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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/210

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ou des arteres : la faculté forte fait les pouls véhémens : foible, les pouls languissans ; l’usage plus ou moins pressant les fait varier de différentes façons : l’usage augmente par la chaleur, parce que plus il y a de chaleur, plus aussi le refroidissement est nécessaire ; ainsi dans ce cas la distension qui attire la matiere refroidissante, doit augmenter en grandeur, en vitesse & en fréquence, suivant que la chaleur sera plus ou moins forte ; la contraction qui est destinée à chasser la matiere excrémentitielle, augmentera de même si l’usage est pressant ; si le besoin est grand, c’est-à-dire, pour parler avec lui, s’il y a beaucoup d’excrémens fuligineux, la nature des instrumens changera aussi le pouls ; ainsi l’artere molle fait le pouls mol, & l’artere dure rend les pouls durs ; par où l’on peut voir que l’usage n’a point de pouls bien propres, parce que la faculté plus ou moins forte, l’artere plus ou moins dure, peut les faire varier ; & Galien remarque en conséquence qu’on a eu tort de regarder le pouls grand, vite & fréquent, comme particulier à la chaleur, comme accompagnant toujours la nature, lorsqu’elle est en feu, cùm aduritur ; & de même le pouls n’est pas toujours petit, lent & rare, lorsque la nature s’éteint. On se trompe aussi de croire avec Archigene, que la vitesse vient de la foiblesse, & avec Magnus, qu’elle est produite par la force de la faculté : elle n’est attachée nécessairement ni à l’un ni à l’autre, elle suit pourtant plus ordinairement la force de la faculté, l’abondance de chaleur, ou l’usage pressant & la mollesse de l’artere ; la grandeur du pouls suit assez ordinairement les mêmes causes ; les pouls petits & lents sont par conséquent les effets du concours des causes opposées. La fréquence est plus souvent jointe à la foiblesse de la faculté, à l’abondance de chaleur & à la dureté des instrumens ; la rareté au contraire, &c. Si le besoin étant pressant, l’artere est dure, le pouls ne pourra pas être grand ; alors la vitesse compensera le défaut de grandeur, & la fréquence même surviendra pour compenser ce qui manque à la vitesse pour completer l’usage, en attirant une quantité suffisante de rafraichissement ; on peut par les différentes combinaisons de ces trois causes, trouver tous les pouls possibles. Encore un exemple : foiblesse de la faculté & chaleur excessive doivent faire nécessairement le pouls petit & lent à cause de la foiblesse, mais en même tems très fréquent pour satisfaire à l’activité de la chaleur : faculté forte & peu de chaleur seront suivis d’un pouls modérément grand, rare & lent, l’usage ou le besoin de rafraichissement étant alors très petit à cause du peu de chaleur. L’état des arteres apporte beaucoup de dérangement dans le pouls, & ne contribue pas seulement à sa dureté ou à sa mollesse : ces qualités en entrainent nécessairement d’autres ; ainsi la mollesse de l’artere, pourvu qu’elle ne soit pas portée à l’excès qui supposeroit un relâchement & foiblesse de la faculté, la mollesse, dis-je, fait les pouls mols, grands & vites : grands, parce que les parois plus souples prêtent plus facilement à la distension : vites, parce que cette distension facile exige par-là moins de tems ; la dureté des instrumens, par la raison contraire, produit la dureté, la petitesse & la fréquence : j’ajoute la fréquence, non pas qu’elle soit attachée à la dureté, mais pour satisfaire à l’usage qu’on suppose rester le même, & qui n’est pas rempli par le pouls devenu petit & lent ; on peut voir à présent de soi-même les pouls qui résulteront, en combinant la mollesse, ou la dureté des instrumens, avec la force ou la foiblesse de la faculté, & l’usage plus ou moins pressant ; ces termes peuvent paroître abstraits, étrangers ; mais on s’y familiarise aisément. D’ailleurs il n’est pas possible de faire parler Galien comme un françois & comme un contemporain. Voyez de causis puls. lib. I. Mais comme la même

différence du pouls peut être produite par différentes causes ; la vitesse, par exemple, est, comme on vient de voir, propre à la faculté forte, à la mollesse de l’artere & à l’usage pressant ; on peut demander comment on peut reconnoître la véritable : voici le moyen ; il sera évident, dans l’exemple proposé, que la vitesse sera un effet de la faculté forte, si on voit en même tems le pouls vite & véhément ; s’il est mol, on jugera que la vitesse est dûe à la mollesse de l’artere ; & s’il n’est que vite, on l’attribuera à l’usage pressant. Si ces différentes causes y concourent, on s’appercevra par le changement de grandeur, de fréquence & de vitesse, combien l’usage & le besoin ont de part dans sa formation ; un pouls très-vite, très-fréquent & très-grand dénote un grand besoin, &c. La chaleur se connoit d’ailleurs au tact, à la respiration, à l’haleine, &c.

Les causes de l’inégalité du pouls ne peuvent se tirer que de la faculté & des instrumens ; l’usage ne sauroit produire aucun pouls inégal, parce qu’il ne peut pas varier d’une pulsation à l’autre, & encore moins dans la même pulsation ; l’inégalité suit ordinairement la foiblesse de la faculté, soit qu’elle soit absolue, ou relative à l’abondance des humeurs, à la compression, à l’obstruction ou oppilation des vaisseaux ; alors elle est semblable à un homme robuste, qui chargé d’un pesant fardeau, fait de faux pas, chancelle & marche inégalement ; l’espece de pouls inégal la plus ordinaire alors, sont quelques intermittens surtout, & les intercurrens ; ils sont produits par les efforts de la faculté robuste qui tâche d’emporter les obstacles ; ils sont de tems en tems grands, élevés, & dans cet état ils annoncent une excrétion critique, lorsque la faculté est absolument foible, qu’elle ne peut pas commander à tous les instrumens & agir sur eux : il y en a quelques-uns qui sont sans action, qui boitent, claudicat : ce qui donne lieu à l’inégalité ; mais alors le pouls est foible, petit, lent, & inégal. Les pouls mûrs ou décurtés, & surtout les décurtés manquans, mutila décurtata, sont très-souvent l’effet & le signe de la faculté foible ; si le vice des instrumens, c’est-à-dire leur obstruction ou compression, est jointe à la foiblesse de la faculté, l’inégalité sera beaucoup plus considérable.

Lorsque l’inégalité se trouve dans un seul pouls, que l’artere, par exemple, s’arrête au milieu de sa distension, semble reprendre haleine, respirat, & finit ensuite lentement sa distension ; on doit attribuer cet état à l’usage pressant, & aux efforts que fait la faculté pour le satisfaire, mais qui sont interrompus par l’abondance des humeurs ou la gêne des instrumens : ces pouls peuvent varier de bien des façons, la premiere distension pouvant être plus vite ou plus lente que la seconde, ou modérée, ou égale, & le repos plus ou moins long ; lorsque la faculté est forte, supérieure aux obstacles, & que les vices des instrumens sont fort éloignés des principaux troncs, ils font alors le pouls grand, fort, les deux distensions vites, & le repos intermédiaire très-court ; il en est de même de pouls continus, mais inégaux en vitesse ; pour produire le pouls vibratil, il faut que la faculté soit forte, l’usage pressant & peu satisfait, & l’instrument très-dur ; la dureté de l’instrument peut être occasionnée par quelque irritation, par une tension trop forte, un état spasmodique ou inflammatoire, & aussi par le desséchement des tuniques de l’artere. Le pouls dicrote qui est une espece de vibratil, suppose aussi inégalité d’intempérie dans les arteres, c’est-à-dire, inégale distribution de chaud, de froid, d’humide & de sec dans son tissu, de façon qu’elle ne résiste pas également dans tous les points ; alors une portion d’artere s’élevera avant l’autre, & formera ces deux coups : ce qui peut arriver aussi lorsque les parties environnantes compriment trop