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sont demandés dans la pharmacopée de Paris, pour le sirop d’érysimum, pour celui de guimauve, de Fernel, & pour l’électuaire lénitif ; & ceux de Damas, pour le sirop de Rossolis composé, & pour le sirop de tortue. (b)

Raisin, (Critiq. sacrée.) l’abondance des vignobles de la Palestine a donné lieu dans le vieux Testament à des comparaisons & façons de parler communes, tirées du raisin qui croissoit merveilleusement dans ce pays là. Nous lisons dans les Nomb. xiij. 24. qu’on en choisit un sep exprès, qui fut porté par deux hommes sur un bâton au camp de Cadé-borne. Aussi Moïse défendit aux Israelites d’être trop exacts à couper toutes les grappes des seps, & leur ordonna d’en laisser subsister pour les pauvres, Deuter. xxiv. 21. & Lévit. xix. 10. C’est par cette raison que l’Ecriture désigne une destruction totale par la similitude d’une vigne que l’on dépouille jusqu’à la derniere grappe. Lévit. vj. 9.

Le sang du raisin, c’est le vin. Il lavera son manteau dans le sang du raisin. Genèse, xlix. 11. C’étoit un proverbe qui signifioit, il établira sa demeure dans un pays de vignoble.

Les peres ont mangé le raisin verd, & les dents des enfans en sont agacées. Ce passage d’Ezéchiel, xviij. 2. ou plûtôt cette façon de parler proverbiale, vouloit dire que les peres ont transgressé la loi, & que leurs enfans en ont souffert. (D. J.)

RAISINÉ, s. m. (Econom. rustiq.) espece de confiture qu’on prépare en faisant cuire le raisin écrasé, & dont on a séparé les grains, & quelquefois la peau, avec le vin doux, réduisant à une consistence convenable. Ce mets est d’un goût aigrelet assez agréable.

Raisiné blanc, le raisiné blanc ou la résine blanche, est la térébenthine épaisse ou liquide qui découle des lentisques, sapins & pins ; il en découle aussi des cyprès, qui a la même vertu ; elle sert à la Peinture & à la Médecine.

RAISINIER, s. m. (Botan. exot.) arbre des îles Antilles, nommé par Jean Bauhin papyracæa arbor guajabara ; par les Caraibes, oulienis, & par les Espagnols, vero. Cet arbre croît à une hauteur médiocre, & rampe presque par terre au bord de la mer ; mais dans un bon terroir il devient assez haut. Sous l’écorce de son tronc, après qu’on a enlevé un aubier blanc de l’épaisseur de deux pouces, on trouve un bois rouge, solide, propre à des ouvrages de menuiserie. Ses feuilles sont rondes, larges comme la paume de la main, épaisses, vertes au fort de l’été, & rouges sur le déclin. Ses fleurs sont de petites fleurs comme celles de la vigne ; il leur succede des baies rougeâtres, & de la grosseur d’une noisette. Au lieu de pepins, chaque grain a sous une tendre pellicule, & sous fort peu de substance aigrelette, raffraichissante, & d’assez bon goût, un noyau fort dur. (D. J.)

RAISON, s. f. (Logique.) on peut se former diverses notions du mot raison. 1°. On peut entendre simplement & sans restriction cette faculté naturelle dont Dieu a pourvû les hommes, pour connoître la vérité, quelque lumiere qu’elle suive, & à quelque ordre de matieres qu’elle s’applique.

2°. On peut entendre par raison cette même faculté considérée, non absolument, mais uniquement en tant qu’elle se conduit dans ses recherches par certaines notions, que nous apportons en naissant, & qui sont communes à tous les hommes du monde. D’autres n’admettent point ces notions, entendent par la lumiere naturelle, l’évidence des objets qui frappent l’esprit, & qui lui enlevent son consentement.

3°. On entend quelquefois par la raison, cette lumiere naturelle même, par laquelle la faculté que nous désignons par ce même nom, se conduit. C’est ainsi qu’on l’entend ordinairement, lorsqu’on parle

d’une preuve, ou d’une objection prise de la raison, qu’on veut distinguer par-là des preuves & des objections prises de l’autorité divine ou humaine. Au contraire, on entend cette faculté que nous appellons raison, lorsqu’on dit que cette raison se trompe, ou qu’elle est sujette à se tromper, qu’elle est aveugle, qu’elle est dépravée ; car il est visible que cela convient fort bien à la faculté, & nullement à la lumiere naturelle.

4°. Par raison on peut aussi entendre l’enchaînement des vérités auxquelles l’esprit humain peut atteindre naturellement, sans être aidé des lumieres de la foi. Les vérités de la raison sont de deux sortes ; les unes sont ce qu’on appelle les vérités éternelles, qui sont absolument nécessaires ; en sorte que l’opposé implique contradiction ; & telles sont les vérités dont la nécessité est logique, métaphysique ou géométrique, qu’on ne sauroit renverser sans être mené à des absurdités. Il y en a d’autres qu’on peut appeller positives, parce qu’elles sont les lois qu’il a plû à Dieu de donner à la nature, ou parce qu’elles en dépendent. Nous les apprenons ou par l’expérience, c’est-à-dire à posteriori, ou par la raison, & à priori, c’est-à-dire par des considérations tirées de la convenance, qui les ont fait choisir. Cette convenance a aussi ses regles & ses raisons ; mais c’est le choix libre de Dieu ; & non pas une nécessité géométrique qui fait préférer le convenable. Ainsi on peut dire que la nécessité physique est fondée sur la nécessité morale, c’est-à-dire sur le choix du sage, digne de sa sagesse, & que l’une aussi bien que l’autre doit être distinguée de la nécessité géométrique. Cette nécessité physique est ce qui fait l’ordre de la nature, & consiste dans les regles du mouvement & dans quelques autres lois générales, que Dieu a établies en créant cet univers. Les lois de la nature sont toujours sujettes à la dispensation du législateur, qui peut, quand il lui plaît, les arrêter & les suspendre ; au lieu que les vérités éternelles, comme celles de la Géométrie, ne sont assujetties à aucune loi arbitraire. Or c’est à ces dernieres vérités que la foi ne sauroit jamais être contraire. La vérité ne peut jamais être attaquée par une objection invincible ; car si c’est une démonstration fondée sur des principes ou sur des faits incontestables, formée par un enchaînement de vérités éternelles, la conclusion est certaine & indispensable ; & ce qui y est opposé doit être nécessairement faux, autrement deux contradictoires pourroient être vraies en même tems. Que si l’objection n’est point démonstrative, elle ne peut former qu’un argument vraissemblable, qui n’a point de force contre la foi, puisqu’on convient que les mysteres de la religion sont contraires aux apparences. Voyez l’article Mysteres, où l’on prouve contre Bayle la conformité de la foi avec la raison prise pour cet enchaînement de vérités éternelles, qui sont absolument nécessaires. Il faut maintenant marquer les bornes précises qui se trouvent entre la foi & la raison.

1°. Nulle proposition ne peut être reçue pour révélation divine, si elle est contradictoirement opposée à ce qui nous est connu, ou par une intuition immédiate, telles que sont les propositions évidentes par elles-mêmes, ou par des déductions évidentes de la raison, comme dans les démonstrations ; parce que l’évidence qui nous fait adopter de telles révélations ne pouvant surpasser la certitude de nos connoissances, tant intuitives que démonstratives, si tant est qu’elle puisse l’égaler, il seroit ridicule de lui donner la préférence ; & parce que ce seroit renverser les principes & les fondemens de toute connoissance & de tout assentiment : de sorte qu’il ne resteroit plus aucune marque caractéristique de la vérité & de la fausseté, nulles mesures du croyable & de l’incroyable, si des propositions douteuses devoient prendre la