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De-là on doit tirer ces deux regles.

1. Les propositions universelles affirmatives se peuvent convertir, en ajoutant une marque de particularité à l’attribut devenu sujet.

2. Les propositions particulieres affirmatives se doivent convertir sans aucune addition ni changement.

Ces deux regles peuvent se réduire à une seule qui les comprendra toutes deux.

L’attribut étant restreint par le sujet dans toutes les propositions affirmatives, si on veut le faire devenir sujet, il lui faut conserver sa restriction ; & par conséquent lui donner une marque de particularité, soit que le premier sujet fût universel, soit qu’il fût particulier.

Néanmoins il arrive assez souvent que des propositions universelles affirmatives se peuvent convertir en d’autres universelles. Mais c’est seulement lorsque l’attribut n’a pas de soi-même plus d’étendue que le sujet, comme lorsqu’on affirme la différence ou le propre de l’espece, ou la définition du défini. Car alors l’attribut n’étant point restreint, se peut prendre dans la conversion aussi généralement que le premier sujet.

La nature d’une proposition négative ne se peut exprimer plus clairement, qu’en disant que c’est concevoir qu’une chose n’est pas une autre. Mais afin qu’une chose ne soit pas une autre, il n’est pas nécessaire qu’elle n’ait rien de commun avec elle ; mais il suffit qu’elle n’ait pas tout ce que l’autre a, comme il suffit, afin qu’une bête ne soit pas homme, qu’elle n’ait pas tout ce qu’a l’homme ; & il n’est pas nécessaire qu’elle n’ait rien de ce qui est dans l’homme : & de-là on peut tirer cet axiome.

La proposition négative ne sépare pas du sujet toutes les parties contenues dans la compréhension de l’attribut ; mais elle sépare seulement l’idée totale & entiere composée de tous ces attributs unis. Si je dis que la matiere n’est pas une substance qui pense, je ne dis pas pour cela qu’elle n’est pas substance pensante, qui est l’idée totale & entiere que je nie de la matiere.

Il en est tout au contraire, de l’extension de l’idée ; car la proposition négative sépare du sujet l’idée de l’attribut selon toute son extension ; & la raison en est claire ; car être sujet d’une idée & être contenu dans son extension, n’est autre chose qu’enfermer cette idée : & par conséquent, quand on dit qu’une idée n’en enferme pas une autre, on dit qu’elle n’est pas un des sujets de cette idée. Ainsi si je dis que l’homme n’est pas un être insensible, je veux-dire qu’il n’est aucun des êtres insensibles ; & par conséquent je les sépare tous de lui. De-là cet axiome : l’attribut d’une proposition négative est toujours pris généralement.

Comme il est impossible qu’on sépare deux choses totalement, que cette séparation ne soit mutuelle & réciproque, il est clair que si je dis que nul homme n’est pierre, je puis dire aussi que nulle pierre est homme. De-là il suit que les propositions universelles négatives se peuvent convertir simplement en changeant l’attribut en sujet, en conservant à l’attribut devenu sujet, la même universalité qu’avoit le premier sujet ; car l’attribut dans les propositions négatives est toujours pris universellement, parce qu’il est nié selon toute son étendue.

Mais par cette même raison, on ne peut faire de conversion des propositions négatives particulieres ; & on ne peut pas dire, par exemple, que quelque médecin n’est pas homme, parce que l’on dit que quelque homme n’est pas médecin. Cela vient de la nature même de la négation, qui est que dans les propositions négatives, l’attribut est toujours pris universellement, & selon toute son extension ; de sorte que lorsqu’un sujet particulier devient attribut par la con-

version dans une proposition négative particuliere, il

devient universel & change de nature contre les regles de la véritable conversion, qui ne doit point changer la restriction ou l’étendue des termes : dans cette proposition, quelque homme n’est pas médecin ; ce terme d’homme est pris particulierement ; mais dans cette fausse conversion, quelque médecin n’est pas homme, le mot d’homme est pris universellement.

Dans les propositions composées de deux parties, dont l’une est la conséquence de l’autre, ou tout au moins regardée comme telle, on a un caractere pour reconnoître la vérité ou la fausseté d’une proposition converse. Si la conséquence redonne nécessairement l’hypothese, la converse est vraie, mais elle est fausse lorsque l’hypothese n’est pas une suite nécessaire de la conséquence. Par exemple, cette proposition, si l’on tire une diagonale os dans un parallélograme AoDs, ce parallélograme sera divisé en deux parties égales, a deux parties ; la premiere où l’on suppose que l’on tire une diagonale dans un parallélograme ; & la seconde, que l’on regarde comme une suite de la premiere, c’est que ce parallélogramme sera divisé en deux parties égales. Ainsi pour avoir la converse de cette proposition, mettons en supposition la seconde partie : supposons qu’un parallélogramme soit divisé en deux parties égales ; si l’on vouloit en déduire que ce parallélogramme ne pût être ainsi divisé que par une diagonale, ce seroit la converse de la premiere proposition ; mais cette converse seroit très-fausse, parce qu’un parallélogramme peut être divisé en deux parties égales par la ligne MN tirée par le milieu des côtés AsoD, & cette ligne MN n’est pas une diagonale. Les Géometres appellent la premiere partie d’une proposition l’hypothese, c’est-à-dire les suppositions ou les données, d’où l’on déduit ce que l’on se propose d’établir. Pareillement cette proposition, s’il fait jour il fait clair, ne peut être convertie par celle-ci, s’il fait clair il fait jour, parce que cette conséquence il fait jour ne redonne point nécessairement cette hypothese il fait clair, puisqu’il pourroit faire clair sans qu’il fît jour.

On ne sauroit aussi convertir une proposition dont la conséquence dit précisément la même chose que l’hypothese. Ainsi cette proposition, si l’on a un triangle, ses trois angles sont nécessairement égaux à deux angles droits, est une proposition qui n’a point de converse : vous ne pouvez pas dire, si les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles droits, on aura nécessairement un triangle ; cela ne signifieroit rien ; aussi ces sortes de propositions doivent s’exprimer sans aucune condition : les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles droits, où l’on voit qu’il n’y a point de converse à faire.

Après avoir parlé de la matiere & de la forme, de la quantité & de la qualité, des oppositions & des conversions des propositions, il faut maintenant en donner une division exacte. Les propositions se divisent en simples, en complexes & en composées.

Les propositions qui n’ont qu’un sujet & qu’un attribut, s’appellent simples. Mais si le sujet ou l’attribut est un terme complexe qui enferme d’autres propositions qu’on peut appeller incidentes ou accessoires, ces propositions ne sont plus simplement simples, mais elles deviennent complexes.

Ces propositions incidentes ne sont pas tant considérées comme des propositions qu’on fasse alors, que comme des propositions qui ont été faites auparavant ; & alors on ne fait plus que les concevoir comme si c’étoient de simples idées. D’où il suit, qu’il est indifférent d’énoncer ces propositions incidentes par des noms adjectifs, ou par des participes dénués d’affirmation, ou avec des modes de verbes dont le propre est d’affirmer, & des qui ; car c’est la même chose de dire : Dieu invisible a créé le monde visible, ou, Dieu qui est invisible a créé le monde qui est visible. Alexandre