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près des autres. Cette robe étoit serrée par une large ceinture en broderie. C’est ce que l’Ecriture appelle éphod. Il consistoit en deux rubans d’une matiere précieuse, qui prenant sur le col & descendant de dessus les épaules, venoient se croiser sur l’estomac, puis retournant par-derriere, servoient à ceindre la robe dont nous venons de parler. L’éphod avoit sur les épaules deux grosses pierres précieuses, sur chacune desquelles étoient gravés six noms des tribus d’Israel ; & par-devant sur la poitrine, à l’endroit où les rubans se croisoient, se voyoit le pectoral ou rationnal, qui étoit une piece quarrée d’un tissu très-précieux & très-solide, large de dix pouces, dans lequel étoient enchâssées douze pierres précieuses, sur chacune desquelles étoit gravé le nom d’une des tribus d’Israel. Quelques-uns croient que le rationnal étoit double comme une poche ou une gibeciere, dans laquelle étoient renfermés l’urim & le thummin. La tiare du grand pontife étoit aussi plus ornée & plus précieuse que celle des simples prêtres. Ce qui la distinguoit principalement, c’étoit une lame d’or qu’il portoit sur le devant de son bonnet, sur laquelle étoient écrits ou gravés ces mots, la sainteté est au Seigneur. Cette lame étoit liée par-derriere la tête avec deux rubans qui tenoient à ses deux bouts. Voyez Cidaris.

La consécration d’Aaron & de ses fils se fit dans le desert par Moïse, avec beaucoup de solemnités qui sont décrites dans l’exode, c. xl. 12. & dans le lévitique, viij. 1. 2. 3. &c. On doute si à chaque nouveau grand-prêtre, on réitéroit toutes ces cérémonies. Il est très-probable qu’on se contentoit de revêtir le nouveau grand-prêtre des habits de son prédécesseur ; quelques-uns pensent qu’on y ajoutoit l’onction de l’huile sainte. Voyez Onction.

Pontife, souverain (Hist. rom.) pontifex maximus, nom distinctif du chef du college des pontifes à Rome dans le tems du paganisme. On ne choisit dans les premiers tems que des patriciens pour remplir cette dignité, créée par Numa, mais environ l’an 500, on prit parmi les plébéiens, Tiberius Coruncanus ; il avoit été censeur, dictateur & consul avec P. Valerius Laevinus. L’an 473 il fut élu souverain pontife, selon l’usage dans les comices par tribus.

Les fonctions du souverain pontife consistoient, 1°. à régler le culte public, & ordonner les cérémonies sacrées : 2°. réformer le calendrier, & déterminer les jours consacrés au repos en l’honneur de quelque divinité, & ceux où il étoit permis de rendre la justice & vaquer aux affaires civiles : 3°. juger de l’autorité des livres qui contenoient des oracles, des prédictions ; & décider des circonstances où il étoit nécessaire de consulter ceux qu’il avoit jugés véritablement prophétiques : 4°. juger les prêtres & les prêtresses : 5°. dispenser des regles prescrites par la religion : 6°. connoître les différends en matiere de religion, & châtier les fautes contre les divinités adorées dans l’empire : 7°. recevoir les vestales : 8°. faire la dédicace des temples : 9°. offrir des sacrifices : 10°. assister aux jeux établis en l’honneur des divinités, &c.

Les grands-prêtres des Romains étoient obligés d’habiter une maison qui appartenoit à la république. On donnoit à cette maison le titre de maison royale, regia, parce que le roi des sacrifices, rex sacrorum, y avoit aussi son logement. Ils avoient la liberté de subroger un des autres pontifes en leur place, lorsque des raisons importantes les empêchoient de vaquer aux fonctions de leur ministere. Ils étoient dans l’usage de n’approcher d’aucun cadavre, lorsqu’ils devoient sacrifier, & ils se regardoient comme souillés lorsqu’ils en voyoient, ou en approchoient quelques-uns, quoiqu’il n’y eût cependant aucune loi qui leur en fît la défense.

La robe des souverains pontifes différoit de celle des autres pontifes, mais il seroit difficile de dire en quoi consistoit cette différence.

La liaison étroite qu’il y a toujours eu dans les états entre la religion & le gouvernement politique, fit penser aux empereurs romains que pour être maîtres absolus dans l’empire, il étoit nécessaire qu’ils fussent revêtus d’une dignité de laquelle dépendoit tout ce qui appartenoit au culte des dieux. Ils jugerent donc à propos de s’arroger le souverain pontificat, & de joindre pour jamais le titre de pontife souverain à celui d’empereur. La différence qui se trouva entre le souverain pontife des tems précédens, & l’empereur jouissant de cette dignité, c’est que du tems de la république, l’autorité du souverain pontife semble avoir été bornée à la ville de Rome & à sa banlieue ; mais l’autorité que les empereurs avoient relativement à cette dignité, ne paroît avoir eu d’autres bornes que celles de l’empire. Lorsqu’il arrivoit dans les provinces quelque fait qui intéressoit la religion, les gouverneurs avoient soin d’en informer l’empereur, & de lui demander ses ordres ; & le prince les donnoit, sans qu’il paroisse qu’il prît l’avis du college des pontifes.

Les élections des grandes prêtrises des provinces, qui se faisoient auparavant à la pluralité des voix dans les colleges sacerdotaux, ne se firent plus que par l’empereur, qui y envoyoit qui bon lui sembloit. Quelquefois même les empereurs laissoient ce soin aux gouverneurs des provinces ; quelquefois ils laissoient le college pontifical, même à Rome, choisir des juges, & nommer aux places sacerdotales, parmi leurs collegues, pour remplir celles qui venoient à y vaquer.

Du tems de la république, lorsqu’un citoyen vouloit en adopter un autre, il falloit auparavant qu’il consultât le college des pontifes, & ils décidoient s’il n’y avoit aucun empêchement religieux ou civil qui y mît obstacle. Tout cela fut changé sous les empereurs ; différentes lois du digeste & du code nous apprennent qu’alors il ne fut plus question de l’autorité du college des pontifes par rapport aux adoptions ; l’intervention de l’empereur ou d’un magistrat y fut substituée.

Plutarque prétendoit que le souverain pontife, du tems de la république, ne pouvoit sortir de Rome ; mais il y a lieu de croire qu’il se trompe ; il lui étoit seulement défendu de sortir de l’Italie. Pareille défense étoit aussi faite à tout le corps sacerdotal. Ainsi Fabius Pictor fut empêché d’aller en Sardaigne, parce qu’il étoit prêtre de Quirinus.

Pendant tout le tems de la république, on ne vit jamais deux souverains pontifes à la fois, & ce titre a continué d’être unique sous les premiers empereurs. Dans la suite on l’a rendu commun à tous les augustes qui régnoient ensemble : les médailles frappées à leur coin, les inscriptions gravées en leur honneur, nous l’ont appris depuis long-tems. Mais il y a une grande diversité d’opinions sur les empereurs qui ont commencé les premiers de partager le souverain pontificat : le sentiment général a été cependant depuis près d’un siecle, que cette nouveauté s’introduisit à l’avénement de Balbin & de Pupien à l’empire, c’est-à-dire que Balbin & Pupien prirent tous deux en même tems le titre de souverains pontifes. Leurs successeurs, lorsqu’ils ont gouverné ensemble, ont aussi pris la même qualité, sans excepter Constantin, quoiqu’il eût abandonné la religion de ses peres pour embrasser le Christianisme. On peut en dire de même de ceux qui lui succéderent, & entr’autres de Valentinien & de Valens.

La qualité de souverain pontife ne cessa d’être prise par les empereurs, que lorsque Gratien succéda à Valentinien son pere, l’an de J. C. 375. Les pontifes