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Tournefort, I. R. H. 656. Boerh. Ind. alt. 653. ricinus americanus major, semine nigro, C. B. p. 432. Mauduy-guacu Brasiliens. marg. 96. Pison 179 ; en françois le ricinoïde, le grand ricin d’Amérique, ou le médecinier de l’Amérique.

Cette plante touffue croît à la hauteur d’un arbre médiocre ; son bois est plein de moëlle, cassant, rempli d’un suc laiteux & âcre ; ses branches sont nombreuses, chargées de feuilles, placées sans ordre, semblables à celles du cotonnier, lisses, luisantes, & d’un verd-brun. Près de l’extrémité des branches il s’éleve des tiges inégales, longues quelquefois d’un demi-pié, qui portent un grand nombre de petites fleurs d’un verd-blanchâtre, disposées en parasol, composées de cinq pétales en rose, roulées en-dehors, placées dans un calice de plusieurs petites feuilles, & remplies de courtes étamines blanchâtres.

Ces fleurs sont stériles, car les embryons des fruits naissent entre elles. Ils sont enveloppés dans un calice, & ils se changent en des fruits de la grosseur & de la figure d’une noix encore verte, longs d’un peu plus d’un pouce, en maniere de poire, pointus aux deux bouts, attachés trois ou quatre ensemble, d’un verd foncé lorsqu’ils sont tendres, & ensuite noirs, sans épines, à trois loges qui s’ouvrent d’elles-mêmes ; chacune contient une graine ovalaire, convexe d’un côté, applatie de l’autre, couverte d’une coque noire, mince, contenant une substance médullaire, blanche, tendre, & douçâtre.

La petite amande de ce ricinoïde a une vertu surprenante de purger par haut & par bas ; elle agit plus violemment que le ricin ordinaire ; de sorte que trois ou quatre grains boulversent l’estomac avec tant de violence, qu’elles réduisent quelquefois le malade à deux doigts de la mort ; cependant Pison propose, dans les vieilles obstructions des visceres, d’en hasarder quelques-unes dépouillées de leurs pellicules, torréfiées légerement, & macérées dans du vin, en y ajoutant des correctifs aromatiques, mais en même tems il conseille de ne donner ce remede qu’avec de grandes précautions : il est plus court de ne le point donner du-tout.

Les Brésiliens & les Américains tirent des graines une huile fort utile pour les lampes ; on la recommande aussi pour résoudre les tumeurs, dissiper l’hydropisie anasarque, faciliter le mouvement des nerfs, amollir le ventre des enfans, en chasser les vers, guérir les ulceres de la tête, la gratelle, & autres vices de la peau, en en faisant des onctions ; mais nous avons des remedes externes beaucoup plus sûrs à employer dans tous ces divers cas.

Le médecinier d’Amérique vient de bouture plus vîte & mieux que de graine ; on le plante en haie à la Jamaique & aux Barbades où il est très-commun ; sa grandeur ordinaire est de quinze à vingt piés. Le bois est blanc, spongieux, & assez tendre, quand il est jeune. Il se durcit à mesure qu’il grossit. En vieillissant sa moëlle diminue, & laisse un vuide dans le centre ; son écorce qui au commencement étoit tendre, lisse, adhérente, & d’un verd pâle, devient blanchâtre, raboteuse, & crevacée. Il sort de l’écorce & du bois, lorsqu’on le coupe, aussi-bien que des feuilles, quand on les arrache, un suc de mauvaise odeur, âcre, laiteux, qui fait une tache fort vilaine sur le linge & sur les étoffes, & qu’il est difficile d’effacer.

Cet arbre, dans sa médiocre grosseur, ne laisse pas de pousser quantité de branches qui s’entrelacent facilement, & auxquelles il est aisé de donner tel pli que l’on desire, ce qui convient pour faire des lisieres capables d’arrêter les bestiaux dans les lieux qu’on veut conserver, & propres à diminuer l’impétuosité des vents.

De la troisieme noix purgative, dite aveline purgative du Nouveau-monde. La troisieme noix purgative, est une graine que l’on nous apporte d’Amérique,

différente de celle des deux especes de ricins dont nous venons de parler, elle s’appelle avellana purgatrix novi orbis, en françois fruit du médecinier de la nouvelle Espagne, en anglois the spanish-physick-nut. Cette graine est de la grosseur d’une aveline arrondie, couverte d’une coque mince, pâle & brune : sa substance médullaire est ferme, blanche, douçâtre, d’un goût qui n’est pas différent de celui de la nosette.

La plante s’appelle médecinier de la nouvelle Espagne, en anglois the American-tree physick-nut, with a multifid leaf, en botanique ricinoides arbor americana folio multifido, I. R. H. 656. Boerh. Ind. A. 253. ricinus americanus, tenuiter diviso folio, Breyn. cent. 1. 116. Raii, hist. 1. 167.

Cette plante, dit le pere Plumier, a comme les autres arbres un tronc, & des branches, quoiqu’elles ne soient pas fort considérables ; son tronc est environ de la grosseur du bras, & haut tout-au-plus de trois ou quatre piés. Il est tendre, couvert d’une écorce cendrée à réseau, marqué de taches aux endroits d’où les feuilles sont tombées. Vers l’extrémité des branches sont des feuilles au nombre de six, ou de douze, qui se répandent de tous côtés, soutenues sur de longues queues, partagées en plusieurs lanieres, découpées, grandes quelquefois d’un pié, d’un verd blanchâtre en-dessous, & d’un verd plus foncé en-dessus. Près de l’origine des queues sont attachées d’autres petites feuilles dentelées fort menues, qui semblent hérisser l’extrémité des rameaux, de-là s’éleve une longue tige rouge, qui se partage en d’autres rameaux branchus, lesquels portent chacun une fleur ; il y en a de stériles & de fertiles.

Les fertiles sont plus grandes que les stériles, mais en plus petit nombre. Les unes & les autres sont en rose, composées de cinq pétales, ovalaires, soutenues sur un petit calice, partagé en cinq quartiers. Celles qui sont stériles contiennent des étamines garnies de leurs sommets de couleur d’or ; l’embryon des fleurs fer les est ovalaire, à trois angles, couronnés de stiles, dont les stigmats en forme de croissant sont de couleur d’or ; cet embryon se change ensuite en un fruit pyriforme presque de la grosseur d’une noix, revêtu d’une écorce tendre, jaune, à trois capsules, qui s’ouvrent d’elles-mêmes, & qui contiennent chacune une graine ronde, de la grosseur d’une aveline ; elle en a le goût, mais il faut s’en donner de garde, car elle purge très-violemment.

Lorsqu’on taille le tronc de cet arbre, ou même lorsqu’on en arrache les feuilles, il en sort une assez grande quantité de suc limpide, jaunâtre, & un peu visqueux. On cultive cette plante dans les îles de l’Amérique soumises au roi d’Espagne.

L’amande de ce fruit ne purge pas moins que les autres especes ; car une seule graine suffit pour produire cet effet. On la prend écrasée dans du bouillon, ou coupée par petites tranches très-minces, ou pilée avec deux amandes douces, & délayée dans de l’eau sous la forme d’émulsion. Nos voyageurs ajoutent, que si l’on fait cuire légérement dix ou douze feuillés de la plante, & qu’on les mange dans du potage, elles purgent sans tranchées & sans dégoût ; mais le plus sûr est de ne se point fier à de tels discours, & de n’employer en médecine, ni les feuilles, ni le fruit de cet arbre.

Il faut pourtant convenir que les especes de ricinoïdes dont nous avons parlé, sont dignes d’avoir place par la beauté de leurs fleurs, dans les jardins des botanistes. Les curieux pourront les élever en semant de leurs graines sur une couche préparée. Quand les plantes auront poussé, on les mettra dans un pot séparé, rempli d’une terre fraîche & légere ; l’on plongera ces pots dans un lit chaud de tan, qu’on observera de mettre à l’abri des injures de l’air jusqu’à ce que les ricinoïdes ayent pris racine, après