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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/209

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simplement possible & purement imaginaire ; l’inégalité du pouls ondulant consiste en ce que les différentes parties de l’artere ne sont pas distendues en même tems & également ; d’abord la premiere partie se distend, ensuite la seconde, après la troisieme, & enfin la quatrieme, de façon qu’il n’y a jamais interruption de mouvement ; ces pulsations imitent des ondes qui se succedent, d’où est venu à ce pouls le nom d’ondulant (ondosus). Galien remarque qu’il y a des ondes qui s’élevent plus haut, & avec plus de force que les autres, ce qu’il est important de remarquer. Si l’on suppose que les pulsations s’affoiblissent & deviennent petites en conservant leur caractere, on aura une idée du pouls vermiculaire, ainsi appellé, parce qu’il imite la marche d’un ver, qui, suivant Démocrite, est assez analogue à celle des ondes. Si on conçoit ce pouls vermiculaire encore rapetissé, de façon qu’à peine les pulsations soient sensibles, ce sera le pouls formicant, qui tire son nom des fourmis qu’il semble représenter ; on diroit dans ce pouls qu’on en sent courir sous le doigt ; ce pouls ne suppose aucune inégalité nécessaire. Il ne devroit par conséquent pas être de cette classe. Galien avance vaguement & sans preuves qu’il est inégal, mais qu’il ne le paroît pas. Inæqualis quidem est, at non videtur. Le pouls caprisant, ainsi appellé par Hérophile, par comparaison avec le saut des chevres, est un des inégaux dans un seul pouls, d’abord intermittent ; & ensuite plus vîte & plus fort qu’auparavant ; il semble que la pulsation qui suit l’intermittence soit comme coupée en deux, & que la seconde partie soit plus élevée, & revienne sur l’autres comme les chevres, qui voulant sauter s’arrêtent, font un effort, & semblent se replier sur elles-mêmes : Avicenne appelle ce pouls gazellant, de la gazelle, qui differe peu des chevres.

L’égalité de fréquence & de rareté ne peut se trouver que dans une suite de pulsations ; il peut varier suivant le plus ou moins de tems qui se trouve entre chaque pulsation : l’inégalité de rythme se rencontre dans le pouls pris collectivement, lorsqu’il n’y a pas la même proportion entre le tems du coup & celui de l’intervalle dans certaines pulsations que dans d’autres. Si par exemple, dans les deux premieres pulsations ces deux tems sont égaux, ou si étant inégaux, ils sont comme 2, 4, ou 4, 6, & qu’ils soient inégaux, on n’observe pas cette proportion dans les deux suivantes, il y aura inégalité de rythme ; on voit par-là combien il seroit facile d’établir & de multiplier mentalement ces différences. Galien veut distinguer une inégalité de rythme dans un seul pouls ou une seule distension ; pour cela il fait tâter le pouls dans plusieurs portions d’artere, & recommande d’attendre une pulsation & demie : ce qui empêchera, dit-il, de regarder cette inégalité comme collective, c’est que la seconde pulsation ne finit pas ; il suffit, selon lui, pour pouvoir savoir son inégalité de rythme, que la distension commence ; car, poursuit-il, si toutes les portions de l’artere commencent à se mouvoir en même tems dans la premiere distension, & que dans la seconde elles ne s’élevent pas toutes dans le même instant, il y aura inégalité de distension, de vitesse & en même tems de rythme, puisque la proportion sera dérangée ; il en sera de même si toutes les parties de l’artere, ayant commencé ensemble la pulsation, ne la finissent pas en même tems ; on pourroit aussi trouver ou imaginer d’autres façons de faire rencontrer l’inégalité de rythme dans une seule distension, ou plutôt dans une distension & demie : ces exemples suffisent pour faire entendre l’idée de Galien, & pour montrer combien la simple spéculation peut augmenter ces classes minutieuses que l’observation renverse en découvrant leur inutilité.

Telles sont les différences que Galien a établies, soit

d’après ses propres observations, soit aussi souvent d’après ses idées ; comme il a senti la difficulté que pourroient avoir ceux qui voudroient vérifier ces faits, il a fait quatre livres, où il développe, ou plutôt où il prétend développer la maniere de reconnoître ces différentes especes de pouls ; il y donne la façon qu’il croit la plus avantageuse pour tâter le pouls, qui est pour l’ordinaire, de presser doucement l’artere du poignet qui est la radiale, avec trois ou quatre doigts, une trop forte pression empêchant le mouvement, & une application trop superficielle ne suffisant pas pour les distinguer, & pour sentir la contraction ; il est des cas cependant où ces deux façons de tâter le pouls peuvent avoir lieu, & sont même préférables. Il a bien compris la difficulté de fixer dans le pouls les termes le grand, de large, de petit, d’étroit, de vite, &c. & il remarque qu’on ne peut connoître que vaguement & à force d’habitude, ces différentes qualités, de la même maniere que lorsqu’on a vu un certain nombre de personnes, on décide assez justement celles qui sont grandes & celles qui sont petites ; mais il n’en est pas de même pour déterminer l’égalité ou l’inégalité ; ces mesures sont constantes & invariables, il n’y a qu’un seul point où se trouve l’égalité parfaite ; savoir, lorsque toutes les qualités des différentes pulsations sont semblables. Le moindre excès d’un côté ou d’autre fait l’inégalité. Pour ce qui regarde la plénitude & la vacuité du pouls, il se moque avec raison d’Archigene, qui prétendoit la rendre plus sensible par la comparaison qu’il en faisoit avec de la laine pleine ou du vin plein : ces mots peu faits pour être ensemble, n’expliquent rien du tout ; ils sont beaucoup plus obscurs que ce qu’ils devoient éclaircir ; l’habitude suffit au reste pour saisir ces différences.

2°. Causes des pouls. Galien fait ici une distinction importante entre les causes de la génération des pouls & les causes de leur altération, les différentes qualités des humeurs, les bains, les passions, &c. peuvent bien altérer les pouls ; mais ces causes ne sauroient les produire ; on avoit dejà beaucoup disputé, du tems de Galien, sur les causes qui concourent effectivement à leur génération ; les uns attribuoient ce mouvement du cœur & des arteres à la chaleur naturelle ; d’autres à la contention : ceux-ci, à une propriété du tempérament : ceux-là le faisoient dépendre de l’ensemble de la structure du corps ; quelques-uns croyoient que l’esprit en étoit la seule cause : quelques-autres joignirent ensemble plusieurs de ces causes ou même toutes. Il y en eut qui imaginerent une faculté incorporelle pour premiere cause, qui se servît de la plûpart, ou même de tous les instrumens dont nous venons de parler, pour produire les pouls. Galien adopte ce dernier sentiment, & ne laisse pas d’admettre cette faculté, quoiqu’il en ignore l’essence, il la croit toujours également forte & puissante, & attribue au vice des instrumens, à la mauvaise disposition du corps, les dérangemens qui arrivent dans la force du pouls : il joint à cette cause effectrice l’usage : par ce mot, il entend l’utilité des pouls pour rafraîchir le sang dans la distension, & pour dissiper dans la contraction les excrémens fuligineux ramassés dans les arteres par l’adustion du sang. C’est son langage vraisemblablement bon dans son tems & dans son pays, que nous ne devons pas trouver plus extraordinaire & plus mauvais que l’idiome anglois en Angleterre. La troisieme cause nécessaire, suivant Galien, est celle qu’on appelloit la cause instrumentale, ou les instrumens, c’est-à-dire, les arteres : la faculté pulsatrice ne prend pas, ainsi que les autres ouvriers méchaniques, les instrumens en-dehors quand elle veut agir ; mais elle s’y applique dans toute leur substance, & les pénetre intimement.

Les différences des pouls se tireront donc de ces trois causes : de la faculté, de l’usage, des instrumens