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que quelques centuries de la premiere classe ne fussent pas du même sentiment que les autres, on appelloit la seconde classe. Mais quand ces deux classes se trouvoient d’avis conforme, il étoit inutile de passer à la troisieme. Ainsi le petit peuple se trouvoit sans pouvoir, quand on recueilloit les voix par centuries, au-lieu que quand on les prenoit par curies, comme les riches étoient confondus avec les pauvres, le moindre plébéïen avoit autant de crédit que le plus considérable des sénateurs. Depuis ce tems-là les assemblées par curies ne se firent plus que pour élire les flamines, c’est-à-dire les prêtres de Jupiter, de Mars, de Romulus, & pour l’élection du grand curion, & de quelques magistrats subalternes.

La royauté après cet établissement, parut à Servius comme une piece hors d’œuvre & inutile, dans un état presque républicain. On prétend que pour achever son ouvrage, & pour rendre la liberté entiere aux Romains, il avoit résolu d’abdiquer généreusement la couronne, & de réduire le gouvernement en pure république, sous la régence de deux magistrats annuels qui seroient élus dans une assemblée générale du peuple romain. Mais un dessein si héroïque n’eut point d’effet, par l’ambition de Tarquin le superbe, gendre de Servius, qui dans l’impatience de regner, fit assassiner son roi & son beau-pere. Il prit en même tems possession du trône, l’an de Rome 218, sans nulle forme d’élection, & sans consulter ni le sénat ni le peuple, comme si cette suprème dignité eût été un bien héréditaire, ou une conquête qu’il n’eut dûe qu’à son courage.

Une action si atroce, que l’assassinat de son roi, le fit regarder avec horreur par tous les gens de bien. Tout le monde détestoit également son ambition & sa cruauté. Parricide & tyran en même tems, il venoit d’ôter la vie à son beau-pere, & la liberté à sa patrie ; comme il n’étoit monté sur le trône que par ce double crime, il ne s’y maintint que par de nouvelles violences. Plusieurs sénateurs, des premiers de Rome, périrent par des ordres secrets, sans autre faute que celle d’avoir osé déplorer le malheur de leur patrie. Il n’épargna pas même Marcus Junius, qui avoit épousé une Tarquinie, fille de Tarquin l’ancien, mais qui lui étoit suspect à cause de ses richesses. Il se défit en même tems du fils aîné de cet illustre romain, dont il redoutoit le courage & le ressentiment.

Les autres sénateurs incertains de leur destinée, se tenoient cachés dans leurs maisons. Le tyran n’en consultoit aucun ; le sénat n’étoit plus convoqué ; il ne se tenoit plus aucune assemblée du peuple. Un pouvoir despotique & cruel s’étoit élevé sur la ruine des lois & de la liberté. Les différens ordres de l’état également opprimés, attendoient tous avec impatience quelque changement sans l’oser espérer, lorsque l’impudicité de Sextus, fils de Tarquin, & la mort violente de la chaste Lucrece, firent éclater cette haine générale que tous les Romains avoient contre le roi. La pitié pour le sort de cette infortunée romaine, & la haine des tyrans, firent prendre les armes au peuple. L’armée touchée des mêmes sentimens se révolta ; & par un decret public, les Tarquins furent bannis de Rome. Le sénat, pour engager le peuple plus étroitement dans la révolte, & pour le rendre plus irréconciliable avec les Tarquins, souffrit qu’il pillât les meubles du palais. L’abus que ce prince avoit fait de la puissance souveraine, fit proscrire la royauté même ; on dévoua aux dieux des enfers, & on condamna aux plus grands supplices, ceux qui entreprendroient de rétablir la monarchie.

L’état républicain succéda au monarchique ; voyez République romaine, Gouv. de Rome.

Le sénat & la noblesse profiterent des débris de la royauté ; ils s’en approprierent tous les droits ; Rome

devint en partie un état aristocratique, c’est-à-dire que la noblesse s’empara de la plus grande partie de l’autorité souveraine. Au-lieu d’un prince perpétuel, on élut pour gouverner l’état deux magistrats annuels tirés du corps du sénat, auxquels on donna le titre modeste de consuls, pour leur faire connoître qu’ils étoient moins les souverains de la république, que ses conseillers, & qu’ils ne devoient avoir pour objet que sa conservation & sa gloire. Voyez Consul. (D. J.)

Roi des Romains, (Hist. mod.) dans l’empire d’Allemagne, c’est le prince élu par les électeurs pendant la vie de l’empereur, pour avoir la conduite & le maniement des affaires en son absence, comme vicaire général de l’empire, & pour succéder après sa mort au nom & à la dignité d’empereur, sans qu’il soit besoin d’autre élection ou confirmation.

Cette qualité, dans le sens où on la prend aujourd’hui, étoit tout-à-fait inconnue du tems des premiers empereurs de la maison de Charlemagne, qui étoient empereurs & rois des Romains, c’est-à-dire, souverains de la ville de Rome tout ensemble. Ils donnoient à leurs héritiers présomptifs la qualité de roi d’Italie, comme les anciens empereurs romains faisoient prendre celle de César à leurs successeurs désignés à l’empire.

Le nom de roi des Romains ne commença à être en usage que sous le regne d’Othon I. & les empereurs le prenoient, quoiqu’en pleine possession de l’empire, & de la dignité impériale, jusqu’à ce qu’ils eussent été couronnés par les papes. C’est en ce dernier sens qu’il faut entendre le texte de la bulle d’or, quand elle fait mention du roi des Romains, dont elle n’a jamais parlé dans le sens où l’on emploie aujourd’hui ce terme, que nous avons d’abord défini suivant l’usage présent : car le dessein de Charles IV. en faisant la bulle d’or, étoit de rendre l’empire purement électif, de fonder & d’affermir les prérogatives des électeurs. Or, ce qui s’est passé dans la maison d’Autriche depuis 200 ans, montre assez clairement que rien n’est plus contraire à cette liberté que l’élection d’un roi des Romains, du vivant même de l’empereur. Les électeurs prévirent bien ces inconvéniens, lorsque Charles V. voulut faire élire Ferdinand son frere roi des Romains, & prétendirent les prévenir par un réglement conclu entre eux & cet empereur à Schwinfurt, en 1532, mais que la maison d’Autriche a bien su rendre inutile.

Le roi des Romains est choisi par les électeurs, & confirmé par l’empereur ; il est couronné d’une couronne ouverte, qu’on appelle romaine, mais on ne lui prête aucun serment de fidélité qu’après la mort de l’empereur ; on lui donne le titre d’auguste, & non celui de toujours auguste, qui est réservé à l’empereur. L’aigle éployée qu’il porte dans ses armes, n’est qu’à une tête. En vertu de son titre, il est sans contestation successeur de l’empereur. Après sa mort, & pendant la vie de l’empereur, vicaire unique & universel, second chef & régent de l’empire. Il est vrai que tant que l’empereur réside dans l’empire, tous ces titres magnifiques sont pour le roi des Romains des honneurs sans pouvoir.

Le roi des Romains a d’ailleurs des avantages qui lui sont communs avec l’empereur, comme de présider aux dietes, de les convoquer de l’aveu des électeurs, & de les congédier ; de faire des comtes & des barons, de donner des lettres de noblesse, d’accorder des privileges aux universités ; de mettre les rébelles au ban de l’empire, en observant toutefois les formalités ordinaires ; de rappeller les proscrits, de commuer les peines, &c. mais il reconnoît l’empereur pour son supérieur. Il doit n’agir qu’au nom & par ordre de l’empereur ; c’est au-moins ce qu’il doit promettre, par la capitulation qu’on lui fait signer