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lieu & place de quelqu’un qui a déja usé du retrait sur la chose vendue, comme quand le retrait lignager est préféré au féodal, ou celui-ci au lignager, selon l’usage des différens pays. Voyez Maillart sur Artois, tit. III. n°. 43.

Retrait de premesse, est le nom que l’on donne au retrait lignager dans les coutumes où c’est le plus prochain lignager qui est préféré, car premesse signifie plus prochain. Voyez Premesse.

Retrait public ou pour l’utilité publique, est la faculté que le roi, l’église ou les villes ont de se faire subroger dans l’achat même d’acquérir la propriété d’un héritage limitrophe, ou qui se trouve nécessaire pour les fortifications d’une ville, la construction ou l’aggrandissement d’une église, la décoration d’une place, d’une ville, d’une maison royale ou d’un college. Voyez la coutume de Bordeaux, article 10.

Retrait par puissance de fief, dans les coutumes d’Anjou & Maine, c’est le retrait féodal.

Retrait de reconsolidation, voyez ci-devant Retrait par consolidation.

Retrait de recousse ou à titre de recousse, est la faculté accordée au saisi de rembourser dans un certain tems celui qui a acheté les meubles du saisi vendus en justice ; ce retrait a lieu en quelques endroits de la province d’Artois. Voyez Monstreuil 1507, style du bailliage, article 51. Verdun titre XIV. article 5.

Retrait seigneurial ou féodal, voyez ci-devant Retrait féodal.

Retrait de société et de convenance, dans la coutume de Hainault, chap. xcv. art. 25. est le droit qu’un de plusieurs associés ou propriétaires a de retirer la portion que son copropriétaire ou coassocié a vendue.

Retrait volontaire, c’est lorsque l’acquéreur tend le giron au retrayant qui n’a commencé son action qu’après l’année de la saisine, & par conséquent hors le tems accordé par la coutume, pour-lors le retrait est volontaire, c’est-à-dire que l’acquéreur s’y est soumis sans y être obligé, & c’est une véritable vente déguisée sous le nom de retrait, laquelle ne résoud pas les hypotheques des créanciers de l’acheteur, & est sujette aux droits seigneuriaux. Voyez Maillard sur Artois, article 123. n°. 35. (A)

Retrait, terme de Blason, qui se dit de bandes, des paux & des fasces, dont l’un des coins ne touche pas les bords de l’écu.

Desrollans de Rhellanete en Provence, d’azur à trois pals retraits en chef d’or, au cor de chasse lié de même en pointe.

Retraits, blés, (Agricult.) on appelle blés retraits, des blés qui étant bien conditionnés au sortir de la fleur, mûrissent sans se remplir de farine. Les grains sont alors menus, ou, pour revêtir le langage des fermiers, sont retraits. Comme ces sortes de blés germent très-bien, ils servent à ensemencer les terres, ils font de belle farine & de bon pain, mais ils ne rendent presque que du son, de sorte que deux sacs de blés retraits ne fournissent pas plus de pain qu’un sac de bon blé.

Ce défaut, selon M. Duhamel, peut être produit par différentes causes ; par exemple, 1° quand le blé est versé, comme la nourriture ne peut être portée à l’épi par le tuyau qui est rompu ou simplement ployé, le grain qui ne reçoit plus de subsistance mûrit sans se remplir de farine, & il reste vuide. 2° Quand les blés ont pris leur accroissement par l’humidité, & qu’il survient de grandes chaleurs qui dessechent la paille & le grain, le blé mûrit sans se remplir de farine. Il n’est pas possible de prévenir les effets des orages, ceux de la gelée, ni de détourner les causes qui empêchent que le blé ne soit fécondé. Il n’est pas non plus possible d’affoiblir l’action du soleil qui pré-

cipite la maturité du grain ; mais, suivant les principes

de M. Tull, on peut, par sa nouvelle culture, prévenir en partie les autres causes qui rendent les blés retraits. (D. J.)

RETRAITE, s. f. (Morale.) ce mot se dit en morale de la séparation du tumulte du monde pour mener chez soi une vie tranquille & privée ; on demande quand cette retraite doit se faire. Ce n’est pas dans la force de l’âge où l’on peut servir la société & remplir un poste qu’on occupe avec fruit, mais quand la vieillesse vient graver ses rides sur notre front, c’est là le vrai tems de la retraite ; il n’y a plus qu’à perdre à se montrer dans le monde, à rechercher des emplois & à faire voir sa décadence. Le public ne se transporte point à ce que vous avez été, c’est un travail & une justice qu’il ne rend guere ; il ne s’arrête qu’au moment présent & juge de votre incapacité. Ayons donc alors le courage de nous rendre heureux par des goûts paisibles & convenables à notre état. Il faut savoir se retirer à propos ; il conviendroit même que notre retraite fût un choix du cœur plutôt qu’une nécessité. (D. J.)

Retraite, s. f. c’est dans l’art militaire un mouvement retrograde ou en arriere que fait une armée pour s’éloigner de l’ennemi, après un combat désavantageux, ou pour abandonner un pays où elle ne peut plus se soutenir.

A parler exactement, une retraite n’est qu’une espece de fuite ; car se retirer, dit M. le chevalier de Folard, c’est fuir ; mais c’est fuir avec art & un très grand art.

Comme les retraites ne sont que des marches, elles supposent les principes & les regles qu’on doit y observer ; ce qui concerne le passage des rivieres, des défilés, & une grande connoissance de la tactique. Il faut de plus avoir le jugement & le coup d’œil excellens pour changer ou varier les dispositions des troupes, suivant les circonstances des tems & des lieux.

Lorsqu’une armée après avoir combattu long tems ne peut plus soutenir les efforts de l’ennemi, & qu’elle est forcée de lui abandonner le champ de bataille, elle se retire. Si elle le fait en bon ordre, sans rien perdre de son artillerie ni de ses bagages, elle fait une belle retraite ; telle fut celle de l’armée françoise après la bataille de Malplaquet. Il est difficile d’en faire de cette espece devant un ennemi vif & intelligent ; car s’il poursuit à toute outrance, la retraite, dit M. le maréchal de Saxe, se convertira bientôt en déroute. Voyez ce mot.

Une armée que les forces supérieures de l’ennemi obligent de quitter un pays, fait aussi une belle retraite, lorsqu’elle la fait sans confusion & sans perte d’artillerie & de bagage.

La retraite des dix milles de Xenophon est la plus célébre que l’on puisse citer ; elle a fait l’admiration de toute l’antiquité, & jusqu’à présent il n’en est aucune qui puisse lui être comparée, au-moins avec justice.

Qu’on fasse attention que les dix milles Grecs qui avoient suivi le jeune Cyrus en Perse, se trouvoient après la perte de la bataille & la mort de ce prince, abandonnés à eux-mêmes & entourés d’ennemis de tout côté. Que néanmoins leur retraite fut conduite & dirigée avec tant d’ordre & d’intelligence, que malgré les efforts des Perses pour les détruire, & les dangers infinis auxquels ils furent exposés dans les différens pays qu’ils eurent à traverser pour se retirer, ils surmonterent tous ces obstacles & regagnerent enfin la Grece. Cette belle retraite se fit sous les ordres de Xénophon, qui après la mort de Cléarque & des autres chefs, que les Perses firent assassiner, fut choisi pour général : elle se fit dans l’espace de huit mois, pendant lesquels les troupes firent en-