Rodolphe II. monta sur le trône il protégea les arts, fit fleurir celui de la Gravure en Allemagne dans le dix-septieme siecle, & employa particulierement Gaspard l’Héman, & Miseroni ; mais aucun de ces graveurs n’a pu soutenir le parallele du Coldoré, qui fleurissoit en France vers la fin du seizieme siecle, & qui a vécu jusque sous le regne de Louis XIII. Cependant parmi les graveurs françois, personne n’a mérité cette brillante réputation dont Flavius Sirlet a joui dans Rome jusqu’à sa mort, arrivée le 15 Août 1737 ; on ne connoît aucun graveur moderne qui l’égale pour la finesse de la touche : il nous adonné sur des pierres fines des représentations en petit des plus belles statues antiques qui sont à Rome : le groupe du Laocoon est son chef d’œuvre.

Celui qui se distinguoit dernierement le plus dans cette ville, est le chevalier Charles Costanzi ; il a gravé sur des diamans, pour le roi de Portugal, une Léda, & une tête d’Antinoüs.

Je n’ai point parlé des graveurs qu’a produit l’Angleterre, parce que la plus grande partie sont demeurés fort au-dessous du médiocre ; il faut pourtant excepter Charles Chrétien Reisen qui a mérité une des premieres places parmi les graveurs en creux sur les pierres fines, & qui a eu pour éleve un nommé Claus, mort en 1739, ensuite Smart, & enfin Seaton, qui étoit de nos jours le premier graveur de Londres.

Mais nous avons lieu de regretter un de nos graveurs françois, mort en 1746, & qui faisoit honneur à la nation ; je parle de M. François-Julien Barier, graveur ordinaire du roi en pierres fines, homme de goût, né industrieux, & qui a fait dans l’un & dans l’autre genre de gravure, des ouvrages qui ont assuré sa réputation ; il ne lui manquoit qu’une plus parfaite connoissance du dessein.

M. Jacques Guay qui lui a succédé, ne doit point craindre d’essuyer un pareil reproche ; il dessine très-bien, & modele de même ; il a visité toute l’Italie pour se perfectionner, & a retiré de grands fruits de ses voyages. Il a jetté beaucoup d’esprit sur une cornaline, où il a exprimé en petit, d’après le dessein de M. Bouchardon, le triomphe de Fontenoy.

5°. De la pratique de la gravure en pierres fines. Quand on examine avec attention ce que Pline a dit de la maniere de graver sur les pierres précieuses, on demeure pleinement convaincu que les anciens n’ont point connu d’autres méthodes, que celles qui se pratiquent aujourd’hui. Ils ont dû se servir comme nous du touret, & de ces outils d’acier ou de cuivre, qu’on nomme scies & bouterolles ; & dans l’occasion ils ont pareillement employé la pointe du diamant. Le témoignage de Pline est formel, liv. XXXVII. ch. iv & ch. xiij. ce qui mettra cette vérité dans tout son jour, sera de donner ici la description détaillée de notre maniere de graver ; mais il faut la laisser faire à cet habile auteur notre collegue, qui après avoir puisé chez les artistes tout ce qui concerne les arts, sait les décrire dans cet ouvrage avec des talens au-dessus de mes éloges.

6°. Des pierres gravées factices. L’extrème rareté des pierres précieuses, & le vif empressement avec lequel on les recherchoit dans l’antiquité, ne permettant qu’aux personnes riches d’en avoir, firent

imaginer des moyens pour satisfaire ceux qui manquant de facultés, n’en étoient pas moins possédés du desir de paroître. On employa le verre, on le travailla, on lui allia divers métaux, & en le faisant passer par différens degrés de feu, il n’y eut presque aucune pierre précieuse dont on ne lui fit prendre la couleur & la forme. On a retrouvé ce secret dans le quinzieme siecle, & on est rentré en possession de faire de ces pâtes ou pierres factices, que quelques uns appellent des compositions. Voyez Pate de verre ou Pierre gravée factice.

7°. De la maniere de tirer les empreintes. Pour ce qui regarde les diverses manieres de tirer des empreintes sur les plus belles pierres gravées, voyez le mot Empreinte.

8°. De la conservation des pierres gravées. Un amateur tâche de conserver ses pierres gravées, & a pour cet effet des écrains ou baguiers. Voyez Ecrain.

9°. Des auteurs sur les pierres gravées. Entre un si grand nombre d’auteurs, qui depuis Pline jusqu’à nous ont traité des pierres gravées, nous ne nous proposons ici que de nommer les principaux ; les curieux peuvent recourir à la partie si intéressante du livre de M. Mariette, qui concerne la bibliotheque Dactyliographique : une matiere si seche a pris entre ses mains les graces & les ornemens qu’on ne trouve point ailleurs.

On connoît assez, sur les anneaux des anciens, les ouvrages de Kitschius, de Longus, de Kirchman, de Kornman, & de Liceti ; ils ont tous été réimprimés ensemble à Leyde en 1672 ; le livre de Liceti imprimé à Udine en 1645, in-4°. n’est à la vérité qu’une misérable compilation, & ne peut être lue sans dégoût ; mais en échange on sera fort content de la brochure de Cazalius sur les anneaux & leurs usages.

Antoine le Pois a donné un discours sur les médailles & gravures antiques, Paris 1579, in-4°. avec figures, livre très-curieux, très-bien imprimé, & d’un auteur qui a le premier rompu la glace sur cette matiere. Ce livre estimé n’est pas fort commun ; mais il faut prendre garde s’il se trouve à la page 126 une figure du dieu des jardins, qui en a été arrachée dans plusieurs exemplaires.

Bandelot de Dorival a mis au jour un livre de l’utilité des voyages, &c. Paris 1686, 2 vol. in-12. avec figures, & Rouen 1727, livre utile, intéressant, & dont on ne peut se passer.

Nous avons indiqué au mot Gravure, les ouvrages où l’on enseigne la pratique de cet art : passons aux plus beaux recueils & cabinets de pierres gravées ; voici ceux de la plus grande réputation, publiés en Italie.

Agostini (Leonardo) ; le Gemme, antiche figurate ; Colle, annotazioni di Pietro Bellori, in Roma 1657, in-4o. fig. secunda parte in Roma 1669, in-4o. seconde édition, in Roma 1686, 2 v. in-4°. fig. troisieme édit. mise en latin par Jacques Gronovius, Amstœlod. 1686, 2 vol. in-4°. & à Francher 1694, 2 vol. in-4°. fig.

Léonard Agostini, né à Boccheggiano, dans l’état de Sienne, étoit un connoisseur d’un goût exquis, & il avoit vieilli parmi les antiques ; son recueil est excellent, de même que son discours historique qui sert de préliminaire : il sait joindre l’utile à l’agréable, le goût avec l’érudition. Il eut encore l’avantage de trouver un dessinateur & un graveur habile dans la personne de Jean-Baptiste Gallestruzzi, florentin ; la 2me édition, préférable à la premiere pour l’ordre qui y a été observé & l’amélioration des discours, lui sera toujours inférieure par rapport aux planches. Il n’est pas inutile d’avertir qu’on a employé dans cette édition deux sortes de papiers, & qu’on doit donner la préférence au plus grand papier, car outre que le petit est fort mauvais, l’impression des planches y est trop négligée : l’édition de Hol-