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leur chute. 2°. Que Dieu n’a point eu égard aux péchés actuels des hommes lorsqu’il a resolu de ne point donner la gloire à quelques-uns d’entr’eux, & qu’il n’a trouvé qu’en lui-même les motifs de ce refus.

Les défenseurs de la science moyenne soutiennent que tant à l’égard des anges qu’à l’égard des hommes, Dieu ayant prévu ce que les uns & les autres feroient de bien & de mal dans tous les ordres possibles des choses, & ayant choisi par préférence & de sa seule volonté l’ordre dans lequel il les a constitués, leur reprobation négative est antérieure à leurs démérites, & dépend uniquement de la volonté de Dieu.

Ceux qu’on appelle Augustiniens, disent que dans l’état d’innocence Dieu n’a exclu personne de la gloire, que conséquemment à la prévision de leurs péchés actuels, & que depuis la chute d’Adam, la reprobation négative suppose la prévision non-seulement des péchés actuels, mais encore celle du péché originel, comme cause éloignée de cette reprobation. Sentiment qui peut être vrai, tant à l’égard des enfans qui meurent sans baptême, qu’à l’égard des infideles, mais qui n’est point applicable aux adultes, en qui le péché originel a été entierement effacé par le baptême. D’ailleurs il semble approcher du sentiment de Jansénius sur cette matiere, & paroît directement contraire à la doctrine du concile de Trente sur le péché originel. sess. v.

Calvin a avancé que la reprobation tant positive que négative dépendoit uniquement du bon plaisir de Dieu, & qu’antécédemment à toute prévision de péché, il avoit destiné un certain nombre de ses créatures raisonnables aux supplices éternels. Doctrine impie & cruelle, qui n’a presque plus aujourd’hui de partisans même parmi les Calvinistes. On trouve aussi quelque chose de semblable dans les trente-neuf articles de l’église anglicane ; mais depuis elle a généralement abandonné cette opinion, comme injurieuse à Dieu. Voyez Calviniste.

REPROCHABLE, adj. (Jurisprud.) se dit d’un témoin contre lequel on a des sujets de reproches à proposer. Voyez Reproche.

REPROCHE, s. m. REPROCHER, verb. act. (Gramm.) il se dit du blâme amer que nous encourons par une mauvaise action qu’on ne devoit pas attendre de nous. Le reproche est fait pour les ingrats. Si l’on échappe aux reproches des autres, on n’échappe point à celui de sa conscience. Chaque état a son reproche.

Reproches, (Jurisprud.) sont les moyens ou raisons que l’on propose contre des témoins entendus dans une enquête ou dans une information, pour empêcher que le juge n’ajoute foi à leur déposition, soit en matiere civile ou criminelle ; comme quand on oppose que les témoins sont proches parens de la partie adverse, ou qu’ils sont ses amis, ou ses domestiques ; qu’ils sont ennemis capitaux de celui contre lequel ils ont déposé ; que ce sont gens de mauvaises mœurs, déja repris de justice & corrompus par argent.

En matiere civile, les reproches se proposent par un dire.

Ils doivent être pertinens & circonstanciés, autrement on n’en doit pas admettre la preuve ; & si la preuve en ayant été admise, ils ne sont pas prouvés, on n’y a point d’égard. Les faits sont même réputés calomnieux, s’ils ne sont justifiés avant le jugement du procès.

Celui qui a fait faire l’enquête, peut fournir de réponse par écrit aux reproches ; cette réponse doit être signée de lui ou de son procureur, en vertu d’une procuration ad hoc ; & la réponse doit être signifiée à l’autre partie.

Les juges ne doivent point appointer les parties à informer sur les faits contenus dans les reproches &

dans les réponses, à moins que les reproches ne paroissent pertinens & admissibles.

Les reproches doivent être jugés avant le fonds ; & s’ils se trouvent fondés, la déposition des témoins qui ont été valablement reprochés, ne doit pas être lue.

Dans les procès criminels, si l’accusé a des reproches à fournir contre les témoins, il le doit faire lors de la confrontation, & le juge doit l’avertir qu’il n’y sera plus reçu, après avoir oui la lecture de la déposition. Néanmoins les reproches sont entendus en tout état de cause, quand ils sont prouvés par écrit.

Quand l’accusé propose quelque reproche, le greffier le rédige par écrit, & la réponse du témoin.

Les reproches fournis par un des accusés servent aux autres, quoiqu’ils n’en aient pas proposé, à-moins qu’ils ne soient en contumace, parce que le refus qu’ils font d’obéir à justice, les fait déchoir du bénéfice de toutes exceptions.

Il en est de même de l’accusé, qui après avoir subi la confrontation, s’évade des prisons ; car sa fuite fait une présomption contre lui, qui est telle que l’on ne lit pas les reproches par lui proposés.

Celui qui a fait entendre des témoins à sa requête, ne peut pas les reprocher dans une autre affaire où ils déposent contre lui, à-moins qu’il ne prouve que depuis son enquête, ils sont devenus ses ennemis, ou qu’ils ont été convaincus de crime, ou corrompus par argent. Voyez le tit. 23. de l’ordonnance de 1667, & les notes de Bornier, Despeisses, Papon, Louet & Brodeau ; les mots Enquête, Information, & le mot Témoin. (A)

REPRODUCTION, s. f. REPRODUIRE, v. act. (Gramm. & Hist. nat.) est l’action par laquelle une chose est produite de nouveau, ou pousse une seconde fois. Voyez Régénération.

Quand on coupe tout près du tronc les branches d’un chêne, d’un arbre à fruit, ou autres semblables, le tronc reproduit une infinité de jeunes pousses. Voyez Tige ou Pousse.

Par reproduction on entend ordinairement la restauration d’une chose qui existoit précédemment, & qui a été détruite depuis. Voyez Restauration.

La reproduction des membres des écrevisses de mer & d’eau douce est un des phénomenes des plus curieux dans l’histoire naturelle. Cette formation d’une nouvelle partie toute semblable à celle qui a été coupée, ne quadre point du tout avec le système moderne sur la génération, par lequel on suppose que l’animal est entierement formé dans l’œuf. Voyez Géneration & Œuf.

C’est cependant une vérité de sait attestée par les pêcheurs, & même par plusieurs savans qui s’en sont assurés par leurs propres yeux ; entre autres par MM. de Réaumur & Perrault, dont on connoît assez la capacité & l’exactitude dans ces matieres, pour s’en rapporter à eux.

Les jambes des écrevisses de mer ou d’eau douce ont chacune cinq articulations. Or, s’il arrive que quelqu’une de leurs jambes se rompent par quelque accident, comme en marchant, ou autrement, ce qui est fréquent, la fracture se trouve toujours à la suture prochaine de la quatrieme articulation ; & la partie qu’elles ont perdue se trouve reproduite quelque tems après ; c’est à-dire qu’il repousse un bout de jambe composé de quatre articulations, dont la premiere est fendue en deux par le bout, comme étoit la jambe qui est perdue ; en sorte que la perte se trouve entierement réparée.

Si on rompt à dessein la jambe d’une écrevisse à la cinquieme ou à la quatrieme articulation, la portion qui a été retranchée se trouve toujours au bout d’un tems remplacée par une autre. Mais il n’en arrive pas de même, si la fracture a été faite à la premiere, la seconde ou la troisieme articulation ; car alors il n’ar-