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crimes commis par des personnes domiciliées.

On peut rapporter aux Romains la premiere institution de ces sortes d’officiers, les Romains ayant des milices destinées à battre la campagne, & pour arrêter les malfaiteurs & les livrer aux juges ; les chefs de ces milices étoient appellés latrunculatores.

En France, les comtes étoient pareillement chargés de veiller à la sûreté des provinces.

Les baillifs & sénéchaux qui leur succéderent furent chargés du même soin. Le prevôt de Paris qui tient le premier rang entre les baillifs avoit pour ce service 220 sergens à cheval qui venoient tous les jours à l’ordre, & une compagnie de cent maîtres qui battoit continuellement la campagne, & à la tête de laquelle il se trouvoit lui-même dans les occasions importantes. Les baillifs & sénéchaux faisoient la même chose chacun dans leur province.

Il n’y avoit jusqu’au tems de François I. que deux maréchaux de France ; ce prince les augmenta jusqu’à quatre. Ils commandoient les armées avec le connétable, comme ses lieutenans, & en chef lorsqu’il étoit absent. La jurisdiction militaire attachée à ce commandement étoit exercée sous leur autorité par un prevôt qui devoit être gentilhomme, & avoit commandé ; il étoit à la suite des armées ; & en tems de paix, il n’avoit point de fonction.

Charles VI. fixa ce prevôt des maréchaux à la suite de la cour d’autant que sous son regne la cour ne fut presque point séparée de l’armée. Cet arrangement subsista sous les regnes suivans, on a même fait de ce prevôt des maréchaux l’un des grands officiers de la couronne sous le titre de grand-prevôt de France.

Cet officier unique ne pouvant veiller sur toutes les troupes qui étoient tant en garnison qu’à l’armée, envoyoit de côté & d’autre ses lieutenans, pour informer des excès commis par les gens de guerre.

Louis XI. permit en 1494 au prevôt des maréchaux de commettre en chaque province un gentilhomme pour le représenter avec pouvoir d’assembler, selon les occasions, les autres nobles & autres gens du pays pour s’opposer aux gens de guerre, aventuriers & vagabonds débandés des armées, courant les champs, volant & opprimant le peuple, les prendre & saisir au corps, & les rendre aux baillifs & sénéchaux pour en faire justice.

Dans la suite ces commissions furent érigées en offices pour diverses provinces, tellement que vers la fin du regne de Louis XI. il ne resta presque aucune province qui n’eut un prevôt des maréchaux.

Chacun de ces prevôts eut la liberté de se choisir des lieutenans, & un certain nombre d’archers pour servir sous ses ordres.

Dans les grands gouvernemens, tels que ceux de Guyenne, Normandie, Picardie, les prevôts des maréchaux prirent le titre de prevôts généraux avec le surnom de la province ; ceux des moindres provinces furent simplement prevôt d’un tel lieu ; on les appella prevôts provinciaux.

Ils n’avoient d’abord de jurisdiction que sur les gens de guerre, suivant l’édit de François I. du mois de Janvier 1514 : en 1536 & 1537, il y eut des lettres qui leur attribuerent jurisdiction sur les voleurs, vagabonds, & dans cas appellés depuis prevôtaux ; mais ces commissions n’étoient que pour un tems.

Ce ne fut que par un édit du 3 Octobre 1544 que François I. accorda pour la premiere fois aux prevôts des maréchaux par concurrence & prévention avec les baillifs & sénéchaux, la justice, correction & punition des gens de guerre qui desemparoient le service ou les garnisons, & de tous les vagabonds & autres malfaiteurs qui tiennent les champs, & y commettent des vols, des violences ou autres semblables crimes.

Il rétablit en 1546 un prevôt des maréchaux pour la ville, prevôté, vicomté & élection de Paris, & pour

les élections de Senlis, Beauvais, Clermont, Montfort-Lamaury & Estampes.

Les prevôts des marchands étant ainsi obligés de résider dans leurs provinces ; on établit d’autres prevôts des maréchaux pour la suite des troupes ; ce sont ceux qu’on appelle prevôts de l’armée.

Le prevôt général de Guyenne ayant négligé ses fonctions, son office fut supprimé ; on créa en sa place trois vice-sénéchaux, à chacun desquels on donna pour département une partie de la Guienne.

Il y eut encore de semblables offices établis dans quelques autres sénéchaussées sous le même titre de vice-sénéchaux, & dans quelques bailliages sous le titre de vice-bailliss ; présentement ils ont tous le titre de prevôt des maréchaux.

Les prevôts provinciaux ou particuliers furent supprimés par l’édit du mois de Novembre 1544 ; il y en eut pourtant depuis quelques-uns de rétablis, mais présentement il n’y en a plus, si ce n’est dans la province de Bourgogne.

Les prevôts généraux des maréchaux, qui sont présentement au nombre de trente-un, ont tous le titre d’écuyer & de conseillers du roi, avec voix délibérative dans les affaires de leur compétence, quand ils ne seroient pas gradués.

Ils ont rang & séance aux présidiaux après le lieutenant-criminel du siege.

Il ne peuvent posseder en même tems aucun autre office.

Pour les fautes qu’ils peuvent commettre dans leurs fonctions, ils ne sont justiciables que du parlement.

Ils ont ordinairement un assesseur pour leur servir de conseil, & quelquefois aussi un lieutenant. Il y a aussi en quelques endroits un procureur du roi pour la jurisdiction de la maréchaussée ; ailleurs c’est le procureur du roi au présidial qui fait cette fonction.

La compétence & les fonctions des prevôts des maréchaux ont été fixées par divers réglemens, notamment par des lettres-patentes du 5 Février 1549, 14 Octobre 1563, Août 1564, ordonnance de Moulins en 1566, par l’ordonnance criminelle de 1670, enfin, par la déclaration du 5 Février 1731, qui forme le dernier état sur cette matiere.

Suivant cette déclaration, ils connoissent de tous crimes commis par vagabonds & gens sans aveu, qui n’ont ni profession, ni métier, ni domicile certain, ni bien pour subsister, & ne peuvent être avoués, ni faire certifier de leurs bonnes vie & mœurs. Ils doivent arrêter les gens de cette qualité, quand ils ne seroient prévenus d’aucun autre crime ou délit, pour leur être leur procès fait suivant les ordonnances. Ils doivent aussi arrêter les mendians valides de la même qualité.

Ils connoissent aussi des crimes commis par ceux qui ont été condamnés à peine corporelle, bannissement, ou amende honorable, mais non de l’infraction de ban, si ce n’est que la peine en eût été par eux prononcée.

Ils ont aussi la connoissance de tous excès, oppressions, ou autres crimes commis par gens de guerre, tant dans leur marche que dans les lieux d’étapes, ou d’assemblée, ou de séjour pendant leur marche ; des déserteurs d’armée, de ceux qui les auroient suborné, ou qui auroient favorisé ladite désertion, quand même les accusés de ce crime ne seroient pas gens de guerre.

Tous les crimes dont on vient de parler, qui ne sont prevôtaux que par la qualité des personnes, sont de la compétence des prevôts des maréchaux, quand même ces crimes seroient commis dans les villes de leur résidence.

Outre ces cas prevôtaux par la qualité des personnes, ils connoissent de ceux qui sont prevôtaux par