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l’homme en manteau est un poëte engastrimythe, ou un interprete des oracles que rendoit le trépié d’Apollon ; & la machine qu’on voit derriere lui est effectivement un trépié.

On retire beaucoup d’utilité de l’étude des monumens antiques ; c’est pourquoi je me suis étendu sur celui-ci qui est de la plus grande beauté, & dont l’explication a exercé le génie & les écarts de l’imagination de tant de savans hommes, car ce genre d’étude est un champ vaste aux conjectures de ceux qui veulent s’y donner carriere. D’ailleurs, quelqu’opposées que les conjectures soient entr’elles, pour peu qu’elles soient ingénieuses, & qu’on sache les appuyer d’autorités & de passages des anciens, elles ne manquent guere de procurer à leurs auteurs la réputation qu’ils en esperent ; réputation qu’acquierent plus difficilement ceux qui s’attachent à des sciences qui demandent quelque chose de plus que des conjectures & des vraissemblances. (Le chevalier de Jaucourt.)

PRIER, v. act. (Gram.) c’est solliciter une chose qu’on regarde comme une grace, de quelqu’un qui par conséquent peut refuser sans injustice. Prier quand on a droit de demander, c’est soupçonner ou accuser celui qu’on prie d’injustice ; c’est souvent s’avilir soi-même. On prie Dieu, on prie le roi, on prie sa maîtresse, son ami. Le moment de la priere est celui de la puissance d’un côté, & de l’indigence de l’autre.

On prie un homme de se deshonorer ou à ses yeux ou aux yeux des autres, quand la chose dont on le prie est indue, injuste, illicite, deshonnête.

PRIERE, s. f. (Théol.) c’est la forme par laquelle on demande à Dieu de nouvelles graces, ou on le remercie de celles qu’on a reçues de lui. Voyez Culte.

Les Théologiens distinguent ordinairement deux sortes de prieres, l’une vocale, & l’autre mentale. La priere vocale est celle qui consiste en mots & en sons que l’on forme avec les levres ; la priere ou l’oraison mentale est celle qu’on forme intérieurement dans son esprit, sans s’exprimer par des paroles. On peut rapporter à cette seconde espece l’oraison jaculatoire, qui est celle qui se fait en élevant son esprit vivement vers Dieu, sans étude, sans ordre, sans méthode.

Les théologiens mystiques distinguent encore la priere en oraison préméditée, & oraison faite sur-le-champ. La premiere est celle qui comprend toutes les formes, soit publiques, soit particulieres, par lesquelles l’esprit est dirigé dans la maniere, l’ordre, l’expression de ses demandes ou de ses actions de graces. La seconde est celle où l’esprit laissé à lui-même, dispose à son gré la matiere, la maniere & les mots propres à la priere.

Les Protestans n’adressent leurs prieres qu’à Dieu & à Jesus-Christ. Les Catholiques ne prient également que Dieu & Jesus-Christ, & Dieu le pere par Jesus-Christ ; & s’ils adressent des prieres à la sainte Vierge & aux Saints, c’est comme à des puissans intercesseurs auprès de Dieu, & non comme à des médiateurs, ni dans l’intention de déroger à la médiation de Jesus-Christ. Voyez Invocation & Saints.

Priere, (Critiq. sacr.) Ce mot se prend, 1°. dans l’Ecriture pour demande, oraison, supplication à Dieu, obsecratio, oratio, postulatio, I. Tim. ij. 1. car tous ces mots sont synonymes. 2°. Ce terme désigne le lieu ordinaire de la priere. On lit dans les Actes, xvj. 13, nous sortîmes hors de la ville, & nous allames proche de la riviere, où étoit le lieu de la priere, ubi videbatur oratio esse. C’étoit une espece de chapelle ou d’oratoire appellé proseughe, où les Juifs, au défaut de synagogue, s’assembloient pour prier.

On a fort bien censuré la longueur des prieres de ce peuple, leurs répétitions, & les gestes dont ils les

accompagnoient, mais on n’a pas aussi-bien réussi à exposer judicieusement la vraie nature de cet acte. Il me semble, sans m’ériger en théologien, qu’à suivre l’idée que Jesus-Christ nous en a donnée, & qui est si parfaitement remplie dans le modele qu’il en a tracé à ses disciples, que la priere n’est autre chose qu’une effusion calme & seraine, accompagnée des sentimens & des desirs qu’un cœur sincere doit concevoir en adressant ses vœux au Créateur. Mais les hommes ont si curieusement rafiné sur ce sujet, en réduisant la priere en art, & en multipliant à l’infini leurs méthodes, que le mot de priere est enfin parvenu à signifier de la passion & du transport ; ensorte que des gens pieux se trouvent dans la meilleure disposition du monde, & ne se croient pas cependant assez enflammés de dévotion pour oser prier. Mille bonnes ames ont été jettées par cette erreur dans de grands scrupules, & ont douté d’avoir les dispositions nécessaires pour adresser au créateur leurs oraisons, parce qu’elles ne se sentoient pas un degré suffisant de ce divin enthousiasme, qui n’a pas plus de rapport au devoir de la priere, qu’une fievre en a avec la sincérité des protestations que fait un sujet à un prince de la terre. (D. J.)

Prieres des Juifs, (Critique sacrée.) Les prieres des Juifs forment avec la lecture de l’Ecriture & l’explication de la loi, le service de la synagogue. Ils ont dans leurs liturgies dix-huit prieres principales, qu’ils prétendent avoir été composées & établies par Esdras, & par la grande synagogue. Rabbi Gamaliel, d’autres disent Rabbi Samuel le Petit, un de ses éleves, en fit une dix-neuvieme contre les Chrétiens, un peu avant la ruine de Jérusalem ; mais pour les dix-huit autres prieres, il est certain qu’elles sont d’une grande antiquité ; car la misna en parle comme d’un formulaire fort ancien. On les trouvera recueillies dans l’excellente histoire des Juifs de M. Prideaux, I. part. liv. VI.

Il est vrai que quelques-unes de ces prieres paroissent n’avoir été composées que depuis la destruction de Jérusalem, à laquelle il semble qu’elles font une allusion visible, sur-tout la 10, la 11, la 14 & la 17. Mais il n’est pourtant point impossible que ces traits ne regardent quelque autre calamité, car la nation en a essuyé de très-grandes. Après tout, on ne sauroit douter que la plûpart de ces dix-huit prieres ne fussent en usage du tems de Notre-Seigneur, & qu’il ne les ait offertes à Dieu conjointement avec le reste de l’assemblée, quand il se trouvoit dans la synagogue, comme il ne manquoit pas de s’y rendre au-moins tous les jours du sabat. Il connoissoit mieux que personne la sécheresse & l’imperfection de ces prieres, cependant il n’en critiqua point la forme, & se contenta de donner lui-même à ses disciples un autre modele plus parfait.

Mais les Juifs entêtés de l’excellence de leur formulaire, l’ont toujours conservé, ordonnant à toutes les personnes parvenues à l’âge de discernement, sans distinction de sexe ni de condition, d’offrir un certain nombre de ces dix-neuf prieres à Dieu le matin, vers le midi, & sur le soir. Tous les jours d’assemblée on les lit solemnellement dans leurs synagogues ; elles sont dans leur office comme l’oraison dominicale est dans les liturgies chrétiennes, c’est-à-dire comme la base & le fondement de tout le reste ; car ils ont encore plusieurs autres prieres qui se lisent avant, entre, après celles-ci, ce qui rend leur service fort long. Notre-Seigneur les reprit autrefois de cette longueur déja excessive de son tems. Matthieu, xxiij. 14. Marc, xij. 14. Luc, xx. 27. Cependant loin de se corriger, les additions qu’ils ont faites depuis à leurs liturgies, ont encore augmenté ce défaut. (D. J.)

Priere pour les morts, (Hist. & Critiq. sacr.)