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pain. Il en differe par une ouverture pratiquée à son sommet, & par sa base creusée en maniere d’entonnoir fort évasé. Cette base pavée de briques, communique par un canal à une auge, qui se trouve au-dehors du four. L’auge & le canal sont construits de briques liées avec de la terre grasse. Ce four est inscrit dans une cage quadrangulaire formée par des poutres de pin posées les unes sur les autres, & assemblées par leurs extrémités. L’intervalle qui reste entre le four & la cage doit être bien garni de terre. Après avoir rempli ce four de copeaux enlevés en entaillant les pins, de la paille à travers laquelle le galipot & le barras ont été filtrés, de mottes de terre ramassées sous les pins, & pénétrées du suc qui en a découlé, on met le feu par le trou du sommet : une substance noire & grasse coule bientôt après, & va se rendre dans l’auge. On garnit le feu, & lorsqu’il a brûlé assez long-tems pour que la matiere ait perdu une partie de sa liquidité, & qu’elle se réduise en poudre entre les doigts, ou l’éteint en couvrant l’auge de gazon. On fait couler dans des trous creusés dans le sable ce qui étoit contenu dans l’auge, & on a des pains d’une matiere noire & dure qu’on nomme pégle, nom qui paroît répondre au mot françois poix.

Ces différentes préparations viennent de l’arbre vivant ; il faut le détruire pour avoir le goudron. On le tire de la partie des pins la plus chargée du suc résineux. Le bois propre à donner du goudron est pesant, rouge, & quelquefois transparent en quelque degré, lorsqu’on l’a rendu fort mince. Les pins n’en fournissent point dans toute leur étendue ; & la quantité qu’ils en fournissent, dépend de la nature des terreins. On en trouve par-tout dans les racines des arbres coupés depuis quelques années ; la téde en donne en petite quantité dans les bois les plus avancés vers l’orient ou vers le sud-est, parce que la couche de sable y est moins épaisse, & plus abondamment dans les forêts les plus voisines de la mer. Dans ces mêmes cantons où le sable descend à une plus grande profondeur, les arbres que l’âge, les incendies, ou d’autres accidens ont fait périr, & qui ont demeuré sur pié ou renversé pendant plusieurs années, ont du bois propre à faire du goudron dans presque toute la longueur de leur tige.

On coupe le bois propre au goudron en petites buches de deux piés de longueur, sur un pouce & demi de largeur dans chacune des deux autres dimensions. On le rassemble auprès du four, qui n’est autre chose qu’un aire circulaire de dix-huit ou vingt piés de diametre, pavée de briques creusées en entonnoir, & plus basse d’environ deux piés au centre qu’à la circonférence. Le centre est percé d’un trou qui communique à un canal bâti de brique qui, passant sous le four, va se terminer à une fosse. Autour d’un jeune pin qu’on a fait entrer dans ce trou, & qu’on éleve perpendiculairement, on arrange les buches avec beaucoup de soin, observant qu’un de leurs bouts soit dirigé vers le centre, & l’autre vers la circonférence. Après avoir formé de cette maniere une pile de bois d’environ 20 piés de hauteur ; on la couvre de gazon dans toute son étendue, exceptant seulement une ouverture qu’on laisse au sommet, & on retire le pin autour duquel elle a été construite.

Ce bucher ayant été allumé par son extrémité supérieure, rien n’est plus intéressant que d’empêcher que le feu ne trouve quelque issue. Lorsqu’il menace de se faire jour par quelqu’endroit, on y met aussi-tôt du gazon qu’on a en réserve, & dont on doit être bien fourni.

Il sort d’abord une certaine quantité d’eau rousse, ensuite vient le goudron, c’est-à-dire, cette substance noire, un peu liquide, mais épaisse & gluante, qui est assez connue ; on la reçoit dans des barils

qu’on arrange dans la fosse au-dessous d’une gouttiere qui termine le canal.

On ne se met point en peine de séparer du goudron l’eau qui le précede dans cette distillation lorsqu’il en entre dans les barils. Elle ne lui est point nuisible, à la différence de l’eau commune qui en altéreroit la qualité.

Trois parties de pégles & une partie de goudron mises sur un fourneau dans une chaudiere de fer fondues ensemble & bien écumées, font ce qu’on appelle le brai gras. Cette matiere qui a quelque degré de liquidité, se transporte dans des barils, dans lesquels on l’entoure en le tirant de la chaudiere.

Pin, chenille de, (Insectolog) en latin pithyocampa. Les forêts de pins nourrissent ces fameuses chenilles, qui passent une grande partie de leur vie en société, & qui sont dignes d’attention par la seule quantité & la qualité de la soie dont est fait le nid qu’elles habitent en commun. Cette soie est forte, & les nids sont quelquefois plus gros que la tête d’un homme.

La figure de ces nids est toujours à-peu-près celle d’un cône renversé. Tout l’intérieur est rempli de toiles dirigées en différens sens, lesquelles forment divers logemens qui se communiquent.

Toutes les chenilles de pin sorties des œufs d’un même papillon, travaillent apparemment de concert à se construire un nid peu de tems après qu’elles sont nées. Elles en sortent toutes à la file au lever du soleil pour aller chercher de la pâture ; une trace de soie d’une ligne de large, marque la route qu’elles suivent pour s’éloigner de leur nid ; & elles y reviennent par la même route deux ou trois heures après en être sorties.

Cette chenille n’est guere plus grande & plus grosse dans nos climats que la chenille de grandeur médiocre. Elle est velue, sa peau est noire, & paroît en une infinité d’endroits au-travers des poils. Ceux du dessus du corps sont feuille morte, & ceux des côtés sont blancs ; sa tête est ronde & noire ; elle a seize jambes, dont les membraneuses sont armées de demi-couronnes de crochets ; la peau du ventre est rase, d’un vilain blanchâtre ; ses poils ne portent nulle part des tubercules ; ils tirent leur origine de la peau même.

Ces chenilles, comme la plûpart de celles qui aiment à s’enfoncer en terre pour se métamorphoser, se métamorphosent néanmoins, quoique la terre leur manque.

On leur a attribué une singularité étonnante, celle de ne jamais se transformer en papillon, celle de faire des œufs pendant qu’elles sont chenilles ; ce seroit là un grand prodige dans l’histoire des insectes ; aussi ce prodige merveilleux est-il contraire aux observations.

Mais une autre particularité véritable de ces chenilles, c’est d’avoir sur le dos des especes de stigmates, différens de ceux par lesquels elles respirent l’air ; & qui plus est, de darder visiblement dans certains tems par ces mêmes stigmates des flocons de leurs poils même assez loin. Ils peuvent en tombant sur la peau y causer des démangeaisons, pour peu qu’on ait été près de ces chenilles, mais l’effet en sera bien plus grand si on les a maniées.

Voilà sans doute la cause de l’aversion qu’on porte sur-tout à cette espece de chenille, & qui la fait regarder non-seulement comme venimeuse à toucher, mais encore comme un poison dangereux pour l’intérieur. Quelques modernes en parlent ainsi avec tous les anciens naturalistes ;les uns nous disent qu’elles agissent en vésicatoires sur la peau, comme les cantharides ; & d’autres qu’elles ont un venin encore plus efficace, si on en avaloit mises en poudre ; cette derniere opinion est établie anciennement dans les