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d’exiger l’ordre, à moins que ce ne fût le gouverneur, le commandant, le lieutenant de roi, ou le major qui la fissent ; car en ce cas, on le leur doit donner. On fait faire des rondes dans une place, tant pour visiter les sentinelles, & les empêcher de s’endormir, que pour découvrir ce qui se passe au-dehors. C’est pourquoi dans les places où il n’y a pas un chemin au-delà du parapet, il faut que celui qui fait la ronde, marche sur la banquette, & qu’il entre dans toutes les guérites, pour découvrir plus aisément dans le fossé, & qu’il interroge les sentinelles, s’il y a quelque chose de nouveau dans leurs postes, & leur fasse redire la consigne.

Plusieurs gouverneurs observent une très-bonne maxime, qui est de faire une ronde un peu avant qu’on ouvre les portes. Comme il est déja grand jour, cette ronde est très-utile, parce qu’on peut découvrir du rempart qui est très-élevé, ce qui se passe dans la campagne.

Le tiers des officiers qui ne sont pas de garde, doivent faire la ronde toutes les nuits à des heures marquées par le gouverneur, & doivent tirer tous au sort, sans distinction du capitaine ou du lieutenant, l’heure à laquelle ils doivent la faire ; & le major de la place a soin de faire écrire sur un registre, le nom de tous les officiers de ronde, & l’heure à laquelle ils doivent la faire, afin de pouvoir vérifier si quelqu’un y a manqué. Les officiers doivent la faire, à peine pour ceux qui y manquent, de quinze jours de prison, & de la perte de leurs appointemens pendant ce tems-là, qui sont donnés à l’hôpital de la place. Hist. de la milice françoise.

Ronde, (Ecrit) se dit communément de nos especes de lettre, dont les plains sont au premier degré droit d’obliquité sur la ligne perpendiculaire. Voyez le volume des Planches à la table de l’écriture. Il y a quatre sortes de rondes ; la titulaire, la moyenne du premier degré, qui s’emploie dans les lettres-patentes de grace, de rémission, dans les états du roi, & généralement dans tous les comptes qui se rendent à la chambre ; la moyenne du second degré, en usage dans le notariat ; la troisieme est la minute usitée dans les finances ; la quatrieme est la grosse de procureur, employée quelquefois aussi dans les finances.

RONDEAU, s. m. (Poésie franç.) le rondeau est un petit poëme d’un caractere ingénu, badin & naïf ; ce qui a fait dire à Despréaux :

Le rondeau né gaulois a la naïveté.

Il est composé de treize vers partagés en trois strophes inégales sur deux rimes, huit masculines & cinq féminines, ou sept masculines & six féminines.

Les deux ou trois premiers mots du premier vers de la premiere strophe servent de refrain, & doivent se trouver au bout des deux strophes suivantes, c’est-à-dire que le refrain doit se trouver après le huitieme vers & le treizieme. Outre cela, il y a un repos nécessaire après le cinquieme vers.

L’art consiste de donner aux vers de chaque strophe un air original & naturel, qui empêche qu’ils ne paroissent faits exprès pour le refrain, auquel ils doivent se rapporter comme par hasard.

La troisieme strophe doit être égale à la premiere, & pour le nombre des vers & pour la disposition des rimes.

La seconde strophe inégale aux deux autres ne contient jamais que trois vers, & le refrain qui n’est point compté pour un vers.

Ce petit poëme a peut-être bien autant de difficultés que le sonnet ; on y est plus borné pour les rimes, & on est de plus assujetti au joug du refrain ; d’ailleurs cette naïveté qu’exige le rondeau n’est pas plus aisée à attraper que le style noble & délicat du sonnet.

Les vers de huit & de dix syllabes sont presque les

seuls qui conviennent au rondeau. Les uns préferent ceux de huit, & d’autres ceux de dix syllabes ; mais c’est le mérite du rondeau qui seul en fait le prix. Son vrai tour a été trouvé par Villon, Marot & S. Gélais. Ronsard vint ensuite qui le méconnut ; Sarrazin, la Fontaine & madame Deshoulieres surent bien l’attraper, mais ils furent les derniers. Les poëtes plus modernes méprisent ce petit poëme, parce que le naïf en fait le caractere, & que tout le monde aujourd’hui veut avoir de l’esprit qui brille & qui pétille.

Après avoir donné les regles du rondeau, je vais en citer un exemple qui contient ces regles mêmes.

Ma foi c’est fait de moi : car Isabeau
M’a conjuré de lui faire un rondeau :
Cela me met en une peine extrème.
Quoi, treize vers, huit en eau, cinq en ème !
Je lui ferois aussi-tôt un bateau.
En voilà cinq pourtant en un monceau.
Faisons-en huit en invoquant Brodeau.
Et puis mettons par quelque stratagème,
Ma foi c’est fait.
Si je pouvois encore de mon cerveau
Tirer cinq vers, l’ouvrage seroit beau.
Mais cependant me voila dans l’onzieme,
Et si je crois que je fais le douzieme.
En voilà treize ajustés au niveau.
Ma foi c’est fait.

Plusieurs lecteurs aimeront sans doute autant ce rondeau-ci de madame Deshoulieres, dont le refrain est entre deux draps.

Entre deux draps de toile belle & bonne,
Que très-souvent on rechange, on savonne,
La jeune Iris au cœur sincere & haut,
Aux yeux brillans, à l’esprit sans défaut,
Jusqu’à midi volontiers se mitonne.
Je ne combats de goût contre personne ;
Mais franchement sa paresse m’étonne !
C’est demeurer seule plus qu’il ne faut

Entre deux draps.
Quand à rêver ainsi l’on s’abandonne,
Le traitre amour rarement le pardonne ;
A soupirer on s’exerce bientôt,
Et la vertu soutient un grand assaut,
Quand une fille avec son cœur raisonne

Entre deux draps.

Le refrain doit être toujours lié avec la pensée qui précede, & en terminer le sens d’une maniere naturelle ; & il plaît sur-tout, quand représentant les mêmes mots, il présente des idées un peu différentes, comme dans celui-ci, que Malleville, secretaire du maréchal de Bassompiere, fit contre Boisrobert, dans le tems qu’il étoit en faveur auprès du cardinal Richelieu. Le P. Rapin loue extrèmement ce rondeau dans ses remarques sur la poësie ; & il mérite en effet d’être ici placé.

Coëffé d’un froc bien rafiné,
Et revêtu d’un doyenné
Qui lui rapporte de quoi frire,
Frere René devient messire,
Et vit comme un déterminé.
Un prélat riche & fortuné
Sous un bonnet enluminé
En est, s’il le faut ainsi dire,

Coëffé.
Ce n’est pas que frere René
D’aucun mérite soit orné ;
Qu’il soit docte, qu’il sache écrire,
Ni qu’il dise le mot pour rire ;
Mais c’est seulement qu’il est né

Coëffé.

Rondeau redoublé, (Poés. franç.) cette espece de rondeau est composée d’une certaine quantité de strophes égales entr’elles, & qui dépendent du nombre de vers que contient la premiere strophe ;