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En 1750, M. Watson communiqua à la société royale de Londres, dont il étoit membre, les échantillons de platine apportés par M. Wood, ainsi que quelques expériences qu’il avoit faites sur cette substance nouvelle & inconnue. Voyez les Transactions philosophiques, année 1750.

En 1752, M. Théodore Scheffer lut dans l’académie royale des Sciences de Stockholm, deux mémoires contenant les différentes expériences qu’il avoit eu occasion de faire sur la platine ; mais la petite quantité qu’il avoit reçue de cette substance, ne lui permit pas de pousser ses recherches aussi loin qu’il auroit souhaité. Ce même académicien suédois a encore publié en 1757, un nouveau mémoire sur la platine, dans lequel il releve quelques fautes qui étoient échappées à M. Lewis, savant chimiste anglois, à qui le public est redevable d’une suite complette d’expériences qu’il a insérées dans les Transactions philosophiques de l’année 1754, & dont nous allons donner l’extrait. Ces mémoires contiennent un examen suivi de la substance dont nous parlons : on en a publié en 1758, une traduction françoise, à laquelle on a joint tout ce qui avoit paru jusqu’alors sur la platine, à l’exception du dernier mémoire de M. Scheffer, dont on ne pouvoit avoir connoissance dans le tems de la publication de cet ouvrage, qui a pour titre, la platine, l’or blanc, ou le huitieme métal, & c.

On ne sait point positivement comment la platine se trouve dans le sein de la terre, c’est-à-dire, si elle est par masses ou par filons suivis, comme semble l’indiquer le récit de dom Antonio d’Ulloa. Une personne qui a fait un long séjour parmi les Espagnols de Carthagène en Amérique, m’a assuré n’avoir jamais vû de la platine qu’en particules déliées, ou sous la forme de sable ; & que c’est ainsi qu’on la trouvoit dans le pays où on ramasse cette espece de sable pour en séparer les paillettes d’or qu’il contient, au moyen du mercure. Cependant M. Bomare de Valmont a reçu en Hollande un échantillon de mine qu’on lui a dit être de la platine, dans lequel ce minéral est en masse attachée à une gangue, de même que quelques pyrites le sont à la leur.

Quoi qu’il en soit, la plûpart de la platine qui nous est venue en Europe, est sous la forme de sable, mêlé de particules ferrugineuses noires, attirables par l’aimant, parmi lesquelles on trouve quelquefois des paillettes d’or ; à l’égard de la platine même, elle est en grains blancs, de forme irréguliere, approchant pourtant de la triangulaire, & semblables à des coins dont les angles sont arrondis ; les facettes qui composent les plans de ces triangles ou coins, examinées au microscope, ont paru raboteuses & inégales en quelques endroits, & remplies de petites cavités noirâtres & raboteuses ; quelques-uns de ces grains sont attirables par l’aimant quoique foiblement.

Depuis, M. Lewis a trouvé dans la platine, qu’il a eu occasion d’examiner quelques petites portions d’une substance noire & luisante semblable à du charbon de terre ou à du jayet, & qui mise au feu, en répandoit la fumée & l’odeur. Il y a découvert des petites particules noirâtres, brunes & rougeâtres, semblables à des petits fragmens d’émeri ou d’aimant, dont plusieurs étoient foiblement attirés par l’aimant. Il y a remarqué des petits feuillets minces & transparens, semblables à du spath. Enfin il y a découvert des petits globules de mercure ; de toutes ces observations il conclud que la platine ne nous vient point d’Amérique dans son état naturel, qu’on la tire probablement des mines en grandes masses, que l’on brise ces masses pour les traiter avec le mercure, afin d’en extraire les paillettes & les grains d’or.

Les grains les plus purs de la platine s’étendent assez bien sous le marteau, lorsqu’on les frappe à

petits coups ; cependant ils peuvent se pulvériser dans un mortier de fer à grands coups de pilons, & ces grains après avoir été rougis, sont plus cassans que froids.

On prétend que la pesanteur spécifique de la platine est à celle de l’eau comme 18 est à 1, à en juger par les grains les plus purs, sur lesquels on découvroit pourtant encore au microscope des petites cavités garnies d’une matiere étrangere & noirâtre, même après les avoir lavés & fait bouillir dans de l’eau forte & du sel ammoniac ; d’où l’on peut présumer que si on parvenoit à purifier parfaitement la platine, & à le dégager de toute matiere étrangere, elle auroit peut-être un poids égal ou même supérieur à celui de l’or. Ainsi on ne sait encore rien de certain sur la pesanteur spécifique de cette substance, & elle ne peut être déterminée avec exactitude par la balance hydrostatique, vu que pour la peser de cette maniere, il faudroit pouvoir fondre la platine seule, afin de la réduire en un corps dense & compacte ; mais comme on ne peut la peser que sous la forme d’un sable, ses grains laissent entr’eux de petits intervalles vuides, & occupent un plus grand volume que s’ils étoient en une masse.

L’action du feu le plus violent ne peut point parvenir à faire entrer en fusion la platine seule & sans addition ; quelquefois les petits grains semblent s’unir les uns aux autres, & avoir un commencement de fusion ; mais cela vient des particules ferrugineuses & étrangeres qui sont mêlées avec la platine. Elle ne se fond pas davantage, lorsqu’on y joint tous les fondans usités dans la chimie, tels que les sels alkalis, le flux noir, les matieres inflammables, les verres, le nitre, le soufre, &c. en un mot cette substance résiste au feu le plus violent qu’il soit possible de donner dans les fourneaux ordinaires, & dans les vaisseaux, soit fermés, soit lorsqu’on l’expose au contact immédiat des charbons, soit qu’on y joigne tous les fondans connus. Il ne paroît point que l’on ait encore essayé d’exposer cette substance au miroir ardent. Ainsi que l’or, la platine est dissoute par l’hépar ou le foie de soufre, & par-là elle devient miscible avec l’eau.

La platine ne se dissout nullement dans l’acide vitriolique, soit chaud, soit froid, soit foible, soit concentré ; elle ne se dissout pas plus dans l’acide du sel marin, soit en liqueur, soit appliqué dans toute sa force, comme dans la cémentation, soit concentré, comme il l’est dans le sublimé corrosif. Quand on met en cémentation un alliage d’or & de platine, cette derniere substance ne souffre aucun déchet ; ainsi ce qu’on appelle le cément royal, qui a toujours passé pour purifier l’or de toutes les matieres métalliques étrangeres, est un moyen insuffisant pour dégager l’or de la platine.

La platine résiste pareillement à l’action de l’acide nitreux, de quelque façon qu’on le lui applique.

L’eau régale, de quelque maniere qu’elle ait été faite, dissout la platine, ainsi que l’or. M. Lewis a trouvé qu’une partie de cette substance exigeoit environ 4 parties de ce dissolvant, pour que son entiere dissolution se fasse. Par-là le dissolvant devient d’abord d’une couleur jaune ; à mesure qu’il se charge de platine, il jaunit de plus en plus, & il finit par être d’un rouge brun.

Cette dissolution de la platine évaporée à une chaleur douce, & mise dans un lieu frais, a donné des crystaux presqu’opaques, d’un rouge foncé, feuilletés ; en les lavant avec de l’esprit de vin, la couleur en est devenue plus légere & semblable à celle du saffran ; exposés au feu ces crystaux ont paru se fondre, ils ont répandu de la fumée blanche, & se sont changés en une chaux grisâtre.

La dissolution de la platine dans l’eau régale ne