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trouvent pris, & alors les deux amis partagent entr’eux le butin.

Ceux qui n’ont pas crû que le crabe prît naissance dans les coquilles du pinna, relevent bien davantage la prudence de ce petit animal, qui pour se loger dans les coquilles des poissons, prend le tems qu’elles sont ouvertes, & a l’adresse d’y jetter un petit caillou pour les empêcher de se refermer & manger le poisson qui est dedans. Mais toutes ces circonstances ressemblent à un grand nombre d’autres rapportées par les anciens naturalistes ; & c’est ce qui a contribué a décrier leurs ouvrages, quoique d’ailleurs ils nous apprennent des choses fort curieuses & fort véritables.

Ce que des modernes nous disent ici des petits crabes qui se logent entre les coquilles du pinna, se détruit sans peine ; car premierement, ces petits animaux se trouvent indifféremment dans toutes les bivalves, comme les huitres & les moules, aussi-bien que dans les coquilles du pinna, où l’on rencontre aussi quelquefois de petits coquillages qui entrent dedans ou qui s’attachent dessus. M. Geoffroy avoit un concha venerea, ce joli coquillage que nous nommons en françois porcelaine, coquille de Vénus, enfermé & vivant dans la coquille d’une pinne. D’ailleurs le poisson de ces coquilles ne vit point de chair, non plus que les moules ou les huitres, mais seulement d’eau & de bourbe ; ainsi l’adresse du petit crabe lui est inutile. Enfin, les petits crabes ne mangent point les poissons des coquilles où ils se logent, puisqu’on y trouve ces poissons sains & entiers, avec les petits crabes qui les accompagnent. Ce n’est donc que le hasard qui jette ces petits animaux dans ces coquilles pendant qu’elles sont ouvertes ; ou bien ils s’y retirent pour s’y mettre à couvert, comme on en trouve souvent dans les trous des éponges & des pierres. Je finis, en observant que si la plûpart des faits singuliers d’histoire naturelle que nous lisons dans divers auteurs, étoient examinés avec attention, il y auroit bien des merveilles détruites ou simplifiées, car on ne sait point assez jusqu’où s’étend le goût fabuleux des hommes, & leur amour pour le singulier. (Le Chevalier de Jaucourt.)

PINNITES, (Hist. nat.) C’est ainsi que l’on nomme les coquilles appellées pinnes marines, lorsqu’elles se trouvent pétrifiées ou ensevelies dans le sein de la terre.

PINOT, s. m. (Hydraul.) est un morceau de fer ou de métal dont le bout est arrondi en pointe pour tourner facilement dans une crapaudine ou dans une virole. On met ordinairement un pinot au bout de l’arbre du rouet d’une pompe, ou au pié des ventaux d’une porte cochere, ou de celles d’une écluse. (K)

PINQUE ou PINKE, s. m. (Marine.) c’est une sorte de flûte, bâtiment de charge fort plat de varangue, & qui a le derriere long & élevé. Pinque est aussi un flibot d’Angleterre.

PINQUIN, voyez Pengouin.

PINSKO ou PINSK, (Géog. mod.) ville ruinée du grand duché de Lithuanie, chef-lieu d’un territoire, & sur la riviere du même nom. Long. 44. 26. latit. 51. 56.

PINTADE, voyez Peintade, s. f. (Ornithol.) Cet oiseau de la côte d’Or, d’Afrique, de Barbarie, de Guinée, de Numidie, de Mauritanie, en un mot de tous ces pays brûlans, étoit fort connu des Romains ; ils l’appelloient avis afra, l’oiseau afriquain. Il ne brille pas par l’éclat de son plumage, mais ses couleurs modestes ne sauroient manquer de contenter les yeux, par la régularité avec laquelle elles sont distribuées. Le pinceau ne peut rien faire de plus exactement symmétrisé ; & c’est aussi de-là que l’oiseau de Numidie a tiré son beau nom de pintade.

On range la pintade sous le genre des poules, d’où

vient qu’on l’appelle la poule de Numidie. Elle a tous les attributs & toutes les qualités des poules, crête, bec, plumage, ponte, couvée, soin de ses petits ; ses caracteres distinctifs ont été indiqués ci-dessus.

Les différences des poules pintades sont fort bien désignées par Varron dans ces paroles, grandes, variæ, gibberæ. Grandes, elles sont effectivement plus grosses que les poules communes. Variæ, leur plumage est tout moucheté : il y en a quelquefois de deux couleurs ; les unes ont des taches noires & blanches, disposées en forme de rhombes, & les autres sont d’un gris plus cendré ; toutes sont blanches sous le ventre, au-dessous & aux extrémités des aîles. Gibberæ ; leur dos en s’élevant forme une espece de bosse, & représente assez naturellement le dos d’une petite tortue ; cette bosse n’est cependant formée que du replis des aîles, car lorsqu’elles sont plumées, il n’y a nulle apparence de bosse sur leur corps ; mais ce qui la fait paroître davantage, c’est que leur queue est courte & recourbée en bas, & non pas élevée & retroussée en haut comme celles des poules communes.

La pintade a le col assez court, fort mince, & légerement couvert d’un duvet. Sa tête est singuliere ; elle n’est point garnie de plumes, mais revétue d’une peau spongieuse, rude & ridée, dont la couleur est d’un blanc bleuâtre ; le sommet est orné d’une petite crête en forme de corne, qui est de la hauteur de cinq à six lignes : c’est une substance cartilagineuse. Gesner la compare au corno du bonnet ducal que porte la doge de Venise ; il y a pourtant de la différence, en ce que le corno du bonnet ducal est incliné sur le devant comme la corne de la licorne, au lieu que la corne de la pintade est un peu inclinée en arriere comme celle du rhinoceros. De la partie inférieure de la tête pend de chaque côté une barbe rouge & charnue, de même nature & de même couleur que la crête des coqs. Sa tête est terminée par un bec trois fois plus gros que celui des poules communes, très-pointu, très-dur, & d’une belle couleur rouge.

La pintade pond & couve de même que les poules ordinaires : ses œufs sont plus petits & moins blancs ; ils tirent un peu sur la couleur de chair, & sont marquetés de points noirs. On ne peut guere accoutumer la pintade à pondre dans le poulailler ; elle cherche le plus épais des haies & des brossailles, où elle pond jusqu’à cent œufs successivement, pourvu qu’on en laisse toujours quelqu’un dans son nid.

On ne permet guere aux pintades domestiques de couver leurs œufs, parce que les meres ne s’y attachent point, & abandonnent souvent leurs petits ; on aime mieux les faire couver par des poules d’inde, ou par des poules communes. Les jeunes pintades ressemblent à des petits perdreaux : leurs piés & leur bec rouge joint à leur plumage, qui est alors d’un gris de perdrix, les rend fort jolies à la vûe. On les nourrit avec du millet ; mais elles sont fort délicates, & très-difficiles à élever.

La pintade est un oiseau extrèmement vif, inquiet & turbulent ; elle court avec une vîtesse extraordinaire, à-peu-près comme la caille & la perdrix, & ne vole pas fort haut ; elle se plaît néanmoins à percher sur les toîts & les arbres, & s’y tient plus volontiers pendant la nuit que dans les poulaillers. Son cri est aigre, perçant, désagréable, & presque continuel : du reste elle est d’humeur querelleuse, & veut être la maîtresse dans la basse-cour. Les plus grosses volailles, & même les poules d’inde, sont forcées de lui céder l’empire. La dureté de son bec, & l’agilité de ses mouvemens, la font redouter de toute la gent volatile.

Sa maniere de combattre est à-peu-près semblable à celle que Salluste attribue aux cavaliers numides : « Leurs charges, dit-il, sont brusques & précipitées ;