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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/536

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présider dans le conseil de ladite tribu. Ils convoquoient l’assemblée, les proëdres en exposoient le sujet, & l’épistate demandoit les avis.

On ouvroit l’assemblée par un sacrifice à Cérès, & par une imprécation. L’on sacrifioit à cette déesse un jeune porc pour purifier le lieu que l’on arrosoit du sang de la victime ; l’imprécation mêlée aux vœux se faisoit en ces mots : « Périsse maudit des dieux, lui, & sa race, quiconque agira, parlera, ou pensera contre la république. » C’étoit trop que de porter l’imprécation jusque sur la pensée, dont l’homme n’est pas le maître.

Les prytanes avoient l’administration de la justice en chef, la distribution des vivres, la police générale de l’état & particuliere de la ville, la déclaration de la guerre, la conclusion & publication de la paix, la nomination des tuteurs & des curateurs, & enfin le jugement de toutes les affaires, qui après avoir été instruites dans les tribunaux subalternes, ressortissoient à ce conseil.

Le tems de leur exercice se nommoit prytanie, & le lieu de leur assemblée étoit appellé prytanée. Voyez Prytanie & Prytanée.

Les prytanes tenoient toujours leurs assemblées au prytanée, où ils avoient un repas de fondation, mais un repas simple & frugal, soit afin que par leur exemple ils préchassent aux autres citoyens la tempérance, soit afin qu’en cas d’accidens inopinés, ils fussent en état de prendre sur le champ des résolutions convenables. Ce fut dans un de ces repas, dit Démosthènes, que les prytanes reçurent la nouvelle de la prise d’Elatée par Philippe.

Dans les tems difficiles de la république, les prytanes, après avoir assemblé le peuple, & lui avoir exposé les besoins pressans de la patrie, exhortoient chaque citoyen à vouloir bien se cottiser pour y subvenir. Le citoyen zélé se présentoit au prytane, & disoit : je me taxe à tant. Le citoyen avare ne disoit mot, ou se déroboit de l’assemblée. Phocus, homme plongé dans une vie molle & voluptueuse, se levant un jour dans une assemblée pareille, s’avisa de dire en bon citoyen : ἐπιδίδωμι κἀγώ, moi je contribue aussi du mien : oui, s’écria tout d’une voix le peuple malin & spirituel, oui, εἰς ἀκολασίαν.

Toutes les grandes villes grecques avoient, à l’exemple d’Athènes, plusieurs prytanes qu’on tiroit successivement des différentes tribus. L’histoire nous a conservé le nom de Luccius Vaccius Labéon, premier prytane de Cumes, à qui cette ville décerna des honneurs extraordinaires ; mais les prytanes de Cyzique sont encore plus célebres dans l’histoire : leur conseil devoit être composé de six cens membres. Il paroit qu’ils étoient tirés d’une tribu, & quelquefois de deux tribus pour chaque mois, d’où il résulteroit que les tribus cyzicéniennes étoient en plus grand nombre que les tribus athéniennes. Nous connoissons six tribus de Cyzique, & nous devons cette connoissance aux inscriptions des marbres. Leur prytanée étoit d’une grande splendeur, comme nous le dirons à la fin du mot Prytanée. (D. J.)

PRYTANÉE, s. m. (Ant. grecq.) πρυτανεῖον, vaste édifice d’Athènes & d’autres villes de la Grece, destiné aux assemblées des prytanes, au repas public, & à d’autres usages.

La Guilletiere dit qu’on voyoit encore de son tems, près du palais de l’archevêque, les ruines du prytanée d’Athènes, ce tribunal où s’assembloit les cinquante sénateurs qui avoient l’administration des affaires de la république.

C’étoit dans le prytanée qu’on faisoit le procès aux fleches, javelots, pierres, épées, & autres choses inanimées qui avoient contribué à l’exécution d’un crime ; on en usoit ainsi, lorsque le coupable s’étoit sauvé ; & nous gardons encore parmi nous quelque

chose de cet usage, lorsque pour faire plus d’horreur d’un parricide, & d’un assassinat énorme, on comprend dans les suites du supplice, l’anéantissement des poignards ou des couteaux qui ont été les instrumens du crime.

C’étoit dans une salle du prytanée que mangeoient les prytanes avec ceux qui avoient l’honneur d’être admis à leur repas ; & Pausanias observe que cette salle où se donnoient les repas, étoit appellée δόλος. Les lois de Solon étoient affichées dans cette salle, pour en perpétuer le souvenir. Les statues des divinités tutélaires d’Athènes, Vesta, la Paix, Jupiter, Minerve, &c. y étoient posées pour agréer les sacrifices qui se faisoient avant l’ouverture des assemblées publiques & particulieres. Dans la même salle étoient les statues des grands hommes qui avoient donné leur nom aux tribus de l’Attique, celle du fameux Antolique y étoit aussi, & celles de Thémistocles & de Miltiades servirent dans la suite à la flaterie des Athéniens, qui par une inscription postérieure, en firent honneur à un romain ou à un thrace.

On y recevoit les ambassadeurs dont on étoit content, le jour qu’ils avoient rendu compte à la république de leurs négociations. On y admettoit aussi le jour de leur audience, les ministres étrangers qui venoient de la part des princes, ou des peuples allies, ou amis de la république d’Athènes. Les ambassadeurs des Magnésiens furent admis à ce repas, lorsqu’ils eurent renouvellé le traité d’alliance avec le peuple de Smyrne.

C’étoit un honneur singulier que d’être admis au repas des prytanées hors des tems de la fonction des sénateurs, & les Athéniens dans les commencemens fort réservés à cet égard, n’accorderent une distinction aussi flateuse, que pour reconnoissance des services importans rendus à la république, ou pour d’autres grands motifs. Les hommes illustres qui avoient rendu des services signalés à l’état, y étoient nourris eux & leur postérité aux dépens du public. Quand les juges de Socrate lui demanderent selon l’ordonnance quelle peine il croyoit avoir méritée, il répondit qu’il croyoit avoir mérité qu’on lui décernât l’honneur d’être nourri dans le prytanée aux dépens de la république. Par une considération particuliere pour le mérite de Démosthène, on lui fit ériger une statue dans le prytanée ; son fils ainé, & successivement d’ainé en ainé, jouirent du droit de pouvoir y prendre leur repas.

L’idée que l’on avoit de l’honneur que les vainqueurs aux jeux olympiques faisoient à leur patrie, détermina l’état à leur accorder la faveur d’assister aux distributions & aux repas des prytanes ; & c’est ce qui fonde le reproche fait aux Athéniens du jugement injuste qu’ils avoient porté contre Socrate, qui méritoit à bien plus juste titre la distinction honorable d’être nourri dans le prytanée, qu’un homme qui aux jeux olympiques avoit le mieux su monter à cheval, ou conduire un char ; mais on n’avoit rien à objecter à la faveur accordée aux orphelins dont les peres étoient morts au service de l’état, d’être nourris dans le prytanée, parce que ces orphelins entroient sous la tutelle spéciale du sage tribunal des prytanes.

Il paroit de ce détail quel étoit l’usage d’une partie des vivres que l’on mettoit dans les magasins du prytanée. L’autre partie servoit aux distributions réglées qui se faisoient à certains jours aux familles qu’une pauvreté sans reproche mettoit hors d’état de pouvoir subsister sans ce secours, qui par autorité publique étoit distribué proportionnellement au nombre de têtes qui les composoient.

Callisthènes rapporte dans Plutarque que Polycrite, petite fille d’Aristide, à la considération de cet illustre aïeul, fut employée sur l’état des pryta-