Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils en eussent ; on donna le nom de cette servitude forcée aux chevaux de poste & aux postillons, lorsque les postes s’établirent chez les Romains. Les Perses appelloient angaries toutes les actions que l’on faisoit par contrainte & avec peine. Les Latins adopterent ce terme angaria, pour signifier une charge personnelle, une corvée & un cheval de poste. Les Romains appelloient la poste cursus publicus ou cursus clavicularis.

Il n’est pas facile de fixer l’époque, ni de citer les personnes qui instituerent l’usage des postes chez les Romains. Selon quelques-uns, lors de l’état populaire, il y avoit des postes sur les grands chemins que l’on appelloit stationes, & les porteurs de paquets en poste statores ; dès-lors ceux qui couroient étoient obligés d’avoir leurs lettres de postes, que l’on appelloit diplomata, sive evectiones, qui leur servoient de passeport pour aller avec les chevaux publics. On trouve dans quelques passages de Cicéron, qu’il donne le nom de stator à ceux qui portoient des paquets en diligence : mais les savans qui sont opposés au sentiment qui fixe dès-lors l’institution des postes romaines, remarquent que Cicéron n’a entendu parler que des messagers qu’il avoit envoyés, parce qu’il a dit statores meos, & non pas statores reipublicæ ; ce qui semble prouver que les couriers, dont parle Cicéron, étoient ses gens gagés par lui, & que ce n’étoient point des hommes au service de la république.

Il est à présumer que comme Auguste fut le principal auteur des grands chemins des provinces, c’est aussi lui qui a donné commencement aux postes romaines, & qui les a affermies. Suétone, en parlant de ce prince, dit que pour faire recevoir plus promptement des nouvelles des différens endroits de son empire, il fit établir des logemens sur les grands chemins, où l’on trouvoit de jeunes hommes destinés aux postes qui n’étoient pas éloignés les uns des autres. Ces jeunes gens couroient à pié avec les paquets de l’empereur qu’ils portoient de l’une des stations à la poste prochaine, où ils en trouvoient d’autres tous prêts à courir, & de mains en mains les paquets arrivoient à leurs adresses.

Peu de tems après, le même Auguste établit des chevaux & des chariots pour faciliter les expéditions. Ses successeurs continuerent le même établissement. Chaque particulier contribuoit aux frais des réparations des grands chemins & de l’entretien des postes, sans qu’aucun s’en pût dispenser, non pas même les vétérans ; les seuls officiers de la chambre du prince appellés præpositi sacri cubiculi, en furent exemtés.

Au reste, on ne pouvoit prendre des chevaux dans les postes publiques sans avoir une permission authentique que l’on appella d’abord diploma, & dans la suite littera evectionum, qui signifie la même chose que nos billets de postes, que l’on est obligé de prendre des commandans dans les grandes villes & dans les places de guerre pour avoir des chevaux ; cet usage s’observoit si exactement qu’au rapport de Capitolin, Pertinax allant en Syrie pour exercer la charge de préfet de cohorte, ayant négligé de prendre des billets de poste, il fut arrêté & condamné par le président de la province à faire le chemin à pié, depuis Antioche jusque au lieu où il devoit exercer sa charge.

Les empereurs, dit Procope, avoient établi des postes sur les grands chemins, afin d’être servis plus promptement, & d’être avertis à tems de tout ce qui se passoit dans l’empire. Il n’y avoit pas moins de cinq postes par journée, & quelquefois huit. On entretenoit quarante chevaux dans chaque poste, & autant de postillons & de palfreniers qu’il étoit nécessaire. Justinien cassa les postes en plusieurs endroits, & sur-tout celles par où l’on alloit de Chalcédoine à

Diacibiza, qui est l’ancienne ville de Lybissa, fameuse par le tombeau d’Annibal, & située dans le golfe de Nicomédie. Le même auteur, pour donner plus de ridicule à Justinien, avance qu’il établit la poste aux ânes en plusieurs endroits du Levant. C’en est assez sur les postes anciennes.

Quant aux postes modernes, je ne m’arrêterai qu’à celles de France, & je remarquerai d’abord qu’elles étoient bien peu de chose avant le regne de Louis XI. L’an 807 de Jesus-Christ, Charlemagne ayant réduit sous son empire l’Italie, l’Allemagne & partie des Espagnes, établit trois postes publiques pour aller & venir dans ces trois provinces. Les frais étoient aux dépens des peuples. Julianus Taboetius jurisconsulte en parle ainsi : Carolus magnus populorum expensis, tres viatorias stationes in Galliâ constituit, anno Christi octingentesimo septimo primam propter Italiam à se devictam, alteram propter Germaniam sub jugum missam ; tertiam propter Hispanias. Mais il y a toute apparence que les postes furent abandonnées sous le regne de Lothaire, Louis, & Charles le Chauve, fils de Louis le Débonnaire & petit-fils de Charlemagne, parce que de leur tems les terres dudit Charlemagne furent divisées en trois, & l’Italie & l’Allemagne séparées de la France.

C’est de Louis XI. que vient proprement l’établissement des postes en France, & non tel qu’il est aujourd’hui en Europe. Il ne fit que rétablir les veredarii de Charlemagne & de l’ancien empire romain. Il fixa en divers endroits des stations des gîtes où les chevaux de poste étoient entretenus. Deux cens trente couriers à ses gages portoient ses ordres incessamment. Les particuliers pouvoient courir avec les chevaux destinés à ces couriers, en payant 10 sols par cheval pour chaque traite de quatre lieues. Les lettres étoient rendues de ville en ville par les couriers du roi. Cette police ne fut long tems connue qu’en France. Philippe de Commines, qui a écrit l’histoire de Louis XI. dit qu’auparavant il n’y avoit jamais eu de postes dans son royaume. Du Tillet, in chronico reg. Franc. en parle de même, & fixe l’institution des postes à l’an de Jesus-Christ 1477 : il écrit que stathmi & diversoria cursoriis equis à rege Ludovico XI. primum in Galliis constituta, ce qui s’entend des postes de France seulement ; car quant à celles instituées par Charlemagne, ce fut en qualité d’empereur qu’il les établit pour l’Occident, & non pour la France.

Pour ce qui est du nom de poste que l’on donne aux couriers publics, Dutillet assûre que Louis XI. voulut qu’on les appellât ainsi, comme pour dire disposés à bien courir, stationarios cursores idiomate gallico postas, quasi bene dispositos ad cursum appellari voluit à græcis ἄγγαροι, cursores regii. Le nom de poste pourroit aussi venir, à positione, sive dispositione equorum cursui publico deputatorum.

L’histoire de Chalcondy le nous apprend que la poste chez les Turcs consiste à expédier des hommes dressés à la course qu’ils envoient à pié, lesquels ont le privilege de faire descendre de cheval ceux qu’ils trouvent sur la route, & personne n’oseroit désobéir s’agissant des affaires du grand-seigneur. Etant ainsi montés sur ces chevaux de hazard, ils les poussent à toute bride jusqu’à ce qu’ils en rencontrent d’autres ; ils font à ceux-ci pareil commandement, & leur laissent leurs chevaux fatigués ; c’est de cette maniere que montés aux dépens d’autrui, ils arrivent au lieu de leur destination, mais cet usage ne se pratique plus, le grand-seigneur a ses chevaux & ses couriers.

Les postes sont établies au Japon & à la Chine. Voyez Postes de la Chine, & Postes du Japon.

Quand les Espagnols découvrirent le Pérou en 1527, ils trouverent un grand chemin de 500 lieues de Cusco jusqu’à Quito, avec des relais d’hommes