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les Teinturiers nomment une certaine marque ronde de la grandeur d’un écu blanc, bleue, jaune ou d’autre couleur, que les Teinturiers sont obligés de laisser au bout de chaque piece d’étoffe qu’ils teignent, pour faire connoître les couleurs qui leur ont servi de pié ou de fond, & faire voir que l’on y a employé les drogues & ingrédiens nécessaires pour les rendre de bon teint. Dict. de comm. (D. J.)

Rose ou Rosette, terme de Tourneur ; c’est une sorte de cheville tournée, qui est grosse par un bout, & que l’on met à un ratelier avec plusieurs autres pour servir à pendre des habits. (D. J.)

Rose, (Blason.) la rose s’appelle soutenue, quand elle est figurée avec sa queue, elle est quelquefois d’un même, & quelquefois d’un différent émail, mais toujours épanouie, & tantôt avec les pointes de la châsse d’un émail différent des feuilles. Menestrier. (D. J.)

Rose-croix, société des freres de la, (Histoire des impostures humaines.) société imaginaire, & néanmoins célebre par les fausses conjectures qu’elle a fait naître.

Ce fut en 1610, qu’on commença à entendre parler de cette société chimérique, dont on n’a découvert ni trace, ni vestige. Ce qu’il y a de plaisant, c’est que dès-lors les Paracelsistes, les Alchimistes, & autres gens de cet ordre, prétendirent en être, parce qu’il s’agissoit des sciences occultes & cabalistiques, & chacun d’eux attribuoit aux freres de la rose-croix ses opinions particulieres. Les éloges qu’ils firent des freres de la rose-croix aigrirent quelques hommes pieux, & les porterent à intenter toutes sortes d’accusations contre cette société, de l’existence de laquelle ils auroient dû préalablement s’assurer.

Cependant on débitoit hautement qu’il paroissoit une illustre société, jusques-là cachée, & qui devoit son origine à Christian Rosencreuz. On ajoutoit que cet homme né en 1387, ayant fait le voyage de la Terre-Sainte, pour visiter le tombeau de J. C. avoit eu à Damas des conférences avec les sages chaldéens, desquels il avoit appris les sciences occultes, entr’autres la magie & la cabale, qu’il avoit perfectionné ses connoissances, en continuant ses voyages en Egypte & en Libye. Que de retour dans sa patrie, il avoit conçu le généreux dessein de réformer les sciences. Que pour réussir dans ce projet, il avoit institué une société secrette, composée d’un petit nombre de membres, auxquels il s’étoit ouvert sur les profonds mysteres qui lui étoient connus, après les avoir engagé sous serment à lui garder le secret, & leur avoir enjoint de transmettre ses mysteres de la même maniere à la postérité.

Pour donner plus de poids à cette fable, on mit au jour deux petits ouvrages, contenant les mysteres de la société. L’un a pour titre fama fraternitatis, id est, detectio fraternitatis laudabilis ordinis roseæ-crucis ; l’autre intitulé confessio fraternitatis, parut en allemand & en latin.

Dans ces deux ouvrages, on attribuoit à cette société 1°. Une révélation particuliere que Dieu avoit accordée à chacun des freres, par le moyen de laquelle ils avoient acquis la connoissance d’un grand nombre de sciences, & qu’en qualité de vrais Théosophes, ils étoient en état d’éclairer la raison humaine par le secours de la grace. 2°. On recommandoit, outre la lecture de l’Ecriture-sainte, celle des écrits de Taulerus, & de la théologie germanique. 3°. On assuroit que les illustres freres se proposoient de faire une réforme générale des sciences, & en particulier de la Médecine & de la Philosophie. 4°. On apprenoit au public que lesdits freres possédoient la pierre philosophale, & que par ce moyen ils avoient acquis la médecine universelle, l’art de transmuer les métaux, & de prolonger la vie ; enfin, on annonçoit qu’il al-

loit venir un siecle d’or, qui procureroit toute sorte

de bonheur sur la terre.

Sur le bruit que firent ces deux ouvrages, chacun jugea de la société des freres de la rose-croix, selon les préjugés, & chacun crut avoir trouvé la clé de l’énigme. Plusieurs théologiens prévenus déja contre l’école de Paracelse, penserent qu’on en vouloit à la foi, & qu’une secte fanatique se cachoit sous ce masque. Christophorus Nigrinus prétendit démontrer que les freres étoient des disciples de Calvin. Mais ce qui détruisit l’une & l’autre de ces conjectures, c’étoient quelques endroits des deux livres dont nous avons parlé, qui prouvoient que les freres étoient fortement attachés au luthéranisme. En conséquence, quelques luthériens défendirent avec zèle l’orthodoxie de la société.

Les plus éclairés conjecturoient que tout cela n’étoit qu’une fable forgée par des chimistes, comme l’indiquoient assez les connoissances chimiques dont cette société se vantoit. Ils ajoutoient pour nouvelle preuve, que le nom même de rose-cruz étoit chimique, & qu’il signifioit un philosophe qui fait de l’or. Telle a été l’opinion de M. Mosheim.

Il y eut aussi des gens qui crurent bonnement que Dieu, par une grace spéciale, s’étoit révelé à quelques hommes pieux, pour réformer les sciences, & découvrir au genre humain des mysteres inconnus.

Mais comme on ne découvroit en aucun endroit ni cette société, ni personne qui en fût membre, les gens d’esprit se convainquirent de plus en plus, qu’elle n’existoit point en réalité, qu’elle n’avoit jamais existé, & que tout ce qu’on débitoit de son auteur, étoit un conte fait à plaisir, inventé pour se divertir des gens crédules, ou pour mieux connmtre ce que le public pensoit de la doctrine de Paracelse, & des chimistes.

Le dénouement de la piece fut, qu’on n’entendit plus parler de la société, depuis que ceux qui l’avoient mise sur le tapis garderent le silence, & n’écrivirent plus. On a soupçonné fortement Jean-Valentin Andréa, théologien de Wirtemberg, homme savant & de génie, d’avoir été, sinon le premier auteur, du moins un des premiers acteurs de cette comédie.

Quoi qu’il en soit, le nom de freres de la rose-croix est resté aux disciples de Paracelse, aux Alchimistes, & autres gens de cet ordre, qui ont formé un corps assez nombreux, & dont on appelle le système Théosophie. Voyez, article Théosophie, les principaux points de cette doctrine. (D. J.)

Rose d’or, (Hist. de la cour de Rome.) c’est ainsi qu’on nomme par excellence, une rose de ce métal faite par un orfévre italien, enrichie de carats, & bénie par le pape le quatrieme dimanche du carême, pour en faire présent en certaines conjonctures, à quelque église, prince, ou princesse.

La coutume qu’a le pape de consacrer une rose d’or le dimanche lætare Jerusalem, n’a pris son origine que dans le xi. ou xij. siecle ; du-moins n’en est-il pas parlé plutôt dans l’histoire.

Jacques Picart, chanoine de saint Victor de Paris, dans ses notes sur l’histoire d’Angleterre, écrite par Guillaume de Neubourg, sur la fin du xij. siecle, nous donne l’extrait d’une lettre d’Alexandre III. à Louis le jeune, roi de France, en lui envoyant la rose d’or ; « imitant (dit ce pape au monarque) la coutume de nos ancêtres, de porter dans leurs mains une rose d’or le dimanche lætare, nous avons cru ne pouvoir la présenter à personne qui la méritât mieux que votre excellence, à cause de sa dévotion extraordinaire pour l’Eglise, & pour nous-mêmes ».

C’est ainsi qu’Alexandre III. paya les grands hon-