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tres plus petites, de couleur d’un roux-noirâtre en-dehors. Lorsqu’on enleve quelques morceaux de l’écorce, on trouve la substance pulpeuse de la racine, panachée de points de couleur jaune safranée, à-peu-près comme dans la noix muscade, dont le centre est d’une couleur de safran plus vive, & d’une odeur fort approchante de celle de la rhubarbe de la Chine, que l’on apperçoit sur-tout vers son collet. Lorsqu’on mâche celle qui est nouvellement tirée de la terre, elle a un goût visqueux, mêlé de quelque amertume qui affecte la langue & le palais ; & sur la fin il est gommeux, & un peu astringent.

Du sommet de la racine naissent plusieurs feuilles couchées sur la terre, disposées en rond les unes sur les autres ; elles sont très-grandes, entieres, vertes, taillées en forme de cœur, & presque en fer de fleche, garnies de deux oreillettes à leur base, & portées sur de longues queues charnues, convexes en-dessous ; elles se partagent vers la base des feuilles, en cinq côtes charnues, saillantes en-dessous, & anguleuses ; la côte du milieu s’étend dans toute la longueur de la feuille ; les côtes latérales se répandent obliquement, se partagent en plusieurs nervures, & s’étendent de tous côtés, jusqu’au bord de la feuille qui est ondée & fort plissée. L’extrémité de la feuille est obtuse, & légerement échancrée. Du milieu des feuilles s’éleve une tige anguleuse, comprimée, cannelée, haute d’environ une coudée, garnie un peu au-dessus de son milieu de quelques enveloppes particulieres, qui l’entourent par leur base, & qui sont placées à des distances inégales, jusqu’à son extrémité.

Les fleurs, en sortant de ces enveloppes, forment des petites grappes ; chaque fleur est portée sur un petit pédicule particulier, blanc & menu ; elles sont semblables à celles de notre rhapontic, mais une fois plus petites ; elles n’ont point de calice, & sont d’une seule piece en forme de cloche, étroites par la base, découpées en six quartiers obtus, & alternativement inégaux. Des parois de cette fleur s’élevent neuf filets déliés aussi longs que la fleur, & chargés de sommets oblongs, obtus & à deux bourses. Le pistil qui en coupe le centre est un petit embryon triangulaire, couronné de trois stigmates recourbés & aigrettés : cet embryon devient une graine pointue, triangulaire, dont les angles sont bordés d’un feuillet membraneux. Elle pousse dans le printems, fleurit au mois de Juin, & les graines mûrissent au mois de Juillet & d’Août.

Il ne faut pas confondre la rhubarbe chinoise avec le rhapontic des anciens Grecs, ce sont des racines bien différentes ; le rha ou rheum de Dioscoride est une racine odorante, assez agréable, & qui ne laisse rien de mucilagineux dans la bouche, comme la rhubarbe de la Chine ; mais la description de Dioscoride convient au rhapontic de Prosper Alpin, que l’on cultive dans les jardins d’Europe, & qui est originaire de la Thrace & d’autres endroits de la Scythie.

Les Chinois emploient communément la rhubarbe en décoction ; mais quand c’est en substance, ils la préparent auparavant de la maniere suivante.

Ils prennent une certaine quantité de tronçons de rhubarbe, & les font tremper un jour & une nuit dans du vin de riz jusqu’à ce qu’ils soient bien amollis, & qu’on les puisse couper en rouelles assez minces ; ensuite ils posent sur un fourneau de briques une espece de chaudiere, dont l’ouverture va en se retrécissant jusqu’au fond en forme de calotte ; ils la remplissent d’eau, couvrent la chaudiere d’un tamis renversé, qui est fait de petits filets d’écorce de bambou, & qui s’ajuste avec l’ouverture de la chaudiere. Sur le fond du tamis, ils posent les rouelles de rhubarbe & couvrent le tout avec un fond de tamis de bois, sur lequel

ils jettent encore un feutre, afin que la fumée de l’eau chaude ne puisse sortir.

Ils allument ensuite leur fourneau, & font bouillir l’eau. La fumée qui s’éleve par le tamis pénetre les rouelles de rhubarbe & les décharge de leur âcreté. Enfin cette fumée se résolvant, comme dans l’alambic, retombe dans la chaudiere bouillante, & jaunit l’eau. Ces rouelles doivent demeurer sept ou huit heures dans cette circulation de fumée, après quoi on les tire pour les faire sécher au soleil, & s’en servir au besoin.

Ils pilent cette rhubarbe & en font de pilules purgatives, dont la dose est de quatre ou cinq drachmes. Ceux qui ont de la répugnance à avaler un grand nombre de pilules prennent la même quantité de rouelles seches, & les font bouillir dans un petit vase de terre avec neuf onces d’eau, jusqu’à la réduction de trois onces qu’ils avalent tiedes.

L’eau est le meilleur menstrue de la rhubarbe ; aussi la teinture de cette racine faite avec l’esprit-de-vin ne devient pas laiteuse comme les autres teintures résineuses, lorsqu’on la jette dans l’eau.

La rhubarbe a deux vertus, celle de purger & de fortifier par une douce adstriction l’estomac & les intestins ; c’est ce qui en fait un excellent remede que l’on peut prescrire en sûreté aux enfans, aux adultes, aux vieillards, aux femmes grosses & aux femmes en couche ; cependant on en doit faire usage avec précaution ; on la prescrit en substance jusqu’à drachme & demie, & en infusion jusqu’à trois, on en compose un excellent sirop pour purger les petits enfans. (D. J.)

Rhubarbe bâtarde, (Botanique.) on appelle vulgairement rhubarbe bâtarde ou fausse rhubarbe le lapathum folio rotundo, alpinum, I. R. H. 504. Rai, hist. 171.

Sa racine est longue, branchue, ridée, fibreuse, fort jaune, d’une saveur amere. Sa tige est haute de deux ou trois coudées, creuse, profondément sillonnée, rougeâtre, garnie de plusieurs rameaux. Ses feuilles sont semblables à celles de la bardane, arrondies, lisses, d’un verd pâle & comme jaunâtre, portées sur une queue rougeâtre & cannelée. Ses fleurs sont nombreuses & composées de plusieurs étamines à sommet jaunâtre & d’un calice verd ; il leur succede des graines triangulaires un peu rougeâtres. Cette plante vient dans les montagnes ; on la cultive aussi dans les jardins ; sa racine est d’usage ; elle est panachée de jaune-rouge, d’une saveur amere, styptique & gluante. (D. J.)

Rhubarbe des moines, (Botan.) c’est le nom vulgaire de l’espece de lapathum, nommé lapathum hortense, latifolium, par C. B. p. 115. & par Tournefort, I. R. H. 504.

Sa racine est fibreuse, longue, épaisse, brune en-dehors, jaune en-dedans. Sa tige qui s’éleve quelquefois à la hauteur d’un homme, est cannelée, rougeâtre, partagée vers le haut en plusieurs rameaux. Ses feuilles sont longues d’un pié ou d’un pié & demi, larges, pointues, fermes sans être roides, lisses, d’un verd foncé & portées sur de longues queues rougeâtres. Ses fleurs sont sans pétales, à étamines, semblables à celles de l’oseille, placées sur les rameaux dans toute leur longueur ; quand elles sont passées, il leur succede des graines anguleuses telles que celles de l’oseille, enveloppées de follicules membraneuses.

On cultive cette plante dans les jardins ; elle a presque les mêmes vertus que la rhubarbe bâtarde ; l’une & l’autre purgent légerement & resserrent ; on les emploie quelquefois utilement dans le flux de ventre. (D. J.)

RHUM, s. m. terme de riviere, se dit de plusieurs