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tain ; conséquemment l’ordre des opérations & des procédés doit être déterminé par la succession qu’on peut souhaiter des altérations d’un objet quelconque. (D. J.)

PROCEDER, v. n. (Gramm.) c’est venir, dériver, tirer son origine. Le Saint-Esprit procede du Pere & du Fils. On ne sait d’où procedent ces troubles. Se comporter d’une certaine maniere ; procédez dans toute occasion avec noblesse & franchise. Avancer, continuer une affaire commencée ; procédons maintenant à l’examen des chefs que nous avons laissés en arriere. Suivre une action au palais selon les formes prescrites ; il est défendu de procéder ailleurs que par-devant ce tribunal.

PROCÉDURE, s. f. (Jurisprudence.) est l’instruction judiciaire d’un procès, soit civil ou criminel.

On comprend conséquemment sous ce terme tous les actes qui se font, soit par le ministere d’un huissier, ou par celui d’un procureur, tant pour introduire la demande, que pour établir le pouvoir du procureur, les qualités des parties pour la communication respective des titres, pieces, & procédures ; enfin, pour l’établissement des moyens, & pour parvenir à un jugement, soit définitif, ou du-moins préparatoire, ou interlocutoire.

Ainsi les exploits de demande ou ajournement, les cédules de présentation, les actes d’occuper, les exceptions, défenses, repliques, sommations de procureur à procureur, & autres actes semblables, sont des procédures.

Les jugemens par défaut, ne sont même quelquefois considérés que comme de simples procédures, lorsqu’ils sont susceptibles de l’opposition, à cause qu’ils peuvent être détruits par cette voie.

La matiere du procès, & les moyens qui établissent le droit des parties, sont ce que l’on appelle le fond ; au lieu que la procédure s’appelle la forme, & comme il est essentiel de bien instruire un procès, parce que la négligence d’une partie, ou de ceux qui instrumentent pour elle, & les vices qui se glissent dans la procédure, peuvent opérer la déchéance de l’action ; c’est ce qui fait dire que la forme emporte le fond.

La procédure a été introduite pour l’instruction respective des parties litigantes, & aussi pour instruire régulierement les juges de ce qui fait l’objet du procès.

Il n’y a pourtant pas eu toujours autant de procédures en usage, qu’il y en a présentement.

Chez les anciens la forme de l’administration de la justice étoit beaucoup plus simple ; mais si la procédure ou instruction étoit moins dispendieuse & l’expédition de la justice plus prompte, elle n’en étoit pas toujours plus parfaite ; le bon droit étoit souvent étouffé, parce qu’il n’y avoit point de regles certaines pour le faire connoître, & que l’expédition dépendoit du caprice des juges.

C’est pour remédier à ces inconvéniens, que les procédures ont été inventées.

En effet, il n’y a aucun acte dans l’ordre de la procédure, qui n’ait son objet particulier, & qui ne puisse être nécessaire, soit pour donner à une partie le tems de se défendre, soit pour faire renvoyer l’affaire devant les juges qui en doivent connoître, soit pour procurer aux parties les éclaircissemens dont elles ont besoin, soit pour instruire la religion des juges ; & si l’on voit souvent des procédures inutiles & abusives, c’est un vice qui ne vient pas de la forme que l’on a établie, mais plutôt de l’impéritie ou de la mauvaise foi de quelques parties ou praticiens qui abusent de la forme, pour empêcher le cours de la justice.

On ne peut douter qu’il y avoit des formes judiciaires établies chez les Grecs, puisque l’on en trouve chez les Romains dans la loi des douze tables,

dont les dispositions furent empruntées des Grecs.

Ces formes étoient des plus singulieres, par exemple, la premiere que l’on observoit avant de commencer les procédures civiles, étoit que les parties comparoissoient devant le préteur ; là, dans la posture de deux personnes qui se battent, elles croisoient deux baguettes qu’elles tenoient entre les mains : c’étoit-là le signal des procédures qui devoient suivre. Ce qui a fait penser à Hotman, que les premiers Romains vuidoient leurs procès à la pointe de l’épée.

Indépendamment de ce qui étoit porté par la loi des douze tables pour la maniere d’intenter les procédures civiles ou criminelles, on introduisit beaucoup d’autres formules, appellées legis actiones, qui étoient la même chose que ce que la procédure & le style sont parmi nous. On étoit obligé d’observer les termes de ces formules avec tant de rigueur, que l’omission d’un seul de ces termes essentiels, faisoit perdre la cause à celui qui l’avoit omis.

Ces anciennes formules furent la plûpart abrogées par Théodose le jeune ; cependant plusieurs auteurs se sont empressés d’en rassembler les fragmens ; le recueil le plus complet est celui que le président Brisson en a donné sous le titre de formulis & solemnibus populi romani verbis. Ces formules regardent non-seulement les actes & la procédure, mais aussi la religion & l’art militaire.

A mesure que les anciennes formules tomberent en non-usage, on en introduisit de nouvelles plus simples & plus claires ; il y avoit des appariteurs qui faisoient les actes que font aujourd’hui les sergens & huissiers, des procureurs ad lites, que l’on appelloit cognitores juris, & des avocats. Ainsi l’on ne peut douter qu’il y eût toujours chez les Romains des formes judiciaires pour procéder en justice.

La procédure usitée chez les Romains dut probablement être pratiquée dans les Gaules, lorsqu’ils en eurent fait la conquête, vu que tous les officiers publics étoient romains, & que les Gaulois s’accoutumerent d’eux-mêmes à suivre les mœurs des vainqueurs.

Lorsque les Francs eurent à leur tour conquis les Gaules sur les Romains, il se fit un mélange de la pratique romaine avec celle des Francs. C’est ainsi qu’au lieu des preuves juridiques, on introduisit en France l’épreuve du duel, coutume barbare qui venoit du Nord.

Dans ces premiers tems de la monarchie, la justice se rendoit militairement ; il y avoit pourtant quelques formes pour l’instruction, mais elles étoient fort simples, & en même tems fort grossieres. Il y avoit des avocats & des sergens, mais on ne se servoit point du ministere des procureurs ad lites ; il étoit même défendu de plaider par procureur ; les parties étoient obligées de comparoître en personne.

Ce ne fut que du tems de saint Louis, que l’on commença à permettre aux parties de plaider par procureur en certains cas, en observant à cet effet des lettres du prince.

Ces permissions devinrent peu-à-peu plus fréquentes, jusqu’à ce qu’enfin il fut permis à chacun de plaider par procureur, & que l’on établit des procureurs en titre.

Depuis qu’il y eut des procureurs ad lites, les procédures furent beaucoup multipliées, parce que l’instruction se fit plus régulierement.

La plus ancienne ordonnance que nous ayons, où l’on trouve quelques regles prescrites pour l’ordre de la procédure, ce sont les établissemens faits par saint Louis en 1270.

Les principales ordonnances qui ont été faites depuis sur le même objet, sont celles de 1493, de 1535, de 1536, 1539, 1560, 1563, 1566, 1579.