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L’usage des proses a commencé au plus tard au ix. siecle. Notker, moine de S. Gal, qui écrivit vers l’an 880, & qui est regardé comme le premier auteur que l’on connoisse en fait de proses, dit, dans la préface du livre où il en parle, qu’il en avoit vu dans un antiphonier de l’abbaye de Jumieges, laquelle fut brûlée par les Normands en 841. Nous avons quatre proses principales, le Veni sancte Spiritus pour la Pentecôte, que Durand attribue au roi Robert, mais qui est plus probablement de Hermannus contractus ; c’est la prose Sancti Spiritus adsit nobis gratia qui est du roi Robert, selon quelques anciens, & entre autres Brompton, plus ancien que Durand. Le Lauda Sion salvatorem, pour la fête du S. Sacrement, qui est de S. Thomas d’Aquin. Le Victimæ paschali laudes, dont on ignore l’auteur ; c’est la prose du tems de Pâques. Le Dies iræ, dies illa, que l’on chante aux services des morts. On l’attribue mal à propos à S. Gregoire ou à S. Bernard, ou à Humbert, général des dominicains. Cette prose est du cardinal Frangipani, dit Malabranca, docteur de Paris de l’ordre des dominicains, qui mourut à Perouse en 1294.

A l’imitation de ces proses, on en a composé beaucoup d’autres pour les fêtes locales, & parmi ces proses, la plûpart mal composées, on en trouve beaucoup de ridicules. C’est par cette raison que l’on en a retranché un grand nombre dans les dernieres réformes des offices divins, & l’on pourroit, ajoute l’auteur de qui nous empruntons cet article, sans scrupule pousser ce retranchement beaucoup plus loin. Parmi celles qu’on y a substituées, il y en a plusieurs qui méritent d’être estimées. Supplément de Moréri, tome II. p. 118 & 119. N’en déplaise à l’auteur du supplément de Moréri, les proses qu’on a mises dans le nouveau missel de Paris, sont certainement plus que supportables.

PROSELENE, (Géog. anc.) ville de l’Asie mineure, dans la petite Phrygie, selon Ptolomée, qui, l. V. c. ij. la place sur la côte, entre Adramytium & Pitane.

PROSÉLYTE, s. m. (Crit. sacrée.) Grotius semble affecter le terme de prosélyte aux payens qui avoient embrassé entierement le Judaïsme ; mais on sait que les autres étrangers, domiciliés parmi les Juifs, étoient aussi appellés prosélytes, parce qu’effectivement, quoiqu’ils ne se soumissent point à l’observation des cérémonies mosaïques, il falloit nécessairement qu’ils renonçassent à l’idolâtrie païenne, & qu’ils fissent profession d’adorer le Créateur, le seul vrai Dieu ; ce qui est le grand fondamental article de la religion judaïque. Aussi les appelloit-on prosélytes de la porte, pour les distinguer de prosélytes de la justice, ou de ceux qui étoient naturalisés, dont nous parlerons bientôt. Le savant Gronovius prétend à tort que Corneille le centenier ne faisoit pas profession ouverte du judaïsme, afin de ne pas perdre son emploi, autrement, dit-il, il n’auroit pas pû être citoyen romain, comme il falloit l’être, pour porter les armes dans les troupes romaines, sur-tout pour avoir un poste tel que celui qu’il occupoit. Mais outre qu’il n’y a rien dans toute la narration de S. Luc, Act. ch. x. qui donne lieu de soupçonner que Corneille ne fût pas ouvertement prosélyte de la porte, l’exemple de S. Paul qui, quoique juif de naissance, étoit citoyen romain, suffit pour détruire la raison de Gronovius.

Pour ce qui est des prosélytes de la justice, il faut savoir que, selon les Juifs, quand un païen se faisoit prosélyte de la justice, comme il étoit censé renaître, toutes les relations qu’il avoit eu auparavant de pere, de mere, de fils, de filles, de parent, d’allié, &c. s’évanouissoient en même tems ; c’est ce que Tacite semble insinuer obscurément dans les paroles suivantes : Transgressi in morem eorum (Judaeorum) idem usurpant : nec quidquam priùs imbuuntur, quàm contemnere

deos, exuere patriam, parentes, liberos, fratres vilia habere. Hist. lib. V. cap. vj. Sur ce principe, ils prétendoient qu’un tel prosélyte devenu un nouvel homme, pouvoit, selon la loi de Dieu, épouser sa mere, sa belle-mere, sa sœur, qui n’étoient plus regardées comme telles, quand même elles se convertissoient comme lui au judaïsme ; cependant en vertu des traditions de leurs ancêtres, ils défendoient de tels mariages ; mais ils le permettoient aux esclaves qui, en se convertissant, étoient demeurés tels, & dont les mariages se faisoient ou se dissolvoient au gré de leurs maîtres. Tacite dit que les lois romaines étoient différentes ; car elles vouloient qu’en matiere de mariage, entre esclaves mêmes ou affranchis, on eût égard au degré de parenté.

Arrêtons-nous encore quelques momens sur les prosélytes de la porte & les prosélytes de la justice, car c’est un sujet très-curieux, qui demande d’être éclairci plus au-long.

Les prosélytes de la porte s’appelloient ainsi, parce qu’ils n’entroient que dans la cour extérieure du temple pour adorer, & qu’ils s’arrêtoient à la porte de la seconde cour : les prosélytes de justice furent ainsi nommés, parce qu’en embrassant la loi de Moïse ils étoient censés s’engager à vivre dans la sainteté & dans la justice.

Les premiers renonçoient simplement à l’idolâtrie, & servoient Dieu selon la loi de la nature, que les Juifs comprenoient sous sept articles, qu’ils appelloient les sept préceptes des enfans de Noé. Ils croyoient que tous les hommes étoient obligés de garder ces commandemens-là ; mais que l’obligation de garder ceux de la loi de Moyse ne s’étendoit pas à tous ; que cette loi n’étoit faite que pour leur nation, & non pas pour tout le monde ; que pour le reste du genre humain, pourvû qu’ils observassent la loi naturelle, c’est-à-dire, selon eux, les sept préceptes dont nous venons de parler, c’étoit tout ce que Dieu demandoit d’eux, & qu’ils lui seroient aussi agréables que les Juifs quand ils observoient leur loi particuliere. Ainsi ils leur permettoient de demeurer au milieu d’eux, & les nommoient par cette raison guerim tosharsim, prosélytes habitans, ou guéré shaar, prosélytes de la porte, parce qu’il leur étoit permis de demeurer dans leurs villes. Cette expression semble être tirée du quatrieme commandement, & l’étranger qui est dans les portes (veguérecha bisharecha), car le même mot en hébreu signifie étranger ou prosélyte ; & dans ce commandement il est indifférent de quelle maniere on le prend ; car les Israélites ne permettoient à aucun étranger de demeurer parmi eux, s’il ne renonçoit à l’idolâtrie, & ne s’obligeoit à observer les sept préceptes des enfans de Noé.

Il n’y avoit pas jusqu’aux esclaves, même ceux qu’on avoit fait à la guerre qu’on y obligeoit ; & s’ils ne vouloient pas s’y conformer, ou on les tuoit, ou on les vendoit à d’autres nations. Or ceux qui étoient prosélytes de cet ordre, outre la permission de demeurer avec eux, avoient aussi celle d’entrer dans le temple pour servir Dieu ; seulement ils n’entroient que dans la premiere cour, qu’on appelloit la cour des gentils. Personne ne passoit le chel qui séparoit cette cour de celle du dedans, que ceux qui faisoient une profession entiere, par laquelle ils s’obligeoient à garder toute la loi. Ainsi quand il venoit à Jérusalem quelque prosélyte de la porte, il adoroit dans cette cour extérieure. C’étoit de cette espece qu’étoient, à ce qu’on croit communément, Naaman le syrien, & Corneille le centenier.

Les prosélytes de la justice étoient ceux qui s’engageoient à garder toute la loi ; car, quoique les Juifs ne crussent pas que ceux qui n’étoient pas israélites naturels y fussent obligés, ils n’en refusoient point, & recevoient au contraire avec plaisir tous ceux qui