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& inégalement l’artere, & en font ressortir certaines parties plutôt que d’autres. Le pouls caprisant semblable au dicrote par les deux coups, en differe par la cause ; il est produit par une faculté robuste, interrompue dans ses efforts, & empêchée d’avoir son effet total par le trop d’humeurs, la compression ou l’oppilation des arteres, la distension recommence avant que la précédente soit terminée, & elle est plus forte. Les pouls ondulans ont aussi la même cause, abondance d’humeurs, & force de la faculté, auxquelles se joint la mollesse des instrumens ; il semble alors que le pouls soit excité par un fluide, ou un esprit qui coule dans leur cavité (cette remarque auroit bien dû rapprocher Galien de la circulation) la faculté ne pouvant pas élever toutes les parties ensemble, les éleve les unes après les autres ; les vermiculaires sont l’effet de la foiblesse. La même cause jointe à l’intempérie des arteres, donne naissance aux pouls miures, décurtés, innuens ou circumnuens, &c. Les pouls vibrés où l’artere est un peu déjettée, & comme distordue en-dehors, dépendent des causes ordinaires des distorsions, savoir, un froid extremement vif, une grande sécheresse, des inflammations, des skirrhes, des abscès, la génération des tubercules, des tumeurs contre nature, &c. Quant à la maniere dont les inflammations, les spasmes, les irritations des différentes parties agissent pour rendre le pouls dur, convulsif : Galien l’explique très-bien par la sympathie, l’union & la correspondance des nerfs & des arteres établie par le moyen des arteres que le cerveau reçoit du cœur, & par les nerfs qu’il y envoie ; il n’y a, dit-il, après le grand Hippocrate, qu’un concours, qu’une conspiration ; toutes les parties compatissent avec toutes les autres, sans cela notre corps seroit un composé de deux animaux & non pas un seul ; confluxio una, conspiratio una est, omnia omnibus consentiunt, natura communis ; nisi hoc esset, duo animalia esset, non unum, quisque nostrum. Hippocr. lib. de aliment. Galen. de caus. puls. lib. II, cap. xij.

Les inégalités qui naissent dans la longueur, largeur & hauteur des pouls, ont des causes différentes, quoiqu’absolument la largeur & la hauteur ne doivent pas être distinguées, & qu’elles soient les mêmes dans une artere nue & isolée. La faculté forte & la mollesse des instrumens concourent à faire les pouls hauts & larges ; ils sont tels dans la colere & dans ceux qui vont être jugés. La faculté irritée & animée éleve les parois supérieures de l’artere, lorsqu’il n’y a point d’obstacles, & que les autres sont comprimés ; le pouls est large au contraire, lorsque les efforts se font par les côtés, qu’ils ne résistent pas, & que la peau seche est un obstacle à la hauteur du pouls : cela se rencontre souvent dans le tems de crise. La foiblesse peu considérable de la faculté, la maigreur des parties, & la dureté de la peau & des instrumens produisent les pouls longs : je les ai observés très-fréquemment chez des convalescens exténués.

Les changemens qui arrivent dans les rythmes, sont pour l’ordinaire relatifs aux âges, aux tempéramens, ou à quelqu’autre circonstance semblable ; ils dépendent principalement de l’usage auquel se rapportent nécessairement la vitesse, la fréquence & la grandeur des distensions & des contractions ; la proportion qui est entre ces deux mouvemens, doit varier dans les cas où leurs causes s’éloigneront de l’équilibre & de l’égalité ; par exemple, la contraction augmentera dans les enfans qui prennent plus de nourriture, qui font plus d’humeur : les excrémens fuligineux sont plus abondans, & leur excrétion est plus nécessaire ; or, comme nous avons dit plus haut, l’usage de la contraction est de chasser & dissiper ces matieres excrémentitielles, de même que la contraction de la vessie & des intestins exprime & ren-

voie hors du corps les urines & les matieres fécales ;

ce que l’œil nous fait appercevoir dans ces parties, la raison & l’analogie le dictent dans les arteres ; la distension, dont le propre est d’attirer la matiere aërée, rafraîchissante, deviendra plus grande, plus vite, dans les tempéramens vifs, bouillans, dans qui la chaleur est excessive, & par conséquent le besoin de rafraîchissement pressant, & ainsi des autres.

Telles sont les causes qui agissent intérieurement sur le pouls, & dont l’action dérobée au témoignage des sens ne peut s’atteindre que par un raisonnement plus ou moins hypothétique. Galien joint à l’exposition de ces causes intérieures plus prochaines, plus cachées, plus obscures & plus incertaines, le détail des différentes modifications des pouls qu’entraine l’action des différentes causes extérieures dont les effets sont certains, & peuvent être connus par une observation assidue ; mais il n’est pas décidé si Galien s’est servi d’un moyen de connoissance aussi fécond & infaillible pour déterminer ces différentes especes de pouls, ou s’il ne les a pas déduits de ses systèmes antérieurs ; quoiqu’il en soit, ces observations & ses classes se plient très-facilement à sa théorie, & semblent faites exprès pour elles. On peut consulter le troisieme & le quatrieme livre des causes des pouls, l’on y verra les changemens du pouls par rapport aux sexes, aux âges, aux saisons, aux climats, aux tempéramens, aux habitudes, à la grossesse, au sommeil, au réveil, à l’exercice, aux bains chauds & froids, au boire, au manger, aux passions, à la douleur, & à un grand nombre de maladies. Il ne nous est pas possible d’entrer dans un détail aussi circonstancié, & qu’il ne seroit pas possible d’abréger & d’ailleurs inutile au but que nous nous sommes proposé ; nous nous contenterons de faire une remarque qui nous paroît importante, c’est que Galien ne compte point parmi les causes du pouls le mouvement des humeurs ou des esprits dans les arteres, opinion cependant soutenue avant lui par Erasistrate, qui pensoit que ces esprits étoient envoyés par le cœur dans les arteres. Il ne paroît cependant pas ignorer ce mouvement, puisqu’il a fait une expérience très-ingénieuse pour prouver qu’il n’étoit point cause du pouls, & que les arteres ne se distendoient pas, parce qu’elles recevoient les humeurs, mais qu’elles les recevoient, parce qu’elles étoient distendues, comme les soufflets reçoivent l’air, lorsqu’on en écarte les parois, contraires en cela aux outres & aux vessies qui ne se distendent que par l’humeur dont on les remplit ; Galien introduisit un chalumeau dans une artere, & lia fortement les parois au milieu du chalumeau, dans l’instant l’artere au-dessous de la ligature ne battit plus ; cependant le cours des humeurs étoit libre à-travers le chalumeau, l’artere se remplissoit comme à l’ordinaire, & rien ne les empêchoit d’exciter les pouls au-dessous de la ligature : d’où Galien conclud que la force pulsatrice est dans la membrane même des arteres, & absolument indépendante du mouvement du sang & de l’esprit dans leur cavité : conclusion très-juste, très-remarquable, & dont la vérité n’est pas encore assez reconnue.

3°. Présages qu’on peut tirer du pouls. Le pouls peut servir à faire connoître le tems passé, ou les causes, la privation, le derangement actuel qui constitue les maladies ; & le tems à venir, c’est-à-dire l’issue favorable ou mauvaise qu’on doit espérer ou craindre.

Pour déterminer les causes qui ont précédé, il n’y a qu’à se rappeller les changemens que font sur le pouls les différentes causes, tels que nous les avons exposées ci-dessus. Il y a cependant une observation à faire, c’est qu’il y a certains caracteres du pouls qui ne dépendant que d’une seule cause, l’annoncent nécessairement : tels sont les pouls forts ou foibles, durs ou mols, qui dénotent la force ou la foiblesse de la