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giques que pour des suites de nombres naturels qui remplissoient un quarré : mais à cela M. Poignard fait deux additions importantes. 1°. au lieu de prendre tous les nombres qui remplissent un quarré, par exemple les trente-six nombres consécutifs qui rempliroient toutes les cellules d’un quarré naturel, dont le côté seroit 6, il ne prend qu’autant de nombres consécutifs qu’il y a d’unités dans le côté du quarré, c’est-à-dire ici 6 nombres, & ces 6 nombres seuls il les dispose dans les 36 cellules, de maniere qu’aucun ne soit répété deux fois dans une même bande, soit horisontale, soit verticale, soit diagonale. D’où il suit nécessairement que toutes les bandes, prises en quelque sens que ce soit, font toujours la même somme. M. Poignard appelle cela progression répétée. 2°. Au lieu de ne prendre ces nombres que selon la suite des nombres naturels, c’est-à-dire en progression arithmétique, il les prend aussi & en progression géométrique & en progression harmonique : mais avec ces deux dernieres progressions il faut nécessairement que la magie soit différente de ce qu’elle étoit dans les quarrés remplis par des nombres en progression arithmétique ; elle consiste en ce que les produits de toutes les bandes sont égaux, & dans la progression harmonique, les nombres de toutes les bandes suivent toujours cette progression. Ce livre de M. Poignard fait également des quarrés de ces trois progressions répétées.

Enfin M. de la Hire nous a donné dans les Mémoires de l’académie 1705 ses recherches sur ce sujet. Il considere d’abord les quarrés impairs. Tous ceux qui ont travaillé sur cette matiere ont trouvé plus de difficulté dans la construction des quarrés pairs ; & par cette raison M. de la Hire le garde pour les derniers. Le plus de difficulté peut venir en partie de ce qu’on prend les nombres en progression arithmétique. Or dans cette progression si le nombre des termes est impair, celui du milieu a certaines propriétés qui peuvent être commodes ; par exemple, étant multiplié par le nombre des termes de la progression, le produit est égal à la somme de tous les termes.

M. de la Hire propose une méthode générale pour les quarrés impairs, & elle a quelque rapport avec la théorie du mouvement composé, si utile & si féconde dans la Méchanique. Comme cette théorie consiste à décomposer les mouvemens, & à les résoudre en d’autres plus simples ; de même la méthode de M. de la Hire consiste à résoudre en deux quarrés plus simples & primitifs le quarré qu’il veut construire. Il faut avouer cependant qu’il n’étoit pas si aisé de découvrir ou d’imaginer ces deux quarrés primitifs dans le quarré composé ou parfait, qu’il l’est d’appercevoir dans un mouvement oblique un mouvement parallele, & un perpendiculaire.

S’il faut, par exemple, remplir magiquement avec les 49 premiers nombres de la progression naturelle les 49 cellules d’un quarré qui a 7 de racine, M. de la Hire prend d’un côté les 7 premiers nombres depuis l’unité jusqu’à la racine 7, & de l’autre 7 & tous ses multiples jusqu’à 49 exclusivement ; & comme il n’a par-là que 6 nombres il y joint 0 ; ce qui fait cette progression arithmetique de 7 termes, aussi-bien que la premiere 0, 7, 14, 21, 28, 35, 42.

Ensuite avec sa premiere progression répétée, il remplit magiquement le quarré de 7 de racine. Pour cela il écrit d’abord dans les 7 cellules de la premiere bande horisontale les 7 nombres proposés, selon tel ordre que l’on veut ; car cela est absolument indifférent : & il est bon de remarquer ici que les 7 nombres seuls peuvent être arrangés en 5040 manieres différentes dans une seule bande. L’arrangement qui leur sera donné dans la premiere bande horisontale, quel qu’il soit, est le fondement de celui qu’ils auront dans tous les autres pour la seconde bande horison-

tale. Il faut mettre dans sa premiere cellule ou le troisieme,

ou le quatrieme, ou le cinquieme, ou le sixieme, qui suit le premier de la premiere bande horisontale, & après cela écrire les six autres de suite. Pour la troisieme bande horisontale, on observe à l’égard de la seconde le même ordre qu’on a observé pour la seconde à l’égard de la premiere, & toujours ainsi jusqu’à la fin. Par exemple, si on a rangé les sept nombres dans la premiere bande horisontale selon l’ordre naturel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, on peut commencer la seconde bande horisontale par 3, ou par 4, ou par 5, ou par 6 ; mais si on l’a commencé par 3, la troisieme doit commencer par 5. la quatrieme par 7, la cinquieme par 2, la sixieme par 4, la septieme par 6.

1 2 3 4 5 6 7
3 4 5 6 7 1 2
5 6 7 1 2 3 4
7 1 2 3 4 5 6
2 3 4 5 6 7 1
4 5 6 7 1 2 3
6 7 1 2 3 4 5

Le commencement des bandes qui suivent la premiere étant ainsi déterminé, nous avons déjà dit que les autres nombres s’écrivoient tout de suite dans chaque bande allant de 5 à 6 à 7, & retournant à 1, 2, &c. jusqu’à ce que chaque nombre du premier rang se trouve dans chaque rang au-dessous, selon l’ordre qui a été arbitrairement choisi pour la premiere.

Par ce moyen il est évident qu’aucun nombre ne sera répété deux fois dans une même bande quelle qu’elle soit, & par conséquent les sept nombres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, étant toujours dans chaque bande, ils ne pourront faire que la même somme.

On voit dans l’exemple présent que l’arrangement des nombres dans la premiere bande ayant été choisi à volonté, on a pu continuer les autres bandes de quatre manieres différentes ; & puisque la premiere bande a pu avoir 5040 arrangemens différens, il n’y a pas moins que 20160 manieres différentes dont le quarré magique de sept nombres répétés puisse être construit.

1 2 3 4 5 6 7   1 2 3 4 5 6 7
2 3 4 5 6 7 1 7 1 2 3 4 5 6
3 4 5 6 7 1 2 6 7 1 2 3 4 5
4 5 6 7 1 2 3 5 6 7 1 2 3 4
5 6 7 1 2 3 4 4 5 6 7 1 2 3
6 7 1 2 3 4 5 3 5 6 6 7 1 2
7 1 2 3 4 5 6 2 3 4 5 6 7 1

L’ordre des nombres dans la premiere bande étant déterminé, si l’on prenoit pour recommencer la seconde, le second 2 ou le dernier 7, une des bandes diagonales auroit toujours le même nombre répété, & dans l’autre cas ce seroit l’autre diagonale ; par conséquent l’une ou l’autre diagonale seroit fausse, à moins que le nombre répété 7 fois ne fût 4, car 4 fois 7 est égal à la somme de 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, & en général dans tout quarré construit d’un nombre de termes impairs en progression arithmétique, une des diagonales seroit fausse par ces deux constructions, à moins que le nombre toujours répété dans cette diagonale ne fût le terme du milieu de la progression. Il n’est nullement nécessaire de prendre des termes en progression arithmétique ; & on peut faire, suivant la regle de M. de la Hire un quarré magique de tels nombres qu’on voudra qui ne suivent aucune progression. De plus, lors même qu’on les prendra