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d’une maniere très-sensible la respiration ; son action est surtout empêchée par les passions d’ame, par les contentions trop grandes & trop continuées. La respiration est dans tous ces sujets plus ou moins gênée. Il semble que les derniers occupés à d’autres choses oublient de respirer, leur respiration est de même que dans ceux qui delirent, grande & rare.

4°. Les maladies, soit aiguës, soit chroniques, qui affectent indistinctement tout le corps, dérangent la respiration, soit en troublant l’uniformité de la circulation, soit en occasionnant une distribution inégale de forces, soit enfin en privant les organes de la respiration, ainsi que toutes les parties du corps, de la quantité de forces nécessaires ; on peut dans cette classe ranger d’abord toutes les fievres, ensuite les maladies nerveuses, & enfin les maladies cachectiques, & les derniers momens des autres maladies de quelque espece qu’elles soient, tems auquel la nature épuisée laisse tous les organes dans un affaissement & un inexercice mortels.

On distingue plusieurs sortes de respirations vicieuses, ou qui s’éloignent de l’état naturel ; 1°. la respiration grande qui se manifeste par une dilatation plus considérable du thorax ; 2°. la respiration petite, ainsi appellée, lorsque la poitrine ne se dilate pas suffisamment ; 3°. la respiration difficile qui s’exerce avec beaucoup de gêne & des efforts sensibles ; la respiration sublime & droite, ou l’orthopnée en sont des variétés & des degrés ; 4°. la respiration fréquente ; 5°. celle qui est rare, lorsque l’inspiration & l’expiration se succedent à des intervalles ou trop courts ou trop longs ; 6°. la respiration chaude ; 7°. celle qui est froide : ces différences sont fondées sur la qualité de l’air expiré ; 8°. la respiration inégale où les deux tems ne sont pas entr’eux dans une juste proportion ; 9°. enfin la respiration sonore, accompagnée de bruit, de soupir ou de ralement.

Un danger plus ou moins pressant accompagne toujours ces dérangemens dans la respiration, & ils sont toujours d’un mauvais augure, quand ils surviennent dans le courant des maladies aiguës. La respiration libre, naturelle & réguliere est le signe le plus certain de guérison ; lorsqu’elle se soutient dans cet état, quoique les autres signes soient fâcheux, quoique le malade paroisse dans un danger pressant, on peut être tranquille, il en réchappera. La liberté de la respiration, dit Hippocrate, annonce une issue favorable dans toutes les maladies aiguës, dont la crise se fait dans l’espace de quarante jours. Prognost. lib. Mais aussi ce seul signe mauvais doit épouvanter le médecin ; en vain les autres signes paroitroient bons, il auroit tort de s’y fier ; il se méprendra sûrement, s’il néglige les lumieres que lui fournit l’état contre nature de la respiration ; les présages qu’on peut en tirer, varient, & suivant l’espece de maladie, & suivant la nature du dérangement de cette fonction ; ils seront beaucoup plus assurés, lorsqu’ils seront soutenus par le concours des autres signes que le médecin prudent ne doit jamais perdre de vue, afin d’établir sur leur ensemble un prognostic incontestable.

La respiration grande n’est point pour l’ordinaire mauvaise ; elle marque beaucoup de facilité & d’aisance dans les mouvemens des organes ; elle indique quelquefois, suivant l’expression de Galien, chaleur dans la poitrine, & surabondance d’excrémens fuligineux, & pour lors elle est ordinairement plus précipitée. La respiration qui est en même tems grande & rare, est un signe de délire présent ou prochain, & par conséquent d’un mauvais augure, comme le prouvent les observations rapportées par Hippocrate dans ses épidémies, de Philiscus de Silene, de la femme de Dromeade & d’un jeune homme de Mélibée. La respiration petite est beaucoup plus fâcheuse

que la grande. Elle dénote évidemment un grand embarras de la poitrine, des obstacles dans les organes du mouvement, ou bien une douleur vive dans quelqu’une des parties voisines ; c’est ainsi qu’un pleurétique pressé par un point de côté très-vif, retient, autant qu’il peut, sa respiration, & tâche de rendre ses inspirations petites, parce qu’il s’est apperçu qu’elles augmentoient la vivacité de sa douleur ; souvent alors la fréquence des inspirations supplée le défaut de grandeur, & l’on voit la respiration s’accélérer, à mesure qu’elle devient plus petite ; dans cet état elle indique, suivant Hippocrate. l’inflammation & la douleur des parties principales ; & ce présage est d’autant plus assuré, & en même tems fâcheux, que la respiration petite succede à une grande respiration ; si la fréquence n’augmente pas en même tems que la petitesse, ou ce qui est encore pis, si elle est en même tems rare & petite, c’est un signe mortel qui dénote la foiblesse extrème de la nature. Il n’est pas rare alors d’observer l’haleine de ces malades froide : ce qui ajoute encore au danger de cette respiration.

Le danger attaché à la respiration difficile varie suivant les degrés ; lorsque la difficulté de respirer est légere, & dans les maladies où elle doit toujours se rencontrer, telles que la pleurésie, l’hépatitis, &c. elle ne change rien au danger que courent ces malades ; mais si elle est jointe au délire, elle annonce la mort ; une simple difficulté de respirer, ou dyspnée, qui éveille en sursaut les malades pendant la nuit, est, suivant les observations de Baglivi & de Nenter, un signe avant-coureur ou diagnostic d’une hydropisie de poitrine ; lorsque la difficulté de respirer est au point que tous les muscles de la poitrine, des épaules, & quelques-uns des bras & du cou, sont obligés de concourir à la dilatation du thorax, & mettent toutes ces parties dans un mouvement continuel, & qu’en même tems les ailes du nez sont alongées & dans un resserrement & une dilatation alternative, le malade est très-mal ; rarement il revient de cet état ; le danger est encore plus pressant, lorsqu’il est obligé de se tenir droit ou assis pour pouvoir respirer, & que dans toute autre situation il est prêt à suffoquer. Voyez Orthopnée.

La respiration chaude ou fiévreuse & fuligineuse, comme Hippocrate l’appelle, est un signe de mort, suivant cet auteur, moins certain cependant que la respiration froide ; elle indique un mouvement violent des humeurs, & une inflammation considérable des poumons. La respiration froide est la plus funeste de toutes, & on ne l’observe jamais que dans ceux qui sont sur le point de mourir. On ne voit point de malades réchapper après l’apparition de ce signe pernicieux. Hippoc. épidém. lib. VI. sect. IV. cap. xxvij. Il n’est personne qui ne sente que c’est alors une preuve évidente que le froid de la mort s’est répandu jusque dans les poumons, & que dans quelques instans il ne restera plus dans la machine de chaleur ou de vie. C’est aussi un très-mauvais signe que la respiration inégale qui a lieu lorsque les mouvemens d’inspiration & d’expiration ne se répondent pas en force, en grandeur & en vitesse, lorsque l’un est foible & l’autre fort, l’un petit & l’autre grand. Il en est de même de la respiration interrompue qui n’en est qu’une variété.

On peut distinguer deux especes principales de respirations sonores ; dans l’une, le bruit qui se fait entendre au gosier, imite le bouillonnement de l’eau, ou le son que rend le gosier des personnes qui se noyent ; c’est ce qu’on appelle rale, ralement ou respiration stertoreuse ; nous avons exposé à l’article

le danger attaché à cette sorte de respiration,

nous y renvoyons le lecteur ; l’autre espece est celle qu’on appelle luctueuse, suspirieuse, chaque expira-