Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/322

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supériorité. Dans le gouvernement politique, sa femme avec le titre de reine partageoit aussi ses fonctions sacrées. L’origine de ce sacerdoce, dit Demostènes dans l’oraison contre Néera, venoit de ce qu’anciennement dans Athènes le roi exerçoit les fonctions de grand-prêtre ; & la reine, à cause de sa dignité, entroit dans le plus secret des mysteres. Lorsque Thésée eut rendu la liberté à Athènes en substituant la démocratie à l’état monarchique, le peuple continua d’élire entre les principaux & les meilleurs citoyens un roi pour les choses sacrées, & ordonna par une loi, que sa femme seroit toujours athénienne de naissance, & vierge quand il l’épouseroit, afin que les choses sacrées fussent administrées avec la pureté convenable ; & de peur qu’on n’abolît cette loi, elle fut gravée sur une colonne de pierre. Ce roi présidoit donc aux mysteres ; il jugeoit les affaires qui regardoient le violement des choses sacrées. En cas de meurtre, il rapportoit l’affaire au sénat de l’aréopage ; & déposant sa couronne, il s’asseyoit parmi les autres magistrats pour juger avec eux. Le roi & la reine avoient sous eux plusieurs ministres qui servoient aux cérémonies de la religion : tels que les épimeletes, les hiérophantes, les gereres, les ceryces, &c.

La même chose se pratiqua chez les Romains. Quelque mécontens qu’ils fussent de leur dernier roi, ils avoient cependant reçu tant de bienfaits des six premiers, qu’ils ne purent absolument en abolir le nom : mais aussi ne lui attribuerent-ils que des fonctions qui ne pouvoient jamais menacer la liberté, je veux dire le soin des cérémonies religieuses. Il lui étoit d’ailleurs défendu de remplir aucune magistrature ni d’haranguer le peuple. On le choisissoit parmi les plus anciens pontifes & augures, mais il étoit toujours subordonné au souverain pontife : cette dignité subsista jusqu’au regne du grand Théodose.

Roi, archonte, (Antiq. grecq.) C’est ainsi qu’on appelloit le second des neuf archontes d’Athènes. Il avoit pour son département ce qui concernoit la célébration des fêtes, les sacrifices & la religion. Il décidoit sous le grand portique sur les crimes d’impiété & de sacrilege. Il statuoit sur les cérémonies & les mysteres, sur les malheurs causés par la chute des bâtimens & des autres choses inanimées. C’étoit à lui d’introduire les meurtriers dans l’aréopage ; & il jugeoit avec cette célebre compagnie, en quittant sa couronne, qui étoit la marque de sa dignité. Pendant qu’il examinoit un procès, les parties ne pouvoient assister aux mysteres ni aux autres cérémonies de la religion. Pollux remarque que l’épouse du roi-archonte prenoit le titre de reine : elle devoit être athénienne de naissance : son mari comme inspecteur sur les affaires religieuses & sacrées, étoit honoré du nom d’archonte-roi, parce que les premiers rois d’Athènes étoient comme les grands sacrificateurs de la nation. Ils immoloient les victimes publiques, & leurs femmes offroient les sacrifices secrets avant le regne de Thesée. Les Romains, en détruisant la royauté, conserverent un roi des sacrifices sur le modele d’Athènes (D. J.)

Roi-d’armes, (Hist. de France.) C’étoit un officier de France qui annonçoit la guerre, les treves, les traités de paix & les tournois. C’est le premier & le chef des héraults-d’armes : nos ancêtres lui ont donné le titre de roi, qui signifie seulement premier chef. La plupart des savans assurent que ce fut Louis-le-Gros qui donna à Louis de Roussy le titre de roi-d’armes, inconnu jusques-là. Cet établissement fut imité par-tout, honoré de plusieurs privileges, de pensions considérables ; & les souverains à qui les rois-d’armes étoient envoyés, affectoient pour faire éclater leur grandeur dans les autres pays, de leur faire de beaux-présens.

Philippe de Comines a remarqué que Louis XI quoique fort avare, donna à un roi-d’armes que le roi d’Angleterre lui avoit envoyé, trois cens écus d’or de sa propre main, & trente aunes de velours cramoisi, & lui promit encore mille écus. Le rang de leur maître les rendoit respectables, & ils jouissoient des mêmes privileges que le droit des gens accorde aux ambassadeurs, pourvu qu’ils se renfermassent dans les bornes de leur commission ; mais s’ils violoient les lois de ce droit, ils perdoient leurs privileges. Froissart observe, que le roi-d’armes du duc de Gueldres ayant défié le roi Charles VI. clandestinement dans la ville de Tournai, & sans lui en donner connoissance, « il fut arrêté, mis en prison, & cuida être mort, dit cet historien, pour ce que tel défi étoit contre les formes & contre l’usage accoutumé, & de plus dans un lieu mal convenable, Tournai n’étant qu’une petite ville de Flandre ».

Le respect qu’on avoit pour les rois-d’armes suivis de leurs héraults, étoit si grand, qu’ils ont quelquefois, étant revêtus de leur cotte-d’armes, arrêté par leur présence, en criant hola, la fureur de deux armées dans le fort du combat. Froissart a observé, que dans un furieux assaut donné à la ville de Villepode en Galice, à la parole des héraults, cesserent les assaillans & se reposerent.

Le roi-d’armes avoit un titre particulier qui étoit mont-joie S. Denys ; & les autres héraults portoient le titre des seize principales provinces du royaume, comme Bourgogne, Normandie, Guienne, Champagne.

Il y a en Angleterre trois rois-d’armes, sous le titre de la jarretiere, de Clarence, & de Norroy. En Ecosse, les rois-d’armes & les héraults ont été employés dans les tournois, dans les combats à plaisance ou à outrance, à fer émoulu ou à lance mornée, que les seigneurs particuliers faisoient avec la permission du roi. Mais ils sont à-présent sans emploi par tout pays ; & on ne les voit plus parcourir les provinces, pour reconnoître les vrais nobles, les armoiries des familles & leurs blasons, en un mot, pour découvrir les abus que l’on commettoit concernant la noblesse & les généalogies. Voyez Roi d’armes, hist. d’Angl.

Quant aux cottes qui sont l’habit qui marquoit leur titre & leur pouvoir, celle du roi-d’armes est différente de celle des héraults, 1°. en ce que les trois grandes fleurs-de-lis qui sont au-devant & auderriere de la cotte, sont surmontées d’une couronne royale de fleurs-de-lis fermée. 2°. En ce qu’elle est bordée tout-au-tour d’une broderie d’or, entre les galons & la frange ; & 3°. parce que sur les manches, les mots montjoye S. Denys sont en broderie avec ces mots roi-d’armes de France sur la manche gauche.

Roi-d’armes, dit Favin, portoit la cotte de velours violet, avec l’écu de France couronné & entouré de deux ordres de France sur les quatre endroits de sa cotte-d’armes. Il ajoute qu’il falloit autrefois être noble de trois races, tant de l’estoc paternel que du côté maternel, pour être reçu montjoye. Le même Favin a décrit particulierement le baptême du roi-d’armes ; c’étoit ainsi qu’on appelloit l’imposition du nom qu’on lui donnoit à sa réception : cette cérémonie se faisoit par le renversement d’une coupe de vin sur sa tête.

M. Ducange a inseré dans son glossaire, sous le mot Heraldus, la réception du roi-d’armes du titre de mont-joie. Les valets de chambre du roi devoient le revêtir d’habits royaux, comme le roi même. Le connetable & les maréchaux de France devoient l’aller prendre pour le mener à la messe du roi, accompagné de plusieurs chevaliers & écuyers ; les héraults ordinaires & les poursuivans marchoient devant lui deux à deux ; un chevalier devoit porter