Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/114

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bre d’étamines jaunes. Le calice tombe avec la fleur ; il lui succede plusieurs semences noirâtres, ramassées en tête, hérissée de petites pointes.

Cette plante fleurit au printems & en été. Elle croît presque par-tout, dans les prés, aux lieux ombrageux & aux bords des ruisseaux. On la trouve quelquefois à fleur double, & c’est pour sa beauté qu’on la cultive dans les jardins. Sa racine est douce, ou du-moins a très-peu d’âcreté, ce qui la rend innocente dans quelque pays du nord.

La renoncule des marais est le ranunculus palustris, apii folio, levis, C. B. P. 180. I. R. H. 291. Ranunculus fructu oblongo, foliis inferioribus palmatis, summis digitatis, Linn. Hort. cliff. 230.

Sa racine est grosse, creuse, fibreuse, d’un goût fort chaud & brûlant. Elle pousse plusieurs tiges creuses, cannelées, rameuses. Ses feuilles sont verdâtres, luisantes & lustrées comme celles de l’ache de marais. Ses fleurs naissent au sommet des tiges & des branches ; elles sont des plus petites entre les renoncules, composées chacune de cinq pétales jaunes ou dorés. Lorsque les fleurs sont passées, il leur succede des semences lisses, menues, ramassées en tête oblongue. Elle fleurit au mois de Juin. On la trouve fréquemment aux lieux humides & marécageux. Dale croit que cette renoncule est la quatrieme espece de Dioscoride. C’est un dangereux poison ; car elle ulcere l’estomac, cause des convulsions & d’autres accidens mortels à ceux qui en ont mangé, s’ils ne sont secourus par un vomitif & des boissons onctueuses.

L’espece de renoncule de marais, nommée ranunculus longifolius, palustris major, C. B. P. 180. I. R. H. & par le vulgaire la douve, est encore plus brûlante & plus caustique. Quelques-uns s’en servent pour résoudre les tumeurs scrophuleuses ; mais c’est un mauvais résolutif. Tout prouve que les renoncules sont suspectes, & qu’il est prudent d’en bannir entierement l’usage même extérieurement.

Il me reste à parler de la belle espece de renoncule orientale à gros bouquets de fleurs blanches, que Tournefort a observé dans son voyage d’Arménie, entre Trébisonde & Baybous, ranunculus orientalis aconitilicætoni folio, flore magno, albo, Cor. Inst. rei herb. 20.

Ses feuilles sont larges de trois ou quatre pouces, semblables par leur découpure à celles de l’aconit-tue-loup. La tige est d’environ un pié de haut, creuse, velue, soutenant au sommet un bouquet de sept à huit fleurs, qui ont deux pouces de diametre, composé de cinq ou six pétales blancs. Leur milieu est occupé par un pistil, ou bouton à plusieurs graines terminées par un filet crochu, & couverte d’une touffe d’étamines blanches, à sommets jaunes verdâtres. Ses fleurs sont sans calice, sans odeur, sans âcreté, de même que le reste de la plante. Il y a des piés dont les fleurs tirent sur le purpurin. (D. J.)

Renoncule, (Jardin. fleuriste.) tandis que le médecin bannit, en qualité de remede, tout usage des renoncules, l’odeur délicieuse & la beauté de celles qu’on cultive dans les jardins, en font un des principaux ornemens. Plusieurs fleuristes aiment cette fleur par prédilection, parce qu’elle dégenere moins que l’anémone, qu’il s’en faut peu que la magnificence de ses couleurs n’égale celle de la tulipe, & qu’elle lui est supérieure par le nombre de ses especes.

Le visir Cara Mustapha, celui-la même qui échoua devant Vienne en 1683 avec une formidable armée, est celui qui mit les renoncules à la mode, & qui donna lieu à toutes les recherches qu’on a faites. Ce visir, pour amuser son maître Mahomet IV. qui aimoit extrèmement la chasse, la retraite & la solitude, lui donna insensiblement du goût pour les fleurs ; & comme il reconnut que les renoncules étoient celles qui lui faisoient le plus de plaisir, il écrivit à tous les

pachas de l’empire de lui envoyer les racines & les graines des plus belles especes que l’on pouvoit trouver dans leurs départemens. Ceux de Candie, de Chypre, de Rhodes, d’Alep, de Damas firent mieux leur cour que les autres. Les graines que l’on envoya au visir, & celles que les particuliers éleverent, produisirent un grand nombre de variétés. Les ambassadeurs de nos cours envoyerent en Europe de la graine ou des griffes de semi double, c’est le nom qu’on donne à la racine de renoncule.

On connoissoit déja depuis long-tems les renoncules de Tripoli, & on ne cultivoit que les doubles ; mais celles du Levant prirent la vogue en France, au commencement de ce siecle, & bien-tôt il ne fallut plus aller à Constantinople pour les admirer ; on rectifia leur culture, & la graine des semi-doubles a mis les fleuristes en état de choisir.

La moindre espece de renoncule est aujourd’hui la rouge à fleur double, celle-la même qu’on admiroit tant autrefois. Les semi-doubles ont fait tomber ces grosses doubles qui ont une multitude de feuilles fort serrées, tandis que les simples n’en ont presque point.

Cette préférence n’est pas un goût passager, & de pur caprice. Elle est fondée sur une variété de couleurs qui tient du prodige. Une demi-planche de semi-doubles réunira tout-à-la-fois les blanches, les jaunes dorées, les rouges pâles, les jaunes-citrons, les rouges-brunes, les couleurs de fleur de pêcher ; celles qui sont à fond blanc avec des panaches rouges bien distinguées ; celles qui sont à fond jaune marqueté de rouge, ou de raies noires ; celles qui pardehors sont de couleur de rose, & blanches en-dedans. Vous en verrez d’autres de couleur de chamois bordées de rouge ; d’autres de fond rouge cramoisi bordé… mais la liste des semi-doubles n’a point de fin. Il en éclôt tous les ans de nouvelles. S’il est permis d’aimer le changement, c’est dans les fleurs ; & si l’on veut se satisfaire en changeant ce qu’on aime, il faut aimer la renoncule ; elle a de quoi contenter tous les goûts. La racine d’une belle renoncule perpétue & fait revivre tous les ans la même espece de beauté : voilà de quoi plaire à ceux dont l’amitié est constante. La graine de la même fleur produit du nouveau d’une année à l’autre : voilà de quoi plaire à ceux qui aiment le changement, & assurément ils ont à choisir.

Avec l’avantage d’une variété inépuisable qui change tous les ans les décorations de votre parterre, les renoncules semi-doubles ont encore une qualité que les doubles n’ont point : elles sont fécondes & se reproduisent de graines ; au lieu que les doubles sont stériles. Cette stérilité n’est point particuliere aux renoncules doubles ; c’est presque dans toutes le fleurs que les doubles ne produisent point de graines. On y voit, à la vérité, les ébauches d’un pistil & de quelques étamines ; mais la multitude de feuilles qui les couvrent pour l’ordinaire, les empêche de mûrir & de fructifier. Et lorsque les doubles, faute de culture ou autrement, viennent à s’affoiblir & à donner moins de feuilles, le cœur de la fleur se dégage, & jouissant en liberté de l’impression de la chaleur & de l’air, il donne de la graine, comme font les autres piés.

Cette charmante fleur, pour procurer le plus bel émail, ne demande que d’être plantée dans une terre convenable, & d’être préservée de l’humidité & des grands froids. La terre convenable est une terre légere, sablonneuse ; on peut la tirer de la surface du sol dans les bois & dans les bosquets plantés depuis long-tems. Nos fleuristes se servent de vieuxterreau & de sablon qu’ils mêlent ensemble.

Les especes simples de renoncule fleurissent plus haut que les autres, & sont ordinairement tachetées des plus belles couleurs. On les perpétue de graine