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dent depuis 10 jusqu’à 12 florins les cent livres ; leur tare est de 10 pour 100. Les raisins ronds de cabas, s’achetent depuis 7 jusqu’à 9 florins le quintal. Ils ne déduisent en tout que un pour 100, pour le prompt paiement.

Dans les pays septentrionaux on se sert de raisins secs pour faire un vin artificiel, vigoureux, & qui n’est pas désagréable. En pilant ces raisins dans de l’eau bouillante, & les laissant macérer & fermenter, on retire de ce vin de l’eau-de-vie & un esprit de vin. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Raisin, (Diete & Mat. méd.) le raisin est sur-tout connu par le suc qu’on en exprime, qui étant récent porte le nom de mout, & qui est changé par une espece de fermentation dont il est éminemment susceptible, en cette liqueur si connue sous le nom de vin. Voyez Mout & Vin. Il ne s’agit dans cet article que des qualités diététiques, des usages & des vertus médicamenteuses du raisin même. Sous ce point de vûe on doit le considérer dans deux états différens ; savoir lorsqu’il est récent, ou du moins frais & bien conservé, ou lors qu’il est réduit par une dessication artificielle en raisin sec, appellé aussi dans les boutiques passe ou raisins passes, en latin uvæ passæ.

Les raisins frais sont un aliment très-sain, pourvû qu’on les mange dans un état de parfaite maturité. Ils sont pourtant sujets à l’inconvénient de fournir un suc qui épaissit la salive, qui empâte la bouche & l’ésophage, & qui excite la soif par cette raison. Les raisins qui donnent le meilleur vin sont précisement ceux qui ont éminemment cette qualité, ou plutôt ce vice diététique. Mais il y a quelques especes de raisin dont le suc est très-aqueux, & qui en sont presque absolument exempts : ceux-là n’excitent dans la bouche que le sentiment de fraîcheur, joint à une douceur agréable, & à un goût assez relevé quoique sans parfum proprement dit, ce qui les fait regarder avec raison, comme le plus excellent des fruits, sur-tout dans les pays chauds où les fruits très aqueux sont aussi salutaires qu’agréables. Le raisin qui est connu en bas Languedoc sous le nom d’aspiran, sous celui de verdal, & sous celui de rabaieren, est vraissemblablement le premier, le plus excellent des raisins à manger. Il joint aux qualités du suc que nous venons d’exposer, la circonstance d’avoir des grains très-gros ; d’avoir une peau extrèmement mince, & de n’avoir qu’un ou deux très-petits pepins. Le village de Pignan, à une lieue & demie de Montpellier, & ceux de Nefie, de Fontés, de Nizas, de Caux & de Peret, aux environs de Pézenas, sont les cantons où ce raisin est le plus beau & le meilleur.

Une observation d’agriculture singuliere à-propos de la vigne qui porte ces raisins aux environs de Pézenas, c’est que la plupart des seps sont plantés dans des fentes de rochers, qui sont dans tout ce canton une lave très-dure, sans que le fruit dont ces seps se chargent très-abondamment, souffre notablement de la chaleur du climat, & des longues sécheresses qui y sont très-communes en automne.

Le chasselas de Champagne, & celui de Fontainebleau, est encore un très-bon raisin à manger ; & il ne fait aussi-bien que l’aspiran du Languedoc, qu’un petit vin sans corps & peu durable.

Le raisin muscat n’est presque plus mangeable dès qu’il est parfaitement mûr, & cela à cause de la viscosité de son suc, dont nous avons parlé au commencement de cet article ; viscosité qui dégénere même en une certaine âcreté ; & lors même qu’on le mange avant qu’il soit parvenu à ce point, il n’est jamais très-salutaire ; il est venteux, sujet à donner des coliques, on le croit même propre à procurer des accès de fievre ; mais il y a apparence qu’il ne produit ces mauvais effets, que parce qu’on le mange ordinai-

rement étant encore verd : or il est assez bien observé

qu’en général le raisin verd est très-fiévreux.

Les raisins mûrs au contraire, non-seulement sont très-salutaires, comme nous l’avons observé plus haut, mais il est très-vraissemblable que l’opinion populaire qui les fait regarder comme une ressource assurée contre les restes des maladies d’été, & surtout contre les reliquats ordinaires des fievres intermittentes, savoir, la maigreur, la jaunisse, les obstructions naissantes, les petites toux seches, &c. que cette opinion, dis-je, n’est pas absolument dénuée de fondement. Laissez-nous attraper les raisins, disent communément dans les provinces où ils sont très abondans, les convalescens dont nous venons de parler ; ils se gorgent en effet de ce fruit lorsque la saison en est venue, & la plupart s’en trouvent très-bien. Au reste ce n’est pas par une action purement occulte qu’ils produisent cette merveille, ils entretiennent une liberté de ventre, & même une légere purgation continue, dont l’efficacité est observée contre les incommodités dont nous venons de parler.

Les raisins secs sont employés en médecine de toute antiquité. On en distingue à-présent dans les boutiques des apothicaires de trois especes ; savoir, le raisin de Damas, le raisin de notre pays, qu’on appelle communément à Paris passerille ou raisin de Provence, & le raisin de Corinthe.

On peut très-bien se passer des raisins de Damas, moyennant les raisins de Provence, je veux dire quant à l’usage pharmaceutique ; car quant à l’usage diététique, les premiers sont d’un goût peu agréable, & on ne les sert jamais sur nos tables. Les raisins de Corinthe ne paroissent pas non-plus dans nos desserts, on les emploie seulement dans quelques ragoûts, & dans quelques pâtisseries ; mais beaucoup plus chez quelques peuples nos voisins, que chez nous.

Les raisins secs contenant ce suc doux & mielleux, dont nous avons parlé au commencement de cet article, beaucoup plus concentré ou rapproché que le raisin frais le plus doux & le plus mûr, on peut déduire les qualités diététiques des uns, de ce que nous avons observé de celles des autres. Cependant si on mange modérément des raisins secs à la fin du repas, ils n’incommodent point ordinairement, & sur-tout si on boit par-dessus de l’eau pure ; car l’eau est le remede direct & infaillible de l’épaississement incommode de la salive qu’occasionnent tous les corps très-doux : ainsi on en boit utilement encore sur le raisin frais très-doux. Les usages pharmaceutiques des raisins secs sont plus étendus, on les emploie d’abord dans plusieurs compositions magistrales, ils font ordinairement avec les autres fruits doux & secs, comme figues, dattes, &c. la base ordinaire des tisanes pectorales. On les regarde comme éminemment pectoraux. Voyez Pectoral & Figue, Matiere médicale. On vante chez eux une qualité adoucissante, plus générale & capable d’affecter les reins, la vessie, le foie, &c. tous effets fort douteux, aussi bien que le pectoral ; car ce suc doux n’est autre chose que le suc nourrissant végétal, très-pur, qui ne peut arriver aux reins, à la vessie, &c. qu’après avoir été digéré, & par conséquent changé, réduit à l’état très-commun de chyle, &c. Voyez Doux, chimie ; Doux, diete, Incrassant, Muqueux, Nourrissant, &c. On les emploie plus utilement à masquer le goût de certains remedes désagréables, & principalement du séné. Il est encore suffisamment parlé de cet usage, qui est aussi propre à la figue seche, & aux autres substances analogues, à l’article Figue, Matiere médicale, voyez cet article. Voyez aussi l’article Correction, Pharmacie.

Les raisins secs entrent dans plusieurs compositions pharmaceutiques, ceux de Provence en particulier,