Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/538

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quoi qu’il en soit, Euripide crut devoir quitter Athènes, & se retirer à la cour d’Archélaüs, roi de Macédoine, où il fut très-accueilli. Ce prince aimoit les savans, & les attiroit par ses libéralités. Si l’on en croit Solin, il éleva Euripide à de grands honneurs, & le fit premier ministre d’état. Il mourut au bout de trois ans à la cour de ce prince à 75 ans, dans la quatre-vingt-treizieme olympiade. Archélaüs le fit enterrer magnifiquement. Vitruve dit que sa tombe étoit en rase campagne, sur le confluent de deux petites rivieres. La foudre tomba dans la suite sur le tombeau de ce poëte ; ce qui fut regardé comme un accident glorieux, parce qu’il n’y avoit eu que Lycurgue à qui une pareille chose fût arrivée.

Les Athéniens envoyerent une ambassade en Macédoine pour avoir ses os, & ne purent les obtenir ; mais ils lui dresserent un superbe cénotaphe, qui subsistoit encore du tems de Pausanias, & toute la ville prit le deuil à la nouvelle de sa mort. Un de ses amis nommé Philémon en fut si touché, qu’il déclara que s’il croyoit que les morts conservent le sentiment, comme quelques-uns l’assûroient, il se pendroit pour aller jouir de la vûe d’Euripide.

De quatre-vingt-douze tragédies qu’il avoit composées, il ne nous en reste que dix-neuf, dont les éditions les plus estimées sont celles d’Alde en 1503, in-8°. de Plantin, en 1571, in-16. & de Paul Etienne, en 1604, in-4°. Mais toutes ces éditions ont été effacées par celle de Cambridge, qu’a publiée en 1694, in fol. le docte Josué Barnès. Il a joint dans cette édition des scholies ; il a éclairci plusieurs choses par des notes fort savantes, & il a mis à la tête une vie d’Euripide toute pleine d’érudition, & fort au-dessus de celle de Thomas Magister.

Les pieces d’Euripide sont pleines de sentences d’une excellente morale : autant de vers, autant de maximes, selon Cicéron. Faut-il s’étonner après cela que cet illustre orateur eût toujours Euripide dans sa poche ? les assassins qui le poursuivoient & qui le tuerent, le trouverent lisant dans sa litiere la Médée d’Euripide. On peut néanmoins condamner dans le poëte de Salamine l’usage un peu trop fréquent des aphorismes philosophiques : on a trouvé nommément que son Hécube philosophe jusqu’à l’excès & à contre-tems.

Il y a plus ; toutes ses maximes n’étoient pas bonnes : il en débita une sur la religion du serment, qui parut si cavaliere, qu’on lui en fit un procès, dont il ne se tira que par un conflit de jurisdiction. Il introduit Hippolyte armé d’une restriction mentale, & qui, quand on lui remet en mémoire son serment, dit, v. 612.

J’ai juré de la langue, & non pas de l’esprit.

Cependant M. Barnès observe entr’autres choses, pour justifier le poëte, qu’Hippolyte aima mieux mourir que de violer ce serment verbal.

Euripide, dans une autre rencontre, dogmatisa si gravement pour les avares, que tout le monde s’en émut. On auroit chassé l’acteur, si l’auteur ne fût venu prier le peuple de se donner un peu de patience, l’assurant qu’on verroit bientôt la fin malheureuse de cet avare, dont les maximes choquoient tout le monde. L’équité veut que l’on soit content de cette sorte d’apologie : le même poëte s’en servit pour son Ixion. Quelques personnes trouverent mauvais qu’il représentât sur le théatre un homme aussi impie & aussi méchant que celui-là. « Prenez garde, leur répondit-il, qu’avant que de le laisser disparoître, je l’attache sur une roue ».

Une autre fois, on s’offensa tellement des deux premiers vers de sa Ménalippe, qui sembloient attaquer l’existence du plus grand des dieux, qu’il fut obligé de les changer ; c’est ce que nous apprenons

de Plutarque : voici les deux vers dont il s’agit, suivant la traduction d’Amiot :

O Jupiter ; car de toi rien sinon
Je ne connois seulement que le nom.

« Il se fioit fort de cette tragédie-là, ajoute Plutarque, comme étant magnifiquement & exquisement bien écrite ; mais pour le tumulte & murmure qu’en fit le peuple, il changea les deux premiers vers ainsi comme il se lit maintenant » :

O Jupiter, combien en vérité
Ce nom convient à ta divinité.

Au reste, il seroit absurde d’imputer à l’auteur d’une piece dramatique, les sentimens qu’il met dans la bouche de ses personnages. Il falloit bien, pour soutenir le caractere de Sisyphe, qu’Euripide le fît raisonner comme un athée ; & Plutarque a eu tort de trouver dans le discours de Sisyphe une ruse d’écrivain. Grotius a dit judicieusement : multa in tragedus sunt ex poetæ sensu dicta, sed congruenter personæ quæ loquens inducitur. (Le chevalier de Jaucourt.)

SALAMINIUS, (Mythol.) Jupiter est quelquefois désigné sous ce nom, à cause du culte particulier qu’on rendoit à ce dieu dans cette île de la Grece, vis-à-vis d’Eléusis. (D. J.)

SALANA, (Géog. mod.) petite riviere d’Italie, au royaume de Naples, dans la Calabre ultérieure qu’elle arrose ; elle se jette ensuite dans le phare de Messine, près du bourg de Siglio. (D. J.)

SALANCHES, (Géog. mod.) petite ville de Savoie, capitale du haut-Fauciguy, à deux lieues au-dessus de Cluse, au sud-est. Ce n’est proprement qu’un méchant bourg, au milieu duquel passent deux ruisseaux du même nom, qui vont se perdre dans l’Arve. Long. 24. 20. lat. 45. 58. (D. J.)

SALANDRA, (Géog. mod.) bourgade d’Italie, au royaume de Naples, dans la Basilicate, à trois lieues de Tricarico, sur la petite riviere qu’on nomme Salandra & Salandrella. La bourgade est bâtie sur les ruines d’Acalandra ; la riviere est l’Acalandrum de Pline, l. I. c. xx. elle se jette dans le golfe de Tarente, entre l’embouchure du Basiento, Camentum, & celle d’Agri, Acyris. (D. J.)

SALANDRELLA, (Géog. mod.) petite riviere d’Italie, au royaume de Naples ; elle se jette dans le golfe de Tarente, entre l’embouchure du Basiento, & celle de l’Agri. (D. J.)

SALANGAN, (Hist. nat.) c’est le nom que les habitans des îles Philippines donnent à l’oiseau dont le nid est un manger si délicieux pour les Chinois ; il est de la grosseur d’une hirondelle de mer, ou d’un martinet, & il attache son nid aux rochers. Voyez Nids d’oiseaux.

SALANKEMEN, (Géog. mod.) & par les Hongrois, Zalonkemen, qui est la bonne orthographe ; ville de la Hongrie, dans l’Esclavonie, sur le Danube, au confluent de la Teisse, à 12 milles au nord-ouest de Belgrade. On dispute si l’Acumincum d’Ammien Marcellin, est Salankemen, Cametz, ou Peterwaradin. Long. 37. 43. lat. 45. 17.

Ce fut devant cette ville que se donna, en 1691, une fameuse bataille entre les Turcs & les Impériaux, qui furent plus heureux que sages. Les Turcs avoient à leur tête, Mustapha Cuprogli, fils, petit-fils de grand visir, & parvenu lui-même à cette premiere dignité : il ne respiroit que la guerre, blâmant toute proposition de paix. Il avoit commencé par réformer les abus d’une mauvaise administration de sept ans, & par le rétablissement des finances. En ouvrant la campagne sous le regne d’Achmet III, il employa la religion & la sevérité des mœurs ; toutes les mosquées de Constantinople & les pavillons du camp, retentirent de prieres ; une foule de jeunes garçons